Pour réunir les savoirs
et les expériences en Suisse romande
S'abonner à REISO
Le domaine des affaires sociales et de la santé manque souvent de fonds pour promouvoir l’innovation. Le NTN Innovation Booster « Co-Designing Human Services » offre une opportunité unique de développement.
L’Association suisse pour la promotion de l’innovation sociale lance, avec le NTN Innovation Booster « Co-Designing Human Services », un programme d’encouragement au développement de prestations de services dans le domaine des affaires sociales et de la santé. Anne Parpan-Blaser, chargée de cours à l’Institut Intégration et participation, et Stefan Schnurr, chargé de cours à l’Institut d’aide aux enfants et à la jeunesse, travaillent tous les deux à la Haute école de travail social Fachhoschule Nordwestschweiz. Ils s’engagent auprès de l’équipe de management de l’Innovation Booster. [1]
(Sozialinfo.ch/Martin Heiniger) Quel rôle joue l’Association suisse pour la promotion de l’innovation sociale dans ce NTN Innovation Booster ?
(Anne Parpan-Blaser) L’association est ce que l’on appelle la leading house, c’est-à-dire le partenaire contractuel d’Innosuisse et donc le promoteur de cet Innovation Booster « Co-Designing Human Services ». Elle a demandé les fonds et les investit pour promouvoir les innovations dans le domaine des affaires sociales et de la santé, afin de donner un coup de pouce aux idées innovantes, voire de les « booster ». En Suisse, il n’y a encore jamais eu de projet de cette ampleur. Cet Innovation Booster représente, dans le secteur de l’action sociale et de la santé, une possibilité qui n’a jamais existé de bénéficier d’un soutien mais aussi de moyens financiers et d’aller de l’avant pour faire avancer des idées nouvelles ou améliorer l’existant.
Quelle est la composition de l’association ?
(Anne Parpan-Blaser) Jusqu’ici, ses membres sont principalement des hautes écoles et des organisations faîtières ou de grands établissements du domaine de l’action sociale et de la santé. À ce jour, nos membres constituent donc principalement deux angles du triangle formé par la recherche, les organisations prestataires et les personnes qui utilisent des prestations sociales et de santé. Mais l’association connaît une croissance continue et d’autres membres sont bienvenus.
Qu’est-ce qui a lancé la fondation de l’association ?
(Stefan Schnurr) L’association est née à l’occasion d’un appel d’offres d’Innosuisse. L’idée était de récupérer dans le secteur social une partie des subventions qui bénéficient généralement à l’industrie ou aux facultés technologiques. Il existe de gros besoins d’innovation dans le secteur social et de la santé, mais les organismes qui y sont présents n’ont pas la possibilité de constituer les réserves nécessaires pour le développement des innovations. L’Innovation Booster finance justement les phases de recherche et de développement situées en amont de la demande de projet.
Avec l’Innovation Booster « Co-Designing Human Services », l’association ne crée donc pas directement des innovations concrètes mais bien plus un espace possible pour la création de projets ?
(Stefan Schnurr) C’est cela, le « Booster » vise à permettre le développement d’idées nouvelles pour apporter de meilleures réponses à des problèmes connus et de nouvelles réponses à des problèmes jusqu’ici inconnus ou non reconnus.
(Anne Parpan-Blaser) Les moyens de l’Innovation Booster sont pensés spécifiquement pour la première phase d’une innovation : pour que les personnes intéressées coopèrent, poursuivent leurs idées, les concrétisent et les modélisent, pour qu’elles disposent des bases pour effectuer une demande de promotion d’un projet de développement. L’Innovation Booster doit permettre de faire mûrir les idées de projet jusqu’au moment d’effectuer la demande. Et c’est une condition importante fixée par le bailleur de fonds Innosuisse : seule une petite partie des fonds doit servir à constituer le réseau, à la partie administrative, etc. La plus grande part de la subvention doit être attribuée à ceux qui ont des idées innovantes et les développent. Nous avons par ailleurs opté pour un octroi des fonds par tranches aux équipes d’innovation.
