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Compte rendu de la soirée de conférences et discussions sur le réchauffement climatique, organisée par les Grands-parents pour le climat, à l’UNIL, 29 novembre 2018.
Par Jean Martin
Devant les défis qui nous sont lancés quant à l’avenir de la planète et celui des générations futures, il est essentiel de promouvoir des échanges entre jeunes et moins jeunes - ou plus du tout jeunes, d’avoir un dialogue adéquatement informé. REISO a eu l’occasion de rendre compte des activités de l’association « Grands parents pour le climat » - GPclimat, lancée en 2014 en Suisse romande, qui compte maintenant une demi-douzaine de groupes régionaux et plus de 500 membres.
Jeudi 29 novembre, avec l’aimable et efficace collaboration de l’Université de Lausanne, en particulier de son Centre interdisciplinaire de la durabilité, dans le dicastère du Vice-recteur Benoit Frund, les GPclimat invitaient à une manifestation intitulée « Agir ensemble pour le climat ». Avec deux orateurs de haut vol : Martine Rebetez, figure de la climatologie de notre pays, et Jacques Dubochet, nobélisé il y a un an – et qui, dans les très nombreux interviews auxquelles il a été soumis, a souvent mentionné sa qualité de membre de la première heure des GPclimat. Le public a répondu à l’invitation, plus de 400 personnes dans une salle comble (on a dû demander aux jeunes présents de s’asseoir par terre pour laisser de la place aux seniors…).
Les exposés des conférenciers se sont révélés bien complémentaires, en décrivant la situation, les perspectives sombres au vu de développements exponentiels. M. Rebetez a montré comment, sur le Plateau comme en montagne, la période d’hiver s’est raccourcie (de près de dix jours chaque décennie dans le passé récent), et comment le nombre de jours où la température dépasse 30 degrés augmente sérieusement. J. Dubochet : « Nous sommes très bons à créer du savoir, nous sommes mauvais s’agissant de l’utiliser pour le bien de chacun » – formule illustrant ses engagements à la fois académiques et sociaux.
Une dimension neuve de la soirée était la participation d’une dizaine de groupes de jeunes, des Hautes Ecoles et au-delà, qui de multiples manières s’engagent pour des modes de vie plus durables et respectueux, notamment dans l’utilisation des ressources (non renouvelables, fossiles, surtout). Encourageant. Par des posters et en interrogeant les conférencier/ère, ils avaient l’occasion de présenter leurs démarches. Leurs questions ont porté sur les aspects politiques du combat pour le climat et le rôle de l’économie, parmi d’autres. Comment les citoyens, la société civile, peuvent-ils faire bouger les lignes ? L’idée d’un recours à la force est refusée mais pas celle d’une désobéissance civile non violente. Il a été relevé que le pouvoir des consommateurs est important (et nous sommes tous des consommateurs), en étant attentifs à la qualité des aliments ou équipements que nous achetons, à la manière dont ils sont produits, au coût de leur transport. Quelqu’un a dit « Je suis ce que je mange ».
Quelques phrases. Martine Rebetez « Le futur est forcément sans carbone. » Cela semble peu attrayant, pourtant, a-t-elle relevé, bien que des modifications radicales du style de vie soient requises, un monde sans carbone peut être plus agréable à vivre que celui d’aujourd’hui. Certains ont appelé de leurs vœux un Mai 68 climatique !
Jacques Dubochet, à une question sur la possibilité de stopper la dérive actuelle : « C’est possible parce qu’il le faut ! » Dans la foulée, il dit joindre le pessimisme du réalisme à l’optimisme de la volonté – ou de la nécessité.
Ce qui a frappé, ce qu’on sentait dans l’air, c’est un bouillonnement de volontés, d’énergies, une impression que quelque chose est en train de se passer. Anne Mahrer, ancienne conseillère nationale genevoise, co-présidente des « Aînées pour la protection du climat » qui ont entrepris une démarche judicaire pour contraindre le Conseil fédéral à faire plus en la matière, a parlé des vagues qui doivent devenir une déferlante.
Au chapitre des anecdotes, Martine Rebetez raconte: « Une jeune étudiante d’Yverdon est venue me parler de possibilités pour elle d’études pour contribuer à l’amélioration du climat. Elle m’a dit avoir rencontré une ‘Grand-maman pour le climat’ dans le métro à 17 h. 45, qui lui a dit où elle se rendait. Ni une, ni deux, elle a décidé de venir avec elle! » (la rencontre commençait à 18h. 15). En fin de débat, on a quitté les aspects scientifiques et politiques : des participants ont souhaité que nous entamions dans la joie les changements nécessaires, et avec la sagesse d’être à l’écoute de la nature. Bonne idée sans doute.
De nos jours, les Hautes Ecoles savent qu’elles doivent entretenir des liens avec la société civile dans l’étude et la gestion des défis du temps. L’hospitalité offerte par l’UNIL à une association « toute simple » est un excellent signe à cet égard. Le Vice-recteur Frund a noté : « Il n’y a pas d’expert diplômé en transformation » (de la société). Son espoir que de telles collaborations se poursuivent, pour développer des outils en commun.
Cette manifestation a été de nature à encourager, c’est très bien. Mais les réticences, atermoiements voire blocages, le climato-scepticisme en un mot, sont loin de n’être plus qu’une donnée historique. Pour finir, ce mot d’un participant : «Une hirondelle ne fait pas le printemps, on le sait bien, mais c’était une belle hirondelle !»