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Prostitution, stigmate et réorientation

Lundi 14.09.2020
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Comment tirer profit de ses expériences lorsque son métier est socialement disqualifié? Une enquête auprès d’anciennes travailleuses du sexe a analysé les stratégies et les ressources mobilisées pour réussir une reconversion professionnelle.

Par Messaline Gerstein, mémoire de Master en travail social et politiques sociales, Université de Fribourg

S’il a fallu attendre le début des années 1990 pour que la prostitution soit légalisée en Suisse, le cadre légal qui l’englobe reste à ce jour complexe. En dépit de son changement de statut, la prostitution cristallise toujours de vifs débats dans la sphère publique. Bien que reconnue légalement, elle n’en demeure pas moins réprouvée moralement par certains. Dès lors, comment composer une réponse à la question « que fais-tu dans la vie ? » lorsque la profession exercée est socialement «disqualifiée» et «disqualifiante» ?

La reconversion professionnelle est à la fois génératrice d’engouement et d’appréhension : l’individu rompt avec l’emploi précédent pour s’engager dans une période de transition où il doit être apte à faire face aux incertitudes. Un dialogue complexe s’opère alors entre reconnaissance du passé (expériences acquises, identités professionnelles, diplômes et qualifications obtenues, savoir-faire, etc.) et orientation vers l’avenir ([ré]intégration). L’individu cherchera à intérioriser son histoire et à la mettre en narration, afin de pouvoir tirer profit de ses expériences.

Quel sens donner à la pratique ?

La recherche présentée dans cet article [1] a eu pour objectif d’appréhender le processus de reconversion professionnelle de personnes dotées d’une identité professionnelle stigmatisée. Il s’agit plus précisément de saisir l’impact du stigmate socio-professionnel de la prostitution sur le processus de reconversion professionnelle des travailleuses du sexe. A travers une démarche compréhensive, les stratégies et mécanismes d’adaptation mobilisés par les travailleuses du sexe en vue d’accéder à une nouvelle voie professionnelle, ainsi que les enjeux sous-jacents à ces répertoires et modes d’action ont dans cette perspective été analysés.

Pour saisir ces éléments de réponse, nous avons observé comment ces actrices investissent la reconversion professionnelle à travers leurs discours et tenté de comprendre le sens qu’elles confèrent à leur pratique et aux événements auxquels elles ont été confrontées, leur système de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations des situations de conflits ou de difficulté interactionnelle, par exemple.

Cette étude s’est appuyée sur huit entretiens avec d’anciennes travailleuses du sexe. Afin de dessiner au mieux les contours de la problématique et de couvrir ses différents enjeux, les concepts sociologiques de stigmate et d’identité, de reconversion professionnelle et d’agir faible ont été mobilisés.

Comment réussir la bifurcation ?

La réussite de la reconversion professionnelle des travailleuses du sexe est conditionnée par trois éléments : leur capacité à se défaire de leur identité professionnelle stigmatisée, leur aptitude à créer de nouveaux liens sociaux et leur compétence à réhabiliter et actualiser des ressources habilitantes. Réunir ces conditions exige, d’une part, la mise en place de stratégies de gestion du stigmate pour soi et autrui et, de l’autre, une certaine réflexivité en vue de repenser et reconstruire mentalement les expériences et actions, afin de les réinvestir dans le projet professionnel futur.

Le choix des leviers à la reconversion professionnelle est non seulement conditionné par des facteurs objectifs mais aussi subjectifs. Les représentations que les ex-travailleuses du sexe ont de leur capacité à agir sur la situation dessinent les jalons stratégiques à la bifurcation. L’analyse des discours des interviewées a, en effet, permis de mettre en exergue la capacité des ex-travailleuses du sexe à se projeter et à établir des stratégies de reconversion professionnelle. Ces compétences sont influencées par plusieurs variables subjectives. Citons, en premier lieu, la perception de l’impact du stigmate et l’identification à ce dernier ; en second lieu, celle relative aux croyances, en lien avec le sentiment de contrôle sur sa trajectoire professionnelle, la capacité à identifier ses compétences et aptitudes, ainsi que les acteurs habilitants et la perception de ses capacités à acquérir de nouvelles compétences. Les répertoires et modes d’action des ex-travailleuses du sexe dépendent donc de la perception qu’elles ont de leurs ressources internes et externes et des risques liés au nouveau contexte, tels que la stigmatisation.

Comment gérer le stigmate ?

Lors du passage du « monde de la prostitution » à d’autres secteurs d’activité, les travailleuses du sexe se trouvent dans un contexte de redéfinition de leur rapport à l’autre. En fait, c’est dès leur entrée dans la prostitution que les interviewées développent des stratégies de « gestion » du stigmate. Un certain malaise dans la communication en résulte. Des réflexions, discours et actions sont mis en place pour se faire admettre dans les rapports sociaux, plaçant les personnes «discréditables» en situation de représentation.

En d’autres termes, cela signifie que les travailleuses du sexe cherchent à contrôler l’accès à l’information, afin de ne pas laisser échapper des indices potentiellement révélateurs de leur situation. Dans cette perspective, elles construisent des identités en référence à plusieurs espaces et séparent la pratique au niveau spatial et identitaire. Les interviewées s’appuient alors sur des stratégies structurelles pour se protéger, elles et leur famille: aménagement des espaces, création d’un personnage et construction progressive d’une narration pour les différents interlocuteur-trice-s. Soulignons que la manipulation de l’information s’effectue aussi bien sur le plan verbal que non verbal : dissimulation de signes apparents, brouillage des pistes, révélations partielles, éloignement.

