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Des lignes directrices pour l’alimentation de demain

Mardi 23.02.2021

Rencension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

alimentation saine pnr 69

Le programme national de recherche « Alimentation saine et production alimentaire durable », présidé par le professeur Fred Paccaud de l’Université de Lausanne, a vu depuis 2013 quelque 26 groupes de recherche étudier les voies et moyens d'une meilleure alimentation dans notre pays. Sa synthèse est un document de première importance, portant sur ce champ très intersectoriel. Les grandes parties ont pour titre : Encourager une alimentation saine - Un système alimentaire plus durable - Analyse des politiques ayant une incidence sur le système alimentaire.

Ce travail étoffé présente analyses et recommandations. Il a le mérite de souligner la place centrale de l’alimentation et de la production de nourriture dans la vie d'une collectivité. Si sa lecture intéressera les professionnels de la santé, y compris les nutritionnistes, on doit souhaiter que les enseignements de ce programme national parviennent suffisamment à l'attention des politiques. Elles et ils sont par essence des généralistes qui doivent percevoir les diverses dimensions d’une problématique.

« L'élaboration de cette stratégie nécessitera un effort concerté de la part des domaines de la santé publique, de l'agriculture, de l'industrie et de l'environnement », peut-on y lire. Une alimentation saine, produite de manière durable, n'ira en effet pas sans difficultés politiques et soucis pour certain·e·s actrices et acteurs. Prenons l’exemple de la viande : si sa consommation, et donc sa production, s’infléchissent sérieusement, les conséquences retentiront sur les filières de l'élevage et de la production de fourrage, mais aussi sur des professions comme la boucherie ou même l'art vétérinaire... Les importateurs étrangers disposeront de moins de moyens pour acheter des machines suisses, engendrant de potentielles pertes économiques pour le pays. Aussi, tout récemment, les médias pointaient l'incohérence de subventions utilisées pour faire de la publicité pour la viande suisse alors qu'il s’agirait de manger moins de protéines animales.

 Qu'on pense à cette conclusion : « Réduire la consommation de viande est probablement le plus important déterminant dans la transition vers un système alimentaire plus sain et durable (...) Il n'est pas possible d'atteindre ce but par des actions individuelles : la santé, la protection de l'environnement et la production alimentaire doivent être intégrées dans un cadre systémique, puis dans une stratégie commune. » Dans un régime démocratique et compte tenu de la lenteur guère contournable du processus politique, ces évolutions ne pourront se faire qu'avec un temps d'adaptation et avec des compensations. Mais il faudrait agir dès que possible néanmoins.

Cette affirmation rejoint une déclaration qui m’avait marqué, il y a longtemps, lors de mes études de santé publique : « Fondamentalement, ce dont nous avons besoin n’est pas tant une politique de santé publique que des politiques publiques saines. » L’alimentation de demain nécessite en effet une politique coordonnée intersectorielle et interministérielle (en matière de nutrition, la Norvège s'y est essayée il y a trente ans).

Un aspect dont on a beaucoup parlé lors des débats sur la nouvelle loi CO2 est aussi souligné dans le rapport du programme : la question alimentaire doit être placée « dans le contexte de la transition. La stratégie doit tenir compte du fait que deux tiers de l'empreinte environnementale suisse ont actuellement lieu à l'étranger ».

Le PNR 69 recommande enfin la mise en place de mesures visant à augmenter l’influence des consommateurs et des consommatrices et à réduire le gaspillage alimentaire.

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