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Un ouvrage pour réfléchir à l'éthique de la santé publique

Vendredi 18.02.2022

Le philosophe français Laurent Ravez signe l’un des premiers livres en français dans un domaine particulièrement questionné par la pandémie. A mettre entre les mains de tou·te·s les professionnel·le·s de santé et des politiques.

Recension par Jean Martin

intro ethique sante publique 170

Laurent Ravez est un philosophe de l'Université de Namur, très actif en (bio)éthique. Il publie Introduction à l’éthique de la santé publique, un des premiers ouvrages en français dans le domaine traité, d'intérêt très actuel par temps de pandémie Covid.

Après avoir brossé un tableau de ce qu'est la santé publique, il consacre des pages nécessaires au thème fondamental des déterminants sociaux de la santé (p.79 ss.). Dans la foulée, il s’intéresse au scandale multidimensionnel de l’aggravation des inégalités dans le monde entier, au sein des pays et entre les pays (voir aussi « Maladies de la pauvreté » - dès p. 221).

Ravez discute les grandes théories éthiques : utilitarisme, déontologisme, éthique des droits humains, éthique minimaliste, communautariste, des vertus. Sa dernière partie traite de l'éthique dans le domaine des maladies infectieuses, sujet classique depuis des siècles. Si, dès les années 1980, tous les enjeux liés au VIH/sida ont été particulièrement marquants, c'est maintenant le Covid-19 qui est au cœur des réflexions en la matière. Il importe toutefois de se ne pas oublier d'autres défis contemporains de grande importance, tels que l’usage de substances, le tabac et l’alcool ou les dérèglements écologiques.

Au plus proche des événements actuels, le philosophe relève que : « La santé publique requière souvent des efforts collectifs qui risquent d'être perçus comme les avatars d'un paternalisme sanitaire » (p.75). Ou quand l’éthique sociale fait face à l’éthique individuelle… Le fait est que la légitimité du paternalisme (entendu ici en termes objectifs) reste un élément essentiel, qui soulève de nombreuses questions, telle que : quel droit d'interdire aux fumeurs de fumer dans certaines circonstances ? A cet égard, la démonstration des effets nuisibles du tabagisme passif a apporté un fort soutien à la prévention. Ravez poursuit : « Pourquoi interdit-on de rouler à moto sans casque ? Pour protéger des inconscients ? Pour éviter des frais à la communauté en cas d'accident ? Probablement. Mais ce genre de mesures coercitives pourraient également être le reflet d'une responsabilité morale collective d'éviter des souffrances et des décès » (p. 15). Et de relever que, bien entendu, si des moyens coercitifs doivent être envisagés, il s'agit de choisir les moins contraignants.

Donner davantage de place à la santé publique

L'auteur souligne encore que, à côté de ses dimensions descriptives et de recherche à large échelle, la santé publique et son éthique ont vocation à défendre la cause d'une meilleure santé, de plaidoyer.

Cette Introduction à l’éthique de la santé publique est un livre bien informé, structuré, de lecture aisée. Il aborde l'essentiel de ce que les professionnel·le·s de santé, ainsi que leurs supérieur·e·s institutionnel·le·s et politiques, devraient savoir et comprendre. Tant il est vrai que, malgré le regain d'actualité que lui donne la pandémie, la santé publique et ses potentialités n'ont pas la place qu'elles requièrent.

« Introduction à l'éthique de la santé publique », Laurent Ravez, Montpellier : Ed. Sauramps Médical, 2020, 262 pages.

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