Au moment de la sortie, les stratégies structurelles mises en place pendant la pratique de la prostitution sont maintenues et étoffées pour être mobilisées dans pratiquement l’ensemble des sphères de vie. En effet, le nouveau contexte d’action amène de nouvelles interactions et multiplie les situations de représentation, ce qui exige le perfectionnement des stratégies de gestion de l’information jusqu’ici utilisées.

La reconversion professionnelle visant par ailleurs à forger un sentiment d’unité, nous avons constaté que les interviewées développent des réflexions, des discours et des actions non seulement en vue d’être acceptées socialement, mais également dans le but de diminuer les tensions identitaires liées à leur stigmate. La fin d’une carrière dans la prostitution est ainsi envisagée comme une occasion de rompre avec toutes les représentations liées à une identité marginalisée.

Bien que les répondantes aient veillé à séparer leur identité professionnelle de leur identité personnelle, elles ont, partiellement ou totalement, intégré les représentations négatives liées à la pratique de la prostitution et ainsi admis leur non-conformité. Pour parvenir à une congruence identitaire, elles mettent alors en place des stratégies de gestion du stigmate «pour soi». Il s’agit par exemple de repousser le stigmate sur autrui et d’affirmer sa différence ; de mettre la situation en perspective en y intégrant des enjeux plus globaux (rapport de domination homme femme, contexte de migration et précarité)  ; de dénier l’importance du stigmate dans l’interaction ; de mettre en évidence leurs autres rôles (mère, pourvoyeuse de fonds) et qualités.

Quelles approches stratégiques ?

La formulation d’un projet professionnel exige un exercice de mise en perspective de son passé et de son futur. Pour établir une stratégie de reconversion professionnelle, les ex-travailleuses doivent se projeter en tenant compte de leurs expériences passées, afin d’identifier les moyens de reconversion professionnelle et de formuler un projet. Cette recherche a révélé que la formulation d’un projet professionnel ne s’effectue pas d’entrée de jeu, mais s’opère en deux temps. En premier lieu, les enquêtées cherchent à réussir leur sortie de la prostitution et à « stabiliser » leur situation matérielle et émotionnelle. Ce n’est que dans un second temps, qu’elles s’engagent dans la bifurcation à proprement parler.

La stratégie de sortie repose principalement sur les supports relationnels (institutions, personnes ressources) alors que celle de la reconversion professionnelle, plus complexe, s’appuie non seulement sur le réseau, mais exige également le réinvestissement et l’actualisation des compétences, aptitudes, savoir-faire et savoir-être. La réactivation des compétences se fera par transposition de celles développées lors de la prostitution (anticipation, gestion des conflits, écoute, etc.) sur la sphère privée et/ou sur un ancien ou nouvel emploi, réel ou fictif. La stratégie de reconversion professionnelle exigera par ailleurs la prise en compte des diverses variables objectives limitantes : le capital symbolique faible (identité professionnelle stigmatisée), le capital social limité, le capital santé fragilisé et le capital culturel faible (les savoirs et compétences acquis étant difficilement mobilisables).

Bien que les interviewées soient dotées d’une stratégie de départ, l’agir de notre échantillon est situationnel et évolutif. L’élaboration des stratégies s’effectue en co-construction avec le contexte. Le projet professionnel et les stratégies de reconversion subissent ainsi des remodelages, en fonction des conseils donnés, des aptitudes, de la connaissance du marché et des affinités des individus. Comme initialement précisé, l’agir stratégique des personnes interrogées dépend des représentations qu’elles se font de leur situation et de l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Ces représentations et croyances sont génératrices d’affects positifs ou négatifs (peur, sentiment d’insécurité ou assurance) qui auront, quant à eux, la capacité d’inhiber ou de catalyser la recherche de nouveaux supports et moyens à la reconversion professionnelle.

 

Bibliographie

  • CHIMIENTI M., « Prostitution et migration, la dynamique de l’agir faible » Seismo, Zurich, 2009
  • CSUPOR I., « Réinsertion des femmes prostituées à Genève: limites et paradoxes » in Pensée plurielle, 2/2011 (n° 27)
  • DUBAR C., La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin (Collection U), 1991
  • GOFFMAN E., Stigmate, les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. « Le Sens Commun», 1975 (1ère édition en Anglais : 1963)
  • NEGRONI C., la reconversion professionnelle volontaire, Changer d’emploi, changer de vie, un regard sociologique sur les bifurcations, Paris, Armand Colin, 2007
  • SOULET M.H., « Faire face et s’en sortir vers une théorie de l’agir faible », in CHATEL V. & SOULET M.H. (éd.), Agir en situation de vulnérabilité, la presse de l’Université de Laval, 2003

[1] Messaline Gerstein, «Stratégies et mécanismes d'adaptation des travailleuses du sexe en vue d'accéder à une nouvelle voie professionnelle : Impact du stigmate sur le processus de reconversion professionnelle», mémoire de Master en politiques sociales et travail social, Fribourg, dirigé par la professeure Sophie Le Garrec, 2020, 92 pages.

Comment citer cet article ?

Messaline Gerstein, «Prostitution, stigmate et réorientation», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 14 septembre 2020, https://www.reiso.org/document/6352

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