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A propos de: «Les associations boliviennes à Genève. Culture(s) et interculturalité», mémoire de master HES-SO en Travail social, sous la direction de Laurence Ossipow Wuest, 2017, 192 pages. Par Emmanuel Deonna*
De nombreux débats agitent le monde de la recherche et la sphère publique à propos du multiculturalisme et des politiques dites d’intégration des populations migrantes, au double sens de leur insertion socio-professionnelle et de leur intégration culturelle. Une enquête socio-anthropologique de dix-huit mois, menée auprès d’associations boliviennes et suisses engagées dans un dialogue social et culturel à Genève, canton où résident plus de 40% d’étrangers, a permis de dégager à cet égard plusieurs enseignements.
La recherche s’est basée sur la participation en position d’observateur à une quinzaine d’activités menées par les associations boliviennes et suisses et sur la conduite d’une dizaine d’entretiens semi-directifs.
Régularisations. Le statut politique et juridique dégradé des populations sans statut légal à Genève semble faciliter le maintien de certaines discriminations. L’annonce d’une politique de régularisation de grande envergure par les autorités genevoises au début 2017 (« Opération Papyrus ») est susceptible d'apporter du changement car la communauté bolivienne abrite un grand nombre de personnes sans statut légal. Cependant, il est encore trop tôt pour mesurer concrètement les effets de cette mesure. Jusqu’ici, les associations boliviennes semblent interagir relativement peu avec les autorités politiques et les intervenants sociaux.
Apprentissages. Ces organisations sont sous-dotées au niveau de leurs ressources. Les pratiques artistiques des migrants boliviens – en l’occurrence la musique et la danse – offrent cependant de réelles perspectives en termes de bien commun et d’intérêt général. Les contraintes matérielles et logistiques imposent d’improviser une partie des activités. Leur développement n’en représente pas moins une véritable action culturelle, fondée sur l’ingénuité, l’apprentissage à partir de l’expérience et l’intuition. Ces façons d’apprendre et d’enseigner ont pour effet de rendre le processus créatif moins intimidant.
Pratiques artistiques. Il ressort également des observations participantes effectuées lors des manifestations privées (réunions de comité des associations, fêtes internes à la communauté) et des manifestations publiques organisées par les associations boliviennes (Fête de l’Unité, Fiesta de Alasitas) que les pratiques artistiques ont eu une place importante dans la panoplie de stratégies d’affirmation identitaire et d’intégration développées par les associations d’immigrés boliviens. Elles représentent non seulement d’importants vecteurs d’affirmation collective, mais également d’échange interculturel (Martiniello, Barth). Quant à la difficulté rencontrée par les associations boliviennes à organiser une parade interculturelle en ville de Genève, elle peut être interprétée comme un «déni de reconnaissance» (Fraser).
* Animateur socio-culturel, chercheur en sciences sociales et journaliste indépendant
Bibliographie sélective