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«Le consentement relève de subtilités à explorer»

Vendredi 10.11.2023

Afin d’offrir un espace de réflexion, de déconstruction et d’expérimentation sur le consentement aux hommes cisgenres entretenant des relations hétérosexuelles, Viol-secours propose des ateliers spécifiques. Interview.

Black hands handshake with handwritten ARE YOU OK? Concept of gesture, sign of help and hope. Two hands took each other. Black ethnic community. Vector illustration in a flat style. © Adobe Stock

(REISO) Vous insistez sur le fait que « Oui, non, peut-être, je ne sais pas : pour ceux qui veulent faire mieux avec le consentement » est un atelier et non pas une formation. Quel est l’enjeu de cette distinction ?

(Lorraine Astier Cholodenko, co-animatrice et Jules Destanne, co-animateur) Notre proposition est de travailler ensemble, d’échanger. Dans l’esprit de cet atelier, chacun arrive avec son savoir. Nous amenons quelques outils, mais les participants également. Face à une thématique du consentement très en vogue, ces personnes sont demandeuses d’outils concrets — d’où, là encore, la référence à l’atelier — et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, si s’informer constitue une étape nécessaire, être dans le concret, passer à la pratique s’avère indispensable. Certaines personnes ont pu accéder à la théorie sur le consentement et n’en font rien, tandis que d’autres n’ont rien lu ni entendu à ce sujet, mais témoignent de pratiques adéquates.

Certains hommes sont-ils davantage ciblés par ces ateliers ?

Les ateliers ont un but de prévention des violences sexuelles et de promotion d’une culture du consentement. Mais il est nécessaire de dépasser l’idée qu’il existerait des hommes qui en auraient plus besoin que d’autres. Être un militant sensibilisé, avoir lu sur le sujet ou être « déconstruit » ne suffit pas. D’où l’importance des partages de pratiques positives, qui constituent l’un des axes forts des ateliers. Des situations concrètes sont également abordées par l’intermédiaire d’extraits de films ou de séries. Cela contribue notamment à identifier différentes formes de consentement et contextes dans lequel il s’applique. Souvent, les participants sont déjà informés ou ont réfléchi à la thématique du consentement, mais il y en a également pour qui c’est encore plus ou moins nouveau. Les ateliers sont accessibles dans les deux cas. Il ne s’adresse pas uniquement à un public militant.

Pour quelle raison ces espaces s’adressent-ils spécifiquement aux hommes cisgenres hétérosexuels ?

Concernant la prévention des violences sexistes et sexuelles, les ressources existantes s’adressent principalement au grand public, aux femmes, aux enfants, qui sont les principaux groupes victimes desdites violences. Les outils et propositions à destination des responsables des actes de violences manquent. Pourtant, compte tenu des rapports sociaux de genre, les hommes cis [1] occupent une position particulière en tant que dominants. C’est la raison pour laquelle nous avons eu envie de nous adresser à eux.

Comment se déroulent ces demi-journées ?

Des exercices pratiques favorisent l’échange d’idées, l’exploration de pistes. Ensuite, une brève partie théorique porte sur la construction des normes de masculinité et des rapports de domination, leur lien avec la culture du viol. Elle aide à comprendre pour quelles raisons la majorité des agressions sont le fait d’hommes cis. Finalement, cela démontre que le consentement relève de subtilités à explorer, mais aussi que c’est plus simple qu’on peut le penser.

L’objectif consiste à intégrer de nouvelles notions et commencer à forger de nouvelles habitudes. Par la construction sociale des rapports de pouvoir, les relations hétérosexuelles restent figées. Notre perspective est d’amener plus de liberté, par exemple en déconstruisant l’idée que ce seraient les hommes qui demandent le consentement et les femmes qui l’acceptent — comme si les femmes n’avaient pas de désir, elles aussi. On rappelle aussi que les expressions physiques du désir ne constituent pas des marques du consentement, ainsi que l’importance de clarifier les moments où le consentement n’est pas clair entre les personnes qui participent à un acte. L’idée est de chercher ensemble comment intégrer cette notion dans le script établi des relations femmes-hommes. Par défaut, soit il en est absent, soit présent ponctuellement et essentiellement de façon non verbale. Dans l’atelier, le consentement est abordé comme un processus fluide, permanent et répété, qui peut passer par l’expression verbale comme non verbale. C’est un tout qui nécessite de l’échange et de l’écoute, de soi et de l’autre.

Qu’est-ce qui fait la spécificité de votre approche, par rapport à d’autres ressources sur le consentement ?

Nous proposons ces ateliers sur le consentement dans une perspective féministe de prévention des violences sexuelles et sexistes, comme outil de promotion de la sexualité positive [2]. Outre son public cible, l’une des particularités de notre approche est que l’on ne propose pas une méthode, des recettes, ni même un atelier clé en main. Hormis le rappel de quelques éléments de base, on part, comme on l’a déjà évoqué, essentiellement des besoins en présence. Le consentement se gère entre des personnes individuelles. Ancrer le consentement dans ses relations, c’est un apprentissage et il n’y a pas une recette absolue. Le consentement constitue un processus qui nécessite d’être rediscuté à chaque acte, il n’est pas acquis une fois pour toutes. Avoir tout compris du consentement n’implique pas automatiquement des relations intimes parfaites, mais il est nécessaire à un bien-être sexuel satisfaisant. C’est un élément parmi d’autres, pas la solution à tout.

Quels sont les retours que vous ont fait les participants ?

Les participants disent apprécier la possibilité de partager leurs expériences, visions et ressentis entre hommes cis hétéros. Ils témoignent du fait qu’une telle opportunité se présente très rarement dans leur quotidien, hors d’un espace formel tel que celui-ci. Autrement dit, les hommes cis hétéros ne parlent guère de leur intimité entre eux, du moins peu dans un registre qui évoque la sensibilité ou la vulnérabilité. Dans ces ateliers, au-delà du consentement, il est plus largement question de désirs, d’écoute, d’échange, de communication.

(Propos recueillis par Nicole Berger)

 

L'association Viol-secours

Viol-secours est une association qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles au niveau social, politique et judiciaire. Elle offre une permanence psychosociale, des groupes de parole, des espaces thérapeutiques (art-thérapie). Elle intervient également dans des institutions, ainsi qu’avec des modules de formation et de sensibilisation. En outre, elle développe des actions de prévention à travers des projets ponctuels ou à plus long terme.

Les ateliers « Oui, non, peut-être, je ne sais pas » s’adressent aux hommes cisgenres à partir de 18 ans ayant, entre autres, des relations hétérosexuelles et qui veulent mieux faire avec le consentement. Ces espaces sont proposés par le collectif « Oui, non, peut-être », sur mandat de l’association Viol-Secours, dans le cadre du plan d’action « Objectif zéro sexisme dans ma ville » de la Ville de Genève.

En savoir plus

S’inscrire à l’atelier du 19 novembre 2023

 

[1] Le terme cisgenre désigne une personne qui se reconnaît dans le genre qui lui a été assigné à la naissance (source : descriptif des ateliers)

[2] En suivant la définition de l’OMS, l’approche positive de la sexualité consiste à mettre en place des mesures qui permettent de vivre des expériences sexuelles agréables, sûres, exemptes de coercition, violence ou discrimination.

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