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Commentaire et documentation par Jean Martin
Les enjeux du dérèglement climatique sont tels qu’on reste perplexe, interloqué. Bertrand Kiefer tout récemment dans la Revue médicale suisse: « En 2019, le climat, la finance folle et la croissance des inégalités feront un peu parler d’eux. Bien loin cependant de leur réel impact (…) Dans ces débats, les universitaires et spécialistes de l’éclairage sociétal se sentent la responsabilité de mettre des nuances. Mais ces nuances composent une pièce de théâtre pour enfants, déroulant une histoire bisounoursée. » (1) Il pointe un problème majeur et pas assez discuté ; l’expérience des commissions d’éthique m’a souvent laissé songeur devant l’extrême attention portée à tous les détails imaginables d’une question posée, sans en aucune manière se pencher sur les enjeux généraux. Parce que ce serait trop « gros », trop multifactoriel, pas de notre ressort ni dans nos compétences !
Le philosophe suisse Mark Hunyadi plaide avec force pour que l’on passe de l’éthique usuelle pointilliste, où « c’est comme si nous luttions pour la liberté de choisir la couleur des briques de notre propre prison », à une Grande éthique voyant large et loin (2). Sa position n’a certainement pas eu jusqu’ici les échos qu’elle mérite ; parce que, bien sûr, c’est beaucoup - infiniment ? - plus compliqué de changer de modèle général de société.
Or, c’est un tel changement qu’implique la mobilisation des marcheurs pour le climat. Les mieux disposés – je pense à des amis politiques de haut niveau et autres notables – vous écoutent, consentent qu’il y a un problème, mais le saut logique qui consisterait à mettre en cause le « système » reste simplement inimaginable. Avec, entre autres, l’excuse classique du « On ne peut pas être sage tout seul ». Il le faudra bien pourtant, une fois.
Les médecins, les soignants et les intervenants du domaine social sont évidemment concernés, au vu des impacts délétères du dérèglement climatique, pour les personnes individuelles et leur bien-être comme pour la santé publique – la mise au point la plus affûtée étant le « Compte à rebours » de Lancet, une des meilleures revues médicales du monde, régulièrement mis à jour (3). Un exemple : c’est sur la base de données scientifiques que les « Aînées pour la protection du climat » ont entrepris une action en justice contre le Gouvernement fédéral, au motif que les femmes de plus de 70 ans sont plus touchées par les effets du réchauffement que d’autres groupes.
A souligner le fait que les étudiants et leurs institutions s’engagent vivement pour cette cause. Dans une quinzaine de Hautes Ecoles de Suisse se déroulent du 4 au 9 mars les multiples activités de la Semaine de la Durabilité (Sustainability Week Switzerland), dont le lancement pour l’Unil et l’EPFL a eu lieu le 28 février à Dorigny.
A noter aussi, lors de l’interview d’António Guterres par Darius Rochebin dans «Pardonnez-moi» du dimanche 3 mars 2019, le secrétaire général de l’ONU a affirmé au cours de la conversation et sans que le journaliste le questionne sur le climat : «Nous sommes en train de perdre la bataille du changement climatique.»