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«De manière générale, rien n’est devenu plus simple»

Mercredi 06.10.2021

Depuis soixante ans, le Centre social protestant Vaud s’efforce de soutenir les personnes en difficultés. A l'aube de fêter cet anniversaire, Caroline Regamey, responsable de l’action sociale, fait le point sur six décennies d’activité.

Caroline Regamey 170© Hélène Tobler photographie / CSP

Caroline Regamey, quelles sont les évolutions qui ont marqué le Centre social protestant Vaud en 60 ans de soutien aux personnes en difficultés ?

Les missions de la plupart de nos services sont restées quasi intactes, mais c’est le périmètre des besoins de conseil et de défense d’intérêts qui s’est transformé en fonction du contexte politique, légal et administratif. Dans le domaine des migrations, les besoins se sont beaucoup transformés, de même que les profils et provenances des personnes migrantes, en lien avec les durcissements légaux. Chaque changement de loi amène son lot de questions ou de nouvelles problématiques à traiter : en droit de la famille, en matière de gestion des assurances et de l’aide sociale, etc.

Cela signifie-t-il que vous avez dû vous spécialiser ?

En effet, le CSP cherche toujours à adapter ses actions aux besoins. Par exemple, le Service social Jeunes s’est spécialisé sur les questions de financement de la formation en lien avec les besoins des jeunes ; le Service social polyvalent sur la gestion des dettes et le désendettement. Et le développement d’actions de prévention a pour but de ne pas jouer seulement le rôle de pompiers.

De manière plus large, quelles sont les évolutions sociétales qui vous frappent le plus ?

Les politiques incitatives dans le domaine social et des assurances sociales, la complexification et la segmentation du champ social et des dispositifs sociaux comme les prestations offertes sous conditions de ressources, l’augmentation des critères à remplir, la spécialisation croissante, et le ciblage… Tout cela a pour effet de rendre le système peu intelligible. Cela repousse certaines personnes hors du dispositif et en restreint les accès. Le risque, évidemment, est d’augmenter le non-recours aux prestations, ce qui est un vrai problème. Relevons encore le « verrouillage » de l’aide sociale aux personnes de nationalité étrangère, qui ne cesse d’augmenter… Enfin, la judiciarisation, avec l’augmentation des besoins de compétences dans ce domaine, a conduit à mettre en place des prestations socio-juridiques. Souvent, les personnes ne parviennent plus à s’en sortir seules.

Les attentes de la société par rapport à des organismes d’aide comme le vôtre sont-elles différentes maintenant ?

Ce qui est compliqué, c’est de ne pas être en mesure de combler toutes les attentes, toutes les demandes, surtout lorsqu’on se présente comme étant ouvert à tous et à toutes. Nous le sommes dans la mesure de nos moyens. Mais nous veillons à identifier les requêtes auxquelles nous ne pouvons pas répondre, surtout lorsque d’autres organismes ne le peuvent pas non plus, et à faire remonter ce type d’informations.

Le nombre d’individus faisant recours à vos services change-t-il ?

Ce nombre a augmenté au fil des années en fonction de l’élargissement de la palette de nos prestations et de nos forces. La forme donnée à certains services favorise aussi l’amélioration de la capacité de répondre aux nombreuses demandes. Par exemple, des sujets peuvent être traités rapidement grâce à l’organisation de séances d’information collectives ou dans les permanences, ce qui n’exclut pas la possibilité de suivis. Citons encore tout ce qui concourt à la multiplication des compétences, comme les formations ou la mise à disposition d’infos vulgarisées.

Que dire du traitement des dossiers ?

De manière générale, rien n’est devenu plus simple… Il faut maîtriser beaucoup de connaissances, y compris juridiques, et se tenir à jour avec les possibilités existantes : les dispositifs, leurs ayants-droits, leurs critères, la façon dont ils s’articulent ou pas... La complexité va croissante, et chaque nouveau dispositif complique encore la donne, tout en amenant des améliorations. Ce n’est pas pour rien que les réflexions actuelles vont en direction de guichets uniques d’information, avec réunion de compétences.

Le CSP fonctionne aussi avec des bénévoles. Est-ce compliqué d’en trouver ?

Bien que le recrutement des bénévoles demeure toujours une question d’actualité, bon gré mal gré, nos appels nous permettent de pouvoir compter sur les nouvelles forces dont nous avons besoin. Pendant la crise sanitaire, nous avons reçu des propositions spontanées de personnes poussées par un élan de solidarité. Ces dernières années, l’engagement bénévole de jeunes est également en augmentation. Souvent, leur contribution est plus ponctuelle, mais elle apporte beaucoup.

Quels sont les espoirs du CSP pour l’avenir ?

Nous espérons parvenir à rester accessibles à celles et ceux qui en ont besoin et orienter nos services dans ce sens, notamment avec des présences de proximité, dans les régions. Un défi est aussi de pouvoir intégrer les personnes concernées dans la définition de nos prestations, et de manière générale dans la politique sociale. De façon plus globale, nous aspirons à un système tel que le revenu minimum, universel, inconditionnel, qui contribue à dépasser durablement les problèmes actuels.

Que sera le CSP dans 60 ans ?

On aimerait répondre que son action ne soit plus nécessaire et utile !

(Propos recueillis par Céline Rochat)

 

Le CSP fête ses soixante ans avec divers évènements dans le courant de 2021. La journée du jeudi 7 octobre, avec la conférence sur la participation des publics, suivie de la partie officielle et de la soirée de fête, en est le point d’orgue.
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