Le thème de l’année 2022 s’intitule « Formes flexibles d’habitat et de soutien pour les seniors ». Comment ce thème a-t-il été choisi ?
(Anne Parpan-Blaser) Nous avons défini ce thème dès le cadre du dépôt de la demande chez Innosuisse, comme le premier de trois thèmes annuels. C’est une question actuelle et elle est suffisamment ouverte pour permettre une large participation. L’intégration des personnes concernées dans la conception des offres d’aide est un point intéressant.
Est-ce que le processus du développement de l’offre reflète ainsi déjà une partie du contenu qui fera partie de la solution à l’avenir ?
(Anne Parpan-Blaser) C’est le cas. Il nous tient à cœur de renforcer la position des personnes utilisatrices dans le domaine social et de la santé. Il ne s’agit pas seulement de nouveaux concepts et de meilleures offres, mais aussi de nouvelles attitudes et d’une plus grande participation. Le chemin à parcourir est encore long.
(Stefan Schnurr) Nous voulons contribuer à ce que les prestations soient davantage pensées et réalisées par les personnes utilisatrices.
NTN Innovation Booster « Co-Designing Human Services »
Le NTN Innovation Booster « Co-Designing Human Services » (IB-CDHS) doit servir à promouvoir et à tester les idées innovantes pour le domaine social et de la santé. Il représente une opportunité unique pour un domaine qui manque souvent de « capital-risque » et de moyens pour les innovations. L’une des idées majeures est que les personnes utilisatrices sont expertes pour les prestations qu’elles demandent — c’est pourquoi il est judicieux qu’elles participent au développement de ces prestations.
« Co-Designing » désigne des processus d’innovation ouverts dans lesquels les expériences et les besoins des personnes utilisatrices servent de boussole et de moteur à l’innovation. L’IB-CDHS sera désormais conduit chaque année sur un thème annuel défini. Celui de la période en cours s’intitule « Formes flexibles d’habitat et de soutien pour les seniors ».
Cela signifie-t-il que les spécialistes des institutions devront penser et apprendre différemment et s’engager dans de nouvelles formes de travail avec la clientèle ?
(Stefan Schnurr) Tout à fait, oui. Cela signifie pour toutes les parties un changement des rôles : pour les spécialistes, les personnes utilisatrices et les scientifiques.
(Anne Parpan-Blaser) En ce qui concerne les personnes utilisatrices, cela dépendra aussi de la langue que nous choisirons. Cela commence dès notre appel d’offres pour le dépôt d’idées de projets. Bien que nous l’ayons effectué à plusieurs reprises et que nous soyons passés par là plusieurs fois, la procédure est toujours très compliquée. Là aussi nous sommes encore en phase d’apprentissage.
Quelles sont donc vos stratégies pour aborder les personnes concernées et vous assurer qu’elles participent vraiment ?
(Anne Parpan-Blaser) Il est encore difficile de les aborder directement pour le moment. La probabilité est encore faible qu’une personne qui habite par exemple dans une maison de retraite à Köniz, et qui n’est pas satisfaite, aie connaissance de notre appel et nous contacte. L’association et le Booster sont encore trop peu connus pour avoir un accès direct aux personnes utilisatrices. Mais je suis certaine que les réseaux existants se développeront. Quelqu’un qui travaille dans le domaine sait où se trouvent par exemple des seniors actifs ou des groupes de personnes résidentes que l’on pourrait intégrer.
(Stefan Schnurr) Nous essayons de reproduire le principe du « Co-Designing » et de la participation des personnes utilisatrices de manière interne au projet en veillant à ce que ces personnes soient représentées dans tous les organes.
Qui sont ces organes ?
