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La probation a-t-elle encore besoin de travailleurs sociaux ?

Jeudi 06.03.2014
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Après les drames de Marie et d’Adeline, les modes d’intervention du travail social ont été contestés. Retour sur les méthodes professionnelles à l’œuvre dans les services de probation et réflexions sur la notion de risque [1].

Par Daniel Lambelet, professeur, Haute école de travail social et de la santé · EESP · Lausanne

Sans faire l’histoire de la probation en remontant jusqu’à John Augustus (XIXe siècle), on peut rappeler que dès son origine celle-ci trouve son ancrage dans le travail social en prenant appui sur deux registres d’action : l’accompagnement social et le contrôle. Au point que les travailleurs sociaux ont longtemps établi une sorte de juridiction sur les sociétés de patronage, comme si ce domaine d’activité leur revenait de fait.

Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et sous l’effet conjugué de la montée de l’incertitude (sociale, économique), de l’évolution des politiques et des pratiques pénales, de la population des personnes placées sous mandat de justice, le lien d’évidence qui rattachait la probation au travail social ne va désormais plus de soi. Pour preuve, si l’on regarde les profils professionnels des collaboratrices et collaborateurs des services de probation de Suisse romande, on constate qu’ils sont désormais beaucoup plus hétérogènes qu’ils ne l’étaient autrefois. A côté des assistant·e·s de service social, on trouve maintenant des psychologues, des criminologues, etc. Et ce changement ne peut pas être imputé seulement à une présence accrue de ces catégories de spécialistes sur le marché de l’emploi, mais elle doit être mise en lien avec une redéfinition des priorités. En effet, dès lors que la prévention du risque de récidive violente devient la préoccupation principale, il s’opère un double glissement :

  • d’une logique d’accompagnement inscrite dans une perspective de (ré)insertion vers une logique de surveillance dominée par une visée de neutralisation du risque ;
  • d’un appui pris sur les savoir-faire de prudence des professionnels vers un recours accru à un instrumentation technique.

Avec pour conséquence que ce qui fait le cœur du métier du travail social se trouve dévalué. Dans un contexte où la gestion du risque tend à l’emporter sur tout le reste, le socle de valeurs, la démarche et les modes d’intervention des travailleurs sociaux (bilan social, élaboration de projet, relation d’aide…) apparaissent par trop angéliques.

Un champ professionnel sous tension

A la suite de Larminat (2012) [2], on peut dire que l’activité des agents de probation s’organise autour de trois polarités :

  • l’accompagnement social qui renvoie à un suivi global de la situation des probationnaires. Basé sur une relation inscrite dans la durée et une collaboration étroite avec un réseau de partenaires, il est indexé à un objectif de réinsertion ;
  • le contrôle qui recouvre la vérification des obligations fixées par la justice et le signalement des éventuels manquements. Cette facette de l’activité des professionnels est adossée à un ensemble de règles et de procédures strictement codifiées ;
  • l’évaluation et la gestion du risque qui consiste à déterminer le profil de dangerosité des personnes suivies dont découlera le protocole de prise en charge. Pour cela, les agents de probation sont conduits à endosser une posture d’expertise reposant sur le recours à une instrumentation de mesure et de management du risque.

Quand bien même les Règles relatives à la probation (2010) édictées par le Conseil de l’Europe soulignent que celle-ci « […] consiste en toute une série d’activités et d’interventions qui impliquent suivi, conseil, assistance dans le but de réintégrer socialement l’auteur d’infraction dans la société et de contribuer à la sécurité collective », ce à quoi on assiste depuis quelques années va dans le sens de la montée en puissance de l’impératif de maîtrise du risque.

Les travailleurs sociaux et la « risquologie »

Alors que dans certains cantons de Suisse alémanique (par exemple projet ROS à Zurich) une approche résolument centrée sur la prévention du risque est déjà mise en œuvre, les travailleurs sociaux n’ont-ils pas d’autre choix que de procéder à un aggiornamento de leur répertoire d’action professionnelle et de l’arrimer au corpus de connaissance et à l’instrumentation psycho-criminologiques ? Avec Herzog-Evans (2009 : 485), il nous apparaît au contraire que le savoir-faire des travailleurs sociaux a encore toute sa raison d’être : « Il est regrettable, alors même que la science démontre aujourd’hui que les travailleurs sociaux français étaient empiriquement dans le vrai en privilégiant le face à face, que leurs précieuses compétences artisanales soient mises en danger. »

Face à la demande sociale de maîtrise du risque – rendue particulièrement pressante suite à différents épisodes sordides – il n’y a pas d’un côté un savoir expert sur les auteurs d’infraction, assorti d’une technologie sophistiquée, qui apporteraient toute garantie de sécurité, et de l’autre des pratiques d’intervention sociale aveuglées par un idéal de réhabilitation à tout prix. Mais on a plutôt affaire à des cultures professionnelles différentes avec chacune un abord particulier de cet enjeu du risque. De manière contrastée, on pourrait les caractériser ainsi :

