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Des effets discriminatoires de la reconnaissance faciale

Mardi 13.06.2023

Faut-il interdire totalement la technologie de reconnaissance faciale dans l’espace public ? Une loi peut-elle suffire contre les dérives ? Eléments de réponse en trois questions à Estelle Pannatier, d’AlgorithmWatch CH.

estelle pannatier algorithmwatch photo david baechtold 170Estelle Pannatier © David Baechtold(REISO) Estelle Pannatier, vous êtes chargée de politique et de plaidoyer chez AlgorithmWatch CH, qui mène actuellement une campagne de sensibilisation sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public. Quelles sont vos craintes ?

(Estelle Pannatier) AlgorithmWatch CH est une organisation de la société civile qui fait de la recherche et du plaidoyer sur les impacts de l’utilisation des systèmes algorithmiques sur les individus et la société. Parmi ceux-ci, la reconnaissance biométrique, dont la reconnaissance faciale est une forme connue, peut entrainer une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux et des risques de discrimination.

Que dit la loi aujourd’hui ?

La nouvelle loi sur la protection des données (nLPD) entrera en vigueur en septembre 2023. Elle stipule que les données biométriques sont sensibles si elles permettent d’identifier clairement une personne. Il n'existe cependant pas d'autorisation générale pour leur traitement : une loi spécifique pour l’utilisation des données biométriques serait donc nécessaire. La nLPD s'applique uniquement aux autorités fédérales et aux acteurs privés, et pas aux cantons. Bien que l’insuffisance des bases légales existantes en la matière soit pointée du doigt, certains cantons utilisent déjà des systèmes de reconnaissance faciale par exemple dans le contexte de la poursuite pénale.

« Il faut un débat démocratique sur l’usage de la reconnaissance faciale dans l’espace public »

Votre organisation milite même pour une interdiction totale [1] de ce type de technologie. Pourquoi ?

Effectivement, AlgorithmWatch CH demande une interdiction de la reconnaissance biométrique à des fins d’identification dans les lieux accessibles au public car elle porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Elle impacte notamment celui à la sphère privée, ainsi que ceux à la liberté de réunion et d’expression. Il a également été démontré que ce type de systèmes reconnaît souvent moins bien les femmes et les personnes racisées. Son utilisation peut donc avoir des effets discriminatoires. L’an dernier, nous avons lancé la campagne « Stop à la reconnaissance faciale » et aujourd’hui nous sommes heureux·euse·s de constater que des villes comme Zurich, Lausanne et Saint-Gall ont interdit la reconnaissance biométrique dans l’espace public et que Genève y réfléchit. Il est urgent de faire avancer ce débat au niveau politique car de nouvelles utilisations apparaissent. A titre d’exemple, Fedpol [2] pourra, dès 2026, compléter son système automatisé d’identification des empreintes par un module de reconnaissance faciale. Il est important qu’une discussion démocratique sur ces questions puisse avoir lieu. En tant que société, nous devons réfléchir à nos valeurs et à nos limites — à ce que nous voulons et à ce que nous ne voulons pas... y compris en matière de technologies de surveillance.

(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)

[1] https://algorithmwatch.ch/fr/papier-de-position-reconnaissance-biometrique/

[2] https://algorithmwatch.ch/fr/fedpol-veut-deployer-la-reconnaissance-faciale-par-la-petite-porte/

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