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Réflexion de Jean Martin
Dans sa « Charte de la transition écologique » (1), le journal Le Temps avait inclus cette proposition : « Créer une commission extraparlementaire chargée de défendre les intérêts des générations futures. » Mais comment concrétiser cette intention ?
Tentatives précédentes. En fait, l’idée est dans l’air depuis plusieurs décennies. On a parlé de « Troisième Chambre » dans l’organisation d’un Etat ; c’est le cas en France où le Conseil économique, social et environnemental, fondé par la Constitution de 1958, est une assemblée de plus de 200 membres censés représenter la société civile. Mais il serait préférable d’avoir une instance plus restreinte si on la veut efficace. Né d'une idée émise en 2000 par Jakob von Uexküll et fondé en 2007, le « World Future Council », indépendant et interdisciplinaire, est une fondation de droit allemand composée de 50 personnalités considérées comme des « change-makers ». Je me permets de noter que, lors des travaux de l’Assemblée constituante vaudoise, j’ai avec des collègues demandé l’institution d‘un « Conseil de l’avenir ». Après des débats vifs, le nom n’a pas été retenu mais le principe a été accepté et notre loi fondamentale cantonale de 2003 dit à son article 72 : « Dans le but de préparer l’avenir, l’Etat s’appuie sur un organe de prospective. » C’était il y a près de vingt ans et on doit admettre toutefois que la mise en œuvre a été tiède. On peut aussi relever l’engagement de la Fondation Zukunftsrat/Conseil de l’avenir, basée à Cudrefin - animée depuis une vingtaine d’années par Robert Unteregger, militant engagé, qui a stimulé et soutenu des initiatives dans ce sens dans différents cantons et communes, y compris en milieu scolaire et auprès des jeunes (2).
Futurs humains. Actuellement, les générations futures ne sont pas sujets de droit. Le premier acte nécessaire serait donc de fonder la légitimité de ceux qui nous suivront, même si ils sont encore «virtuels», à influencer les orientations et décisions d’aujourd’hui. Plus avant, il faudra débattre de critères pour leur représentation. Quelle place donner à la démographie, aux diverses traditions culturelles et civiques, voire religieuses ? Chercherait-on d’abord et surtout à lutter contre les inégalités sociales croissantes, grand fléau de l’époque ? Ces questions sont difficiles, mais il faut pourtant que quelque chose se passe.
Montagne, fleuve, forêt... Dans la même veine, à relever les décisions prises dans quelques pays de donner la personnalité juridique et donc des droits, non pas aux humains à venir mais à des éléments non-humains. Il s’agit de sites physiques comme une montagne, un fleuve en Nouvelle-Zélande ou en Inde (3), voire des êtres vivants comme une forêt. La Terre-Mère est reconnue dans des lois de Bolivie et d’Equateur. Cela bouscule sérieusement des règles admises jusqu’ici en Occident. Dans la foulée émerge la notion d’«écocide».
Appel à la créativité. Cette demande d’une vraie représentation de nos descendants est une utopie encore. L’espoir est que quelqu’un quelque part (ou plusieurs, bien sûr) aura la perspicacité et la créativité nécessaires à promouvoir un débat de société, un processus, possiblement une structure, susceptibles de défendre les intérêts des générations futures et leur droit à une vie vivable. Parfois, les choses peuvent changer vite…