Obésité des jeunes : une épidémie de poids
Le programme vaudois « Ça marche ! » a lancé un dispositif pour soutenir les enfants et les adolescent·e·s en excès de poids. Il répond aux questions des ados, des parents et des professionnel·le·s.
Par Jessica De Bernardini, chargée de projet, et Alexia Fournier Fall, responsable, Programme cantonal « Ça marche ! », Lausanne
Ces dernières décennies, la sédentarité, la surcharge pondérale et l’obésité ont fortement augmenté au sein de la population mondiale, à tel point que l’Organisation Mondiale de la Santé parle d’épidémie. Pour 2008, elle estime que plus d’un adulte sur dix était obèse dans le monde. L’excès de poids et la sédentarité sont des facteurs de risques importants des maladies chroniques telles que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains types de cancers. La Suisse ne fait pas exception. Les résultats issus de l’Enquête suisse sur la santé 2007 montrent que 37% des personnes de plus de 15 ans sont en surcharge pondérale, alors que 8% souffrent d’obésité [1]. Les enfants et les jeunes ne sont pas épargnés. Le relevé et l’analyse des données relatives à l’Indice de Masse Corporelle (IMC) des services de santé scolaire des villes de Bâle, Berne et Zurich pour l’année 2010/2011 révèlent que près de 20% des élèves de ces villes souffrent de surpoids, dont un quart (5%) d’obésité [2]. Le surpoids et l’obésité concernent les garçons comme les filles. Les différences de prévalence varient en fonction de l’âge et deviennent plus marquées à l’adolescence. De manière générale, les garçons ont toutefois tendance à être davantage en surpoids et obèses que les filles [3]. Les chiffres actuels montrent donc qu’il existe toujours un important besoin d’agir, et ce, d’autant plus que l’obésité développée durant l’enfance a tendance à perdurer à l’âge adulte. En effet, environ 40% des enfants âgés de 7 ans avec une surcharge pondérale deviennent des adultes en surpoids [4].
Le surpoids a des conséquences sur la santé physique des enfants : diabète de type 2 en tête, mais aussi hypertension artérielle, dyslipidémie, troubles respiratoires – en particulier syndrome de l’apnée du sommeil et asthme – ainsi que douleurs articulaires. En plus des problèmes physiques, ces enfants vivent une situation psychologique difficile. En effet, ils sont souvent victimes de railleries, de discrimination et d’exclusion, tout particulièrement lors d’activité physique, ce qui péjore encore leur handicap. Cette discrimination peut mener à un état dépressif : « La discrimination par les pairs bloque le développement affectif, porte atteinte à l’image de soi et à la confiance en soi, freine la capacité d’apprendre » [5]. Par la suite, il est établi que l’adolescent en situation de surpoids trouvera plus difficilement une place d’apprentissage ou un emploi, perpétuant ainsi l’exclusion [6]. Précision importante : le surpoids et l’obésité touchent plus particulièrement les enfants issus de parents immigrés et les enfants appartenant aux classes sociales défavorisées. Ces différences sont visibles à tous les niveaux scolaires et peuvent atteindre des proportions élevées : par exemple, durant l’année scolaire 2010/2011, les enfants étrangers des jardins d’enfants bâlois étaient deux fois plus concernés par le surpoids que les enfants de nationalité suisse [7].
Ligne téléphonique et carte interactive
Les familles concernées par l’obésité font face à de nombreuses questions auxquelles il est difficile de trouver réponse : Mon enfant est-il obèse ? Quelles sont les conséquences pour sa santé ? A qui m’adresser ? Que faire ? Combien coûte la prise en charge ? Une situation d’autant plus délicate du fait que les offres thérapeutiques ne sont pas suffisamment connues du public et des professionnel·le·s de la santé. C’est face à ce constat que le programme cantonal « Ça marche ! » [8] a lancé en septembre 2012 un dispositif de soutien aux enfants et adolescent·e·s en excès de poids intitulé « a dispo ! ». Comprenant une ligne téléphonique (021 623 37 78) et un site internet, il rassemble en un seul endroit l’ensemble des offres de prise en charge de l’excès de poids disponibles dans le canton.
A chaque âge, et à chaque excès de poids, son offre : des programmes thérapeutiques aux activités sportives sans compétition, il existe différentes options pour les enfants et adolescent·e·s en excès pondéral. Trois catégories d’offres ont ainsi été identifiées pour répondre aux besoins les plus variés : les programmes thérapeutiques (certifiés par l’Association suisse obésité de l’enfant et de l’adolescent [9]), les activités physiques adaptées ainsi que les activités sportives non compétitives.
L’ensemble de ces offres sont représentées sur une carte interactive du canton [10]. Il est ainsi facile pour les internautes de connaître les possibilités existantes dans leur région. Chaque offre comprend une explication de la prestation, des photos, des fichiers joints le cas échéant (flyer, programme), ainsi que toutes les coordonnées nécessaires pour une prise de contact. Régulièrement mis à jour, cet outil permet d’avoir une vision d’ensemble des prestations offertes. Utile pour les familles, il l’est également pour les professionnel·le·s de la santé en contact avec des enfants et adolescent·e·s comme les médecins généralistes, les pédiatres, les diététicien·ne·s, les infirmières et infirmiers, etc.