Le risque est vu d’abord comme un attribut de la personne (profil de dangerosité) Le risque est appréhendé plutôt comme la résultante d’une situation multidimensionnelle, évolutive, indéterminée
Visée prédictive, prétention à une mise sous contrôle Reconnaissance d’une part d’imprévisible inhérente à l’humain
Effort d’objectivation Prise en compte de la subjectivité engagée dans l’action
Démarche séquentielle : diagnostic – pronostic – protocole de suivi Démarche intégrative : appréciation en continu, concomitante à la dynamique d’accompagnement
Approche technicienne du risque qui fait du professionnel un auxiliaire des instruments de mesure Approche raisonnée du risque basée sur l’intelligence pratique du professionnel et le contrôle par les pairs

La probation au défi du travail coopératif

Tenant compte de cette situation d’interculturalité professionnelle, on pourrait être tenté de privilégier une perspective plutôt qu’une autre, ou d’introduire une forme de division des tâches qui reviendrait à les faire coexister sur un mode cloisonné (aux uns l’identification du profil de risque et l’établissement d’un protocole de suivi, aux autres sa mise en œuvre). Le défi à relever au sein des services de probation nous semble bien plutôt de favoriser une mise en dialogue [3]. Ce qui ne pourra se faire que si ( a ) on prend acte du fait que la connaissance des situations à risque est distribuée entre différents professionnels, partielle, provisoire, ( b ) on reconnaît la pluralité des formes d’intelligence des situations à risque et qu’on en facilite l’expression et ( c ) on enclenche et on fait vivre des processus de coordination en mettant en place des espaces d’échange propres à permettre l’élaboration d’un cadre concerté d’intervention et d’une culture d’action partagée.

L’instauration d’un tel travail coopératif, procédant conjointement d’une logique complémentaire (spécialisation, expertises partielles, mise en partage) et d’une logique communautaire (culture commune) requiert des groupes professionnels concernés qu’ils disposent d’un positionnement clair et d’une assise identitaire suffisamment solide. A cet égard, les travailleurs sociaux de la probation ont à ouvrir la boîte noire de leur activité et à faire reconnaître les spécificités de la démarche tout à la fois modeste et exigeante qui est la leur. A savoir, une démarche :

  • inscrite dans le care, attentive à la personne, à ses conditions d’existence et s’appuyant sur la continuité d’une relation d’accompagnement social ;
  • intégrant l’appréciation subjective et les savoir-faire de prudence [4] comme ingrédients de la vigilance dans le suivi des situations ;
  • adossée à un patient travail d’enquête (au sens de Dewey, 1993), c’est-à-dire à une manière d’interroger la situation au fil du déroulement de son action, pour parvenir à la caractériser, à apprécier les risques qu’elle comporte, à en suivre l’évolution en prêtant attention à différents indices ;
  • familière du travail en réseau et du contrôle par les pairs (intervision).

Même si la fiabilité est aussi affaire d’organisation et que des procédures formelles de coordination sont nécessaires pour aborder des situations à risque extraordinaire, elles seront opérantes pour autant qu’elles s’inscrivent dans une sorte de communauté de pratique, avec un répertoire d’expériences partagées et une compréhension mutuelle des cadres d’interprétation et d’action mobilisés par les uns et les autres.

[1] Ce texte constitue une version retravaillée d’une conférence donnée dans le cadre du 8e séminaire de la probation et du travail social dans la justice qui s’est déroulé les 5 et 6 décembre 2013 à Fribourg sur le thème « Gestion des risques : une mise à l’épreuve pour les professionnels ? ».

[2] Références :

  • Augustus, J. (1972). First Probation Officer, Patterson Smith, New Jersey
  • Cru, D. & Dejours, C. (1983). Les savoir-faire de prudence dans les métiers du bâtiment, Les Cahiers médico-sociaux, No 3 : 239-247
  • De Larminat, X. (2012). Les agents de probation face au développement de approches criminologiques : contraintes et ressources, Sociologies Pratiques, No 24 : 27-38
  • Dewey, J. (1993). Logique. La théorie de l’enquête, Paris, Puf
  • Herzog-Evans, M. (2009). Application des peines : la prétendue « bonne partie » de la loi pénitentiaire, Actualité Juridique Pénal, 12, Dalloz, Paris : 483-490
  • Recommandation CM/Rec (2010)1 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation

[3] NDLR : C’est sous ce mot clé de « dialogue » que sont placées les journées « FOUCAULT La prison aujourd’hui », du 19 au 30 mars 2014. En savoir plus sur le programme de cette grande manifestation avec créations théâtrales, débats, tables rondes, films, expositions, etc.

[4] Selon Cru et Dejours (1985), les savoir-faire de prudence ont à voir avec des attitudes, des comportements, des façons de faire qui vont dans le sens d’une appréciation des risques et de l’évitement de la mise en danger. Elaborés au fil de l’expérience, ils relèvent d’une intelligence pratique, pour une part individuelle, pour l’autre partagée au sein d’un collectif de métier.

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