Pour réunir les savoirs
et les expériences en Suisse romande
S'abonner à REISO
Ethiques pour les soins à domicile
Pierre Corbaz et Florence Quinche, Genève : Éditions Médecine et Hygiène, 2015, 269 pages.
Recension par Jean Martin
Médecin généraliste à Lausanne, Pierre Corbaz a présidé la Fondation lausannoise des soins à domicile ainsi que sa commission d’éthique, dont l’ouvrage discuté ici donne un reflet des travaux. Il s’est aussi acquis un doctorat en philosophie et a écrit plusieurs livres traitant d’éthique médicale, notamment en fin de vie. Florence Quiche est philosophe et enseigne à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne ; elle a été membre de plusieurs commissions d’éthique. Ces deux auteurs collaborent de longue date et apportent aujourd’hui une somme substantielle présentant leur expérience, avec d’autres, dans le conseil éthique au sein de structures de soins à domicile (bien développées, depuis plusieurs décennies, dans le canton de Vaud).
Les thèmes abordés ont été choisis parce qu’ils ont occupé la commission d’éthique par leur fréquence, leur acuité, leur originalité ou leur caractère exemplaire. Parmi eux : justice et soins à domicile, soins et vie privée, secret professionnel, autonomie, discernement et curatelle, l’éthique du « care » et de la sollicitude, maltraitance (des patients, mais aussi parfois des soignants), soins palliatifs à domicile, les problématiques du suicide assisté et de l’assistance sexuelle – sur lesquelles les auteurs ne cachent pas leur perplexité. Chacun des 12 chapitres du livre commence par une ou plusieurs vignettes cliniques, discutées ensuite dans leurs divers aspects. Quand le sujet s’y prête, sont incluses les dispositions légales pertinentes, vaudoises et fédérales.
Il importe de noter que, dans le titre, « éthiques » est au pluriel. Les auteurs à ce propos : « Nous sommes tentés d’être en quête de recettes. C’est un leurre parce que l’éthique qui nous intéresse entre en action lorsque justement les recettes s’épuisent. » On peut saluer cette position, rappelant celle de l’universitaire genevois Eric Fuchs pour qui l’éthique, c’est répondre à la question Comment faire pour bien faire. « La pratique basée sur les preuves, ça marche jusqu’au jour où ça ne marche plus, où il n’y pas de bonne solution, où le soignant est mal à l’aise quoi qu’il fasse. La question posée, de plus, ne peut être supprimée, il n’est pas question de s’en débarrasser. »
Il serait faux de croire que les auteurs sont désabusés. Au contraire : c’est là que sont les défis, auxquels il est d’abord nécessaire mais aussi stimulant de devoir répondre, dans un certain malaise, voire une souffrance face aux doubles contraintes et autres dilemmes. « Ethiques pour les soins à domicile » n’est pas le livre que vous lirez une fois, d’un bout à l’autre. C’est plutôt un manuel, une somme de référence à laquelle s’adresser (se raccrocher ?) quand les situations rencontrées n’admettent pas d’issue aisée, interpellent par leur complexité.
Dans leur conclusion, les auteurs soulignent que « soutenir les soignants à domicile n’est pas seulement une question de déontologie ou d’éthique médicale, mais une question sociétale qui nous concerne tous ». Au moment où le « tsunami gris » est devenu, dans nos pays, l’enjeu majeur de santé publique pour les décennies à venir et où la prise en charge à domicile est une partie importante des stratégies à mettre en œuvre, on ne saurait mieux dire.
Jean Martin, médecin de santé publique