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Face au tabagisme, l’attitude suisse est «inadmissible»

Mardi 02.10.2018

Le commentaire à chaud de Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

Le 1er octobre 2018 s’est ouvert au siège de l’OMS à Genève la conférence des pays parties à la Convention-cadre contre le tabagisme. La Suisse, qui l’a signée en 2004, n’y participe pas. Pourquoi ? Parce que, depuis tantôt quinze ans, elle n’a jamais ratifié ce texte. Considère-t-elle qu’il s’agit d’un sujet mineur ? Plus probablement, c’est là un signe de l’efficacité à Berne des lobbies anti-prévention, représentant des industries qui sont des disease mongers, c'est-à-dire des marchands/colporteurs de maladies.

Difficile, à vrai dire inadmissible, pour les milieux qui se préoccupent de santé (et cela devrait être inadmissible pour la population aussi !), d’accepter que, année après année, notre pays ne veuille pas reconnaitre le danger majeur qu’est le tabac : 10’000 morts par an en Suisse. La majorité du Parlement fédéral ne veut rien savoir des décennies de prises d’influence de Big Tobacco, à savoir l’industrie mondiale du tabac dont des membres importants ont leur siège en Suisse: désinformation, dénégations indignées, manœuvres dilatoires pour éviter l’instauration de limites à la vente ou la publicité. Nous savons pourtant que de telles limites font baisser la consommation. Non contente de manipuler les chiffres attestant de la nocivité du produit, l'industrie tente de manipuler les consciences avec ses lobbyistes.

Le 6 septembre dernier, l’émission « Temps présent » de la RTS intitulée « Attention, ce Parlement peut nuire à votre santé » a montré les liens très discutables, et le mot est faible, de dizaines de politiciens inféodés à cette industrie. Y compris dans le cadre d’un groupe dit « pour une prévention raisonnable », qui en réalité freine des quatre fers pour éviter toute prévention.

Après avoir en 2017 renvoyé à l’expéditeur un projet de loi sur les produits du tabac qui proposait de modestes avancées, le Conseil national vient de refuser à quelques voix près une mesure minimale visant à limiter la publicité auprès des jeunes. Je connais passablement de parlementaires bourgeois mais je n’arrive guère à réconcilier notre amitié avec leur opposition à la protection de la santé.

Dr Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois

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