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Balade avec Epicure
Daniel Klein, Editions Michel Lafon, 2015, 208 pages. Version originale en anglais : Travels with Epicurus, New York : Penguin Books, 2012, 164 pages.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique
Humour et réflexion approfondie sur l’expérience de vieillir
Daniel Klein est un écrivain américain de la Côte Est, auteur de romans à suspense et d’ouvrages traitant de philosophie. Deux livres en particulier ont rencontré le succès : « Plato and a platypus walk into a bar » en 2007, et cette Balade avec Epicure, parue en anglais en 2012. L’auteur est né en 1939, nous sommes contemporains et c’est un ami du même âge qui m’a recommandé ce livre. Après lecture, je fais suivre cette recommandation.
Epicure recommande, quand l’âge est venu, de laisser derrière soi « la prison du monde du commerce, des affaires et de la politique », ce qui libère et permet de concentrer la réflexion sur d’autres sujets, souvent plus intimes – et de ne plus avoir peur du futur. A propos de ce que les gens âgés voudraient réaliser encore, l’auteur américain observe que « la nouveauté elle-même devient vieille. En visitant le douzième endroit dans le monde où il faut avoir été avant de mourir, voir de l’exotique est devenu moins attirant, vous en avez déjà vu onze fois. » Et de citer Oscar Wilde : « Dans ce monde, il n’y a que deux tragédies. L’une est de ne pas obtenir ce que l’on désire, l’autre est de l’obtenir. » Klein cite aussi Erik Erikson pour qui il s’agit « d’arriver à un sage sens d’accomplissement, de plénitude et à une acceptation sereine de soi-même, malgré les erreurs et faux pas faits sur la route. »
Se souvenir de ce que l’on a : « L’expérience accumulée au cours du temps, la maturité, est précisément ce dont une personne âgée dispose en abondance. Le truc est de ralentir, de manière que ce capital d’expérience puisse être contemplé et, plus que cela, savouré. » Entre autres sujets, Klein traite de sexualité et d’attachement conjugal. Mais aussi de la dépression et de l’ennui, facette fréquente de la vieillesse qui peut être combattue par le jeu (le simple jeu, pas le casino).
Il évoque aussi « le très grand age », temps de la grande dépendance où il n’est plus question de profiter de la vie, même à la manière d’Epicure. Mettre délibérément un terme à sa vie ? Il en débat en citant les auteurs, tels que le confucéen Mencius, Sénèque bien sûr et Montaigne, pour qui la condition que la vie « ait un sens » passe avant l’idée de la prolonger autant que possible. Il tend à être de l’avis de ces derniers et fait référence à la Hollande, pays de sa femme, où l’assistance au suicide est possible.
Klein, juif non pratiquant, parle d’aspiration à la transcendance et note que, dans plusieurs religions, la spiritualité de la personne âgée a une place particulière. « Je ne m’attends pas à voir la face de Dieu ou le paysage du paradis. Ce que je recherche, c’est quelque chose comme une compréhension sublime, un accord existentiel avec l’univers ; pas une chose, mais une expérience spirituelle. » Et, faisant référence à l’intérêt actuel pour la pratique dite de la pleine conscience (mindfulness) : « Peut-être que ma meilleure chance de trouver la réponse à mes aspirations est d’être ici et maintenant – pleinement ici et maintenant. »