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Recension par Jean Martin: «Questions de vie ou de mort» de J. Glover

jeudi 16.03.17
  • Questions de vie ou de mort
  • Jonathan Glover, Labor et Fides, Genève, 2017, 386 pages

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

Glover JonathanC’est la première fois qu’un ouvrage de Jonathan Glover est traduit en français. Les Editions Labor et Fides offrent ainsi la possibilité aux francophones de se familiariser avec le travail majeur de ce philosophe britannique. La publication originale, Causing Death and Saving Lives, date de 1977 mais le propos n’a pour l’essentiel pas vieilli.

Ce livre traite les questions « qui se posent lorsque l’on envisage d’éliminer ou, au contraire, de sauver des vies humaines », selon la première ligne pour le moins provocante de la préface. Tout en restant pluraliste, l’auteur présente des conceptions représentatives de la bioéthique anglo-saxonne d’orientation conséquentialiste/utilitariste, peu appréciée en Europe continentale par ceux dont l’approche est très déontologique où on tend à appliquer les principes indépendamment de leurs effets.

« Nos attitudes à l’égard du suicide, de l’euthanasie, de la peine de mort et de la guerre ne peuvent pas être traitées rationnellement si on les considère de façon radicalement séparée les unes des autres. » Une remarque étonnante mais fondamentalement correcte. Le but est « d’aboutir à un système de réponses non contradictoires couvrant l’ensemble des questions relatives au faire mourir». Glover propose trois raisons fondamentales de condamner l’homicide : il est immoral d’écourter une vie valant la peine d’être vécue ; il est immoral de faire mourir quiconque désire continuer à vivre ; toutes choses égales par ailleurs, il est moral de privilégier la décision ayant les meilleures conséquences pour le plus grand nombre (option utilitariste). La notion de « vie digne d’être vécue » est largement traitée. Sur ce sujet, l’auteur n’adhère pas à la doctrine de la vie sacrée, il lui préfère une approche fondée sur le respect de l’autonomie des personnes et sur la qualité de la vie qu’elles mènent.

L’essentiel de l’ouvrage est consacré à l’éthique appliquée. Parmi les sujets classiques : l’avortement. Il est traité du point de vue du fœtus (quand devient-on une personne ?) et du point de vue des femmes et de leurs droits. L’auteur rappelle à ce sujet un décret choquant du Saint-Office du 5 mai 1902 condamnant tout avortement d’un fœtus se développant hors de l’utérus, par exemple dans les trompes de Fallope, alors même que ne pas avorter dans ces circonstances aboutissait à la mort de la mère et du fœtus.

Pour Glover, « il ne fait aucun doute que nous n’avons pas encore suffisamment réfléchi à la question de savoir combien notre société devrait être prête à dépenser en vue de sauver des vies. » On sait que la considération de critères sociaux, en particulier s’agissant de transplantation d’organes, est un sujet difficile. Les textes légaux exigent que la sélection d’un receveur ne soit faite que sur la base de critères médicaux. Toutefois, appliqué de manière « étroite », cela mène à des situations mal acceptables du point de vue du simple bon sens. Par exemple à privilégier un malade de plus de 80 ans dont le dossier médical est marginalement plus « approprié » que celui d’une mère de famille de 35 ans. Le philosophe précise : « Si la vie de deux personnes est en jeu, il convient de considérer comme un critère très important le nombre de personnes dont chacune à la charge (…) [C’est une] très bonne raison de ne pas laisser le hasard décider ». Plus avant : « Une fois admis d’accorder une importance aux personnes à charge, faut-il prendre en considération des effets plus généraux tels que la contribution de chacun envers la société ? Il existe de bonnes raisons de ne pas choisir ce critère. » Et c’est bien la règle aujourd’hui puisqu’il ne peut exister de définition consensuelle sur la « valeur sociale » d’une personne.

Cet ouvrage permet finalement de comprendre l’approche anglo-saxonne dans les grands débats éthiques actuels, qu’il s’agisse de soins palliatifs, de suicide assisté ou de politiques de prévention santé.

Editions Labor et Fides

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