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Addictions: maladie ou «trouble du choix»?

mardi 11.04.17
  • Dépendances No 59, « Addiction et maladie », janvier 2017
  • Revue publiée par Addiction Suisse et le Groupement romand d’études des addictions (GREA)

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

Dependances 59La toxicomanie et la prise en charge de personnes dépendantes m’ont accompagné tout un long d’un quart de siècle, jusqu’en 2003, au Service vaudois de la santé publique. J’ai vécu de près les évolutions et controverses au sujet de leur prise en charge ainsi que les empoignades idéologiques. C’est dire que j’ai été très intéressé par ce numéro de la revue Dépendances. Une demi-douzaine de contributions substantielles s’adressent à la difficile question « maladie ou choix » dans l’addiction.

L’opinion prévalente depuis quelques décennies est qu’on est en présence de dépendants et que les toxicomanes ne sont guère libres de leur choix. Etant entendu que, si certains s’en sortaient par des modalités fermes vers l’abstinence, beaucoup d’autres avaient besoin de béquilles, type méthadone, pour épauler leur motivation.

«Un trouble du choix»

Dans ce numéro, Jean-Félix Savary, secrétaire général du GREA, interviewe Nick Heather, professeur émérite à l’Université de Northumbria (UK). Il évoque l’« insatisfaction face à deux visions polarisées de l’addiction, qui empêchent les progrès dans la compréhension de celle-ci. D’un côté, l’idée que les dépendants n’ont pas d’autre choix que de faire ce qu’ils font. D’un autre côté, certains affirment que l’addiction est un choix libre (…) La vérité réside entre les deux. En fait, il s’agit d’un ‘trouble du choix’, le choix est déformé. Nous conservons le concept d’addiction mais voulons repenser sa signification. » Il relève que de vastes enquêtes ont montré que l’addiction peut être une difficulté dont les gens se remettent relativement rapidement. A cet égard, un exemple marquant a été la consommation massive d’héroïne par les soldats américains au Vietnam, que la plupart ont cessé sans grande difficulté à leur retour.

On sait qu’un problème important réside dans la stigmatisation des personnes touchées. Heather : « Il y a un paradoxe : les tenants du modèle de la maladie prétendent que c’est le seul capable d’inciter la société à cesser de blâmer les dépendants, point de vue qui séduit de nombreux politiciens. Je pense possible de parler de ‘trouble du choix’ sans que cela conduise pour autant à déprécier/juger les personnes, bien qu’on soit toujours susceptible d’être mal compris. » Une de ses enquêtes montre par ailleurs que le fait que l’alcoolisme soit considéré ou non comme maladie a peu d’influence sur l’attitude de la population. Sur ce point toutefois, un aspect pratique à signaler : aux USA par exemple, les assurances ne prendront en charge le traitement que si le problème est étiqueté «maladie».

Le polymorphisme de l’addiction

Plus avant : « La perspective que je soutiens met l’accent sur la problématique du contrôle et de la régulation de soi. Certains penseront que nous sommes moralisateurs. Mais ce que nous disons, c’est que l’addiction est un problème de l’humanité, des conduites humaines. La notion d’addiction devrait être intégrée dans le concept plus large de la difficulté à changer un comportement reconnu par la personne comme dommageable.»

En guise de commentaire : vérité en deçà de la Manche, erreur au-delà ? En fait, il existe un polymorphisme de l’addiction, souvent compliquée par des co-morbidités et des circonstances de vie difficiles. Il n’y a donc pas de réponse catégorique à la question complexe évoquée. Mais l’existence de différents points de vue quant aux circonstances et aux mécanismes impliqués n’empêche pas d’œuvrer utilement au traitement des toxicomanes, par différents moyens et à différents moments de leurs trajectoires.

 

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