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«Rapport pour les droits et la mobilité des personnes migrantes noires africaines en Suisse et en Europe». Collectif Jean Dutoit, décembre 2017, région lausannoise, 137 pages.
Ce texte collectif dresse un état des lieux documenté sur les pratiques policières à l’égard des personnes noires africaines dans la région lausannoise. Il mène aussi une analyse remarquable, claire et précise, de la vie d’un collectif, ses succès, ses échecs, ses revers, ses doutes, ses mobilisations, ses dissolutions et ses remobilisations.
Dans une première partie, ce rapport dénonce l’impunité d’actes de violence et d’abus de pouvoir commis par des agent·e·s de police à l’égard de personnes migrantes dans la région lausannoise, en particulier de Gambie et du Nigeria puisque ce sont les origines principales des membres du Collectif. Le texte explique pourquoi il est essentiel que ces problèmes soient reconnus publiquement, ainsi que les enquêtes menées, les changements structurels et légaux mis en place afin de rétablir l’État de droit en Suisse.
Le rapport passe ensuite au crible l’activité du Collectif. Né en 2015 à Lausanne, il s’est d’abord appelé «Jean Dujardin» puisqu’il a commencé son action dans les jardins du Sleep-in de Renens. Après l’expulsion de ce camping improvisé, les membres décident d’occuper une halle abandonnée à Renens et s’appellent dès lors, puisque le bâtiment a un toit, «Jean Dutoit». Les autorités cantonales contactent le groupe pour élaborer une convention d’occupation licite mais «contrôlée». Avec l’hiver qui approche et les structures d’accueil bas seuil qui débordent, le comité accepte. C’est ensuite une lente dissolution du Collectif. Lors d’une rafle en juin 2016, il se reforme et tente de sauver ce qui peut l’être. Seront ensuite investis une maison inoccupée à Chailly puis un bâtiment désaffecté à Romanel-sur-Lausanne. Là, à nouveau, une convention sera signée, ce qui n’empêche ni les morts, ni les arrestations ni les emprisonnements. Un nouveau déménagement, au Chemin des Sauges à Lausanne, a lieu en juin 2017. L’historique de ce parcours difficile et douloureux est assorti d’une analyse remarquable sur le mode d’action d’un collectif et son fonctionnement participatif, ses limites, ses forces.
D’autres sujets sont également abordés dans le rapport: la question du deal de rue, qui condense de nombreux stigmates et devient le lieu d’une répression racisante envers des personnes construites comme des sous-humains ; le racisme anti-Noir·e et l’insuffisance criante des lois et des mécanismes de lutte contre le racisme en Suisse; le profilage racial; la xénophobie anti-migrant·e qui non seulement rejette «l’étranger» mais en fait le parfait bouc émissaire de la crise européenne; la montée du nationalisme ; les discriminations sociales et économiques qui augmentent en Suisse au gré des politiques néolibérales et de la nationalisation des droits; l’usage abusif des règlements Dublin par la Suisse qui instrumentalise la politique d’asile à des fins de gestion des flux migratoires ; la nécessité de mettre en place des zones refuges dans les villes de Suisse afin de couper court à la politique de dissuasion de l’aide d’urgence et à la précarisation de nombreuses populations ; la dénonciation des conditions de détention administrative; entre autres. Le rapport se termine sur plusieurs propositions et recommandations. Il a été envoyé à de nombreuses autorités politiques et policières fédérales, cantonales et locales.