(Anne Parpan-Blaser) L’équipe de management, qui met en route l’Innovation Booster, le panel, c’est-à-dire le jury qui évalue les idées et décide de l’octroi des fonds, et bien sûr les équipes d’innovation, qui développent les idées.
Vous affirmez que les systèmes de sécurité sociale de la Suisse doivent être totalement remaniés pour correspondre aux besoins de demain. L’association a-t-elle déjà des idées concrètes ?
(Anne Parpan-Blaser) Nous partons du principe que les personnes qui tiennent compte des services et travaillent directement sur le terrain connaissent les problèmes et les besoins, mais sont trop peu entendues à ce jour. Nous voulons leur permettre de développer leurs idées, de les vérifier et de les essayer.
Cet Innovation Booster représente, dans le secteur de l’action sociale et de la santé, une possibilité qui n’a jamais existé de bénéficier d’un soutien mais aussi de moyens financiers. Anne Parpan-Blaser
Comment se déroulera le Forum de l’innovation du 5 mai ?
(Stefan Schnurr) Actuellement, nous prévoyons un événement mulitlingue en direct sur un site central.
(Anne Parpan-Blaser) Certaines équipes d’innovation se présenteront au Forum de l’innovation avec un bref descriptif de leur projet. D’autres auront la possibilité pour la première fois d’y décrire leur idée. À la fin de la journée, le jury décidera quelles idées de projet peuvent bénéficier d’un « Ideation Cheque » de 1’000 francs pour poursuivre le développement de l’idée jusqu’au 6 juin. L’étape suivante permettra alors de décider quels projets pourront passer à la phase suivante, la « Discovery Phase », lors de laquelle de nouveaux fonds pourront être attribués.
(Stefan Schnurr) Il y aura alors 4’000 francs par équipe d’innovation ou idée de projet.
Le nombre de projets qui passe à l’étape suivante diminuera-t-il à chaque fois ?
(Stefan Schnurr) Pas forcément. Nous voulons promouvoir autant de projets que possible avec les moyens dont nous disposons. La promotion échelonnée dépend aussi de l’investissement nécessaire à chaque phase du développement. Elle peut constituer une incitation à rester à l’écoute des idées. Les équipes d’innovation peuvent tout à fait utiliser les subventions pour obtenir un soutien extérieur, par exemple.
L’Association suisse pour la promotion de l’innovation sociale est un projet coopératif dans lequel interviennent notamment différentes hautes écoles spécialisées. L’ancien rapport de concurrence a-t-il changé ?
(Stefan Schnurr) Oui, c’est ainsi que je le vis. Pour moi, la préparation de l’Innovation Booster était un magnifique exemple de coopération au-delà de toutes les idées en concurrence. C’est peut-être le signe d’une nouvelle culture de coopération entre les différentes hautes écoles. Il y a de plus en plus de projets qui vont au-delà des régions linguistiques et auxquels plusieurs hautes écoles participent dans différentes parties du pays. La coopération est très efficace, très pragmatique. C’est passionnant. C’est un peu comme un projet international au sein d’un même pays.
(Anne Parpan-Blaser, en riant) C’est une bonne description, notamment en raison de l’aspect multilingue. Ce qui nous relie est la prise de conscience de ne pouvoir réussir qu’ensemble.
Qui est l'Association suisse pour la promotion de l'innovation sociale ?
L’Association suisse pour la promotion de l’innovation sociale a été fondée en janvier 2021 dans le but de permettre des innovations dans le domaine social et de la santé. Innosuisse a accordé à l’association une subvention pour construire et exploiter le NTN Innovation Booster. Cette forme de promotion de l’innovation permet de rassembler des acteurs issus de la recherche, de la pratique et de la société autour d’un thème et de soutenir financièrement les premiers pas d’un développement.
En savoir plus
[1] La version originale de cette interview est parue en allemand dans la revue SozialInfo, que REISO remercie pour sa collaboration.
Lire également