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Les poncifs économiques décortiqués par deux prix Nobel

Mardi 17.03.2020

Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee : « Nous avons écrit ce livre pour garder espoir. Pour parler de ce qui ne s'est pas bien passé et raconter pourquoi, mais aussi de tout ce qui est allé dans le bon sens. »

Banerjee Duflo

Face aux inégalités qui explosent, aux désastres politiques et aux catastrophes environnementales qui menacent de toutes parts, cet ouvrage montre que tout n’est pas perdu. Si des choix de politiques publiques nous ont menés où nous sommes, rien n’empêche d’en faire d’autres. À condition de dresser, d’abord, un constat honnête. Ces pages traquent les fausses évidences sur toutes les questions les plus pressantes : immigration, libre-échange, croissance, inégalités, changement climatique. Elles montrent où et quand les économistes ont échoué, aveuglés par l’idéologie.

Mais l’ouvrage ne fait pas que renverser les idées reçues. Il répond à l’urgence de temps troublés en offrant un panel d’alternatives aux politiques actuelles. Une bonne science économique peut faire beaucoup. Appuyée sur les dernières avancées de la recherche, sur des expériences et des données fiables, elle est un levier pour bâtir un monde plus juste et plus humain.


Une interview d’Esther Duflo par Isabelle Hanne a paru dans Libération le 11 mars 2020. Quelques extraits.

«Parmi les poncifs économiques, une des idées les plus fausses est celle qui affirme que les individus sont très réactifs aux incitations économiques. Si les impôts sont plus élevés, ils vont s’arrêter de travailler ; si les transferts sociaux sont plus généreux, les pauvres vont faire de même ; si les conditions économiques sont meilleures dans nos pays, toute la misère du monde va débarquer chez nous, etc. En fait, il n’en est rien : gagner un peu plus d’argent ou faire un peu moins d’effort n’est pas le moteur principal de nombreux individus. Cela signifie que nous pourrions payer plus d’impôts plus progressifs sans qu’il s’ensuive de catastrophe économique, et qu’on pourrait concevoir des politiques sociales moins méfiantes envers ceux qui en bénéficient.»

[…] «Il y a toujours eu une méfiance fondamentale envers les pauvres. Dès l’Angleterre victorienne, les programmes d’assistance étaient fondés sur l’idée que les gens devaient être mis dans des circonstances dures pour vouloir s’en sortir. On ne s’est jamais complètement libéré de cette vision d’une protection sociale punitive, qui sert également à protéger le reste de la société des pauvres qui seraient potentiellement dangereux ou contagieux. […] Non seulement le système n’est pas construit pour préserver la dignité des gens qui ont besoin d’aide, mais il a plutôt tendance à les enfoncer dans leur pauvreté, en amplifiant leur sentiment de ne pas être à la hauteur. […] La peur de rendre les pauvres paresseux est avec nous depuis toujours et cela prendra du temps de s’en débarrasser.»


Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee ont reçu le prix Nobel d’économie en 2019. De réputation internationale, tous deux sont professeurs d’économie au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Ils y ont cofondé et y co-dirigent le J-PAL, laboratoire d’action contre la pauvreté. Ils ont signé, en 2012, Repenser la pauvreté (Seuil).

«Économie utile pour des temps difficiles», Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo, Paris : Editions du Seuil, Collection Les Livres du nouveau monde, mars 2020, 544 pages.

Le Seuil

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