En parallèle au dispositif « a dispo ! », une nouvelle prestation a été mise au point en collaboration avec les programmes thérapeutiques partenaires (Grandir en forme, KILOADOS et Sportsmile). Intitulée « Ça marche à fond les formes », elle comprend des cours hebdomadaires d’activités physiques adaptées et quatre « ateliers nutrition » par année scolaire. Cette prestation est spécialement destinée aux jeunes âgés de 8 à 16 ans en excès de poids et vise à compléter l’offre actuelle. Elle est en effet également ouverte aux jeunes ne remplissant pas les critères d’admission des programmes thérapeutiques et à ceux qui en sortent mais qui souhaitent conserver une activité physique adaptée. Les cours ont lieu à Lausanne, Vevey et Nyon. Un cours sera prochainement organisé à Yverdon-les-Bains.
Ecueils et premiers résultats
La création du dispositif a pris du temps. Depuis le lancement du programme cantonal en 2008, des demandes en termes de coordination de la prise en charge de l’excès de poids chez l’enfant et l’adolescent au niveau cantonal se sont fait entendre à maintes reprises. Elles émanaient tant du Service de la santé publique et des professionnel·le·s ayant un contact régulier avec des jeunes en surpoids, que des prestataires d’offres de prise en charge eux-mêmes. Une première étape a été de mener des entretiens avec les principaux spécialistes de l’obésité pédiatrique du canton de Vaud, mais également de Genève et du Valais. Sept entretiens ont ainsi été menés et trois visites effectuées dans des centres de soins [11]. Ont résulté de cette enquête les constats suivants : difficulté rencontrée par les programmes thérapeutiques à recruter des participant·e·s, manque de visibilité des possibilités de prise en charge existantes, lacune en termes d’activités physiques adaptées et faible synergie entre les prestataires d’offres.
L’étape suivante a donc été de réunir les responsables des programmes thérapeutiques vaudois qui le souhaitaient, dans le but de développer un dispositif. Les contraintes et défis étaient nombreux : rendre visible de manière égale des offres de prise en charge variées, créer une prestation utile tant à la population qu’aux professionnel·le·s et couvrir les besoins d’informations d’un canton géographiquement vaste. Enfin, une attention particulière a été portée à la stratégie de communication : celle-ci devait atteindre le cœur de cible du dispositif, soit les jeunes en excès de poids et leurs parents, de même que les professionnel·le·s les côtoyant quotidiennement. Il nous a semblé en effet primordial que les professionnel·le·s de terrain connaissent cette prestation et relaient l’information à leurs patient·e·s, résident·e·s ou bénéficiaires. Le lancement du dispositif a donc nécessité une collaboration accrue, des ajustements et de la patience de la part de l’ensemble des acteurs concernés par le surpoids chez les jeunes. Son évolution et sa mise à jour en demandera encore davantage.
Les premières retombées positives commencent à apparaître. Ainsi, depuis son lancement, le programme « Ça marche ! » a reçu près de vingt demandes d’informations via la ligne téléphonique et le site internet. Dont la moitié provenant de mères découragées face à l’excès de poids de leur enfant et ne sachant à qui s’adresser. Le dispositif a également créé des synergies entre professionnel·le·s : une liste des diététicien·ne·s accueillant les enfants et adolescent·e·s dans leur consultation a été élaborée et mise en ligne, des demandes de matériel promotionnel ont été formulées par des infirmières et infirmiers scolaires, des prestataires d’offres sportives non compétitives se sont manifestés pour que celles-ci soient répertoriées sur le site. Enfin, le site internet voit son nombre de visites augmenter. Il compte près de mille visites depuis son ouverture. Sachant que le surpoids concernerait près de 30’000 jeunes Vaudois·es selon nos estimations, ces retours restent modestes, mais sont néanmoins encourageants.
[1] Lieberherr R. et al., Santé et comportements vis-à-vis de la santé en Suisse 2007, Enquête suisse sur la santé, Office fédéral de la statistique (OFS), Neuchâtel, 2010.
[2] Stamm et al., Monitoring des données IMC effectué par les services médicaux scolaires des villes de Bâle, Berne et Zurich. Evaluation comparative des données de l’année scolaire 2010/2011. Résumé d’un projet soutenu par Promotion Santé Suisse, 2012. Télécharger la version pdf.
[3] Ibid., p. 4 et Stamm et al., Monitoring des données concernant le poids des enfants et des adolescents dans les cantons des Grisons, du Valais, du Jura, de Genève et de Bâle-Ville et des villes de Fribourg, Berne et Zurich. Analyse des données de l’année scolaire 2008/2009. Résultat d’un projet soutenu par Promotion Santé Suisse, 2010. Télécharger la version pdf.
[4] Schopper Doris, « Poids corporel sain » avant l’âge adulte : Qu’avons-nous appris de nouveau depuis 2005, Promotion Santé Suisse, Berne et Lausanne, 2010, p. 27. Télécharger la version pdf.
[5] Ibid., p. 27
[6] Promotion Santé Suisse, Le surpoids chez les enfants et adolescents.
[7] Stamm et al., Monitoring des données IMC effectué par les services médicaux scolaires des villes de Bâle, Berne et Zurich. Evaluation comparative des données de l’année scolaire 2010/2011. Résumé d’un projet soutenu par Promotion Santé Suisse, 2012. Télécharger la version pdf.
[8] Lancé en 2008, il a pour but de promouvoir une activité physique et une alimentation favorables à la santé sur l’ensemble du canton de Vaud. Pour plus d’informations : www.ca-marche.ch / 021 623 37 90 /
[9] Pour plus d’informations (en allemand) sur l’Association suisse obésité de l’enfant et de l’adolescent (AKJ) et sur les programmes thérapeutiques existants en Suisse, voir leur site internet.
[11] Les trois centres visités sont : programme thérapeutique Contrepoids aux Hôpitaux universitaires de Genève (site internet), programme thérapeutique Contrepoids Hôpital du Valais (site internet) et Institut St Joseph Gouglera SA (site internet.)