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La recherche en soins palliatifs : état des lieux
Académie suisse des sciences médicales. Bulletin ASSM 2013, no. 2, 4 pages. Prof. Gian Domenico Borasio, UNIL, Lausanne, PD Dr Sophie Pautex, HUG Genève, Dr méd. Steffen Eychmüller, Inselspital Berne.
Les pionniers n’ont jamais la tâche facile
Le commentaire de Jean Martin, membre de la Commission nationale d’éthique
Le dernier bulletin de l’Académie suisse des sciences médicale est consacré aux soins palliatifs, aujourd’hui promus par l’OMS, une stratégie nationale suisse et des programmes cantonaux. Sujet très important dans une société où moins de 20% des personnes ont la chance de mourir à domicile alors que, avec un niveau adéquat de tels soins, ce pourrait être 80%. Pourtant, le nécessaire changement de paradigme et de mentalité se fait très lentement. « L’acharnement thérapeutique en fin de vie est toujours fréquent, ce qui représente un problème autant éthique que pratique », dit le professeur lausannois Gian Domenico Borasio.
En France, Didier Sicard, ancien président du Comité national d’éthique, a dirigé une commission qui a publié à fin 2012 un rapport sur la fin de vie. Ses conclusions peuvent être dites dévastatrices : « Nos auditions ont mis au jour le malaise, voire la colère des citoyens ; de nombreuses situations de fin de vie ne sont pas correctement appréhendées (…) La recommandation première est de donner la plus grande importance aux paroles et aux souhaits des malades en fin de vie ». En effet, malgré les changements entérinés quant au principe, par la loi Leonetti de 2005 notamment, le corps médical traîne massivement les pieds pour adopter des pratiques qui amélioreraient clairement la qualité de la vie dans sa dernière phase – tout en la prolongeant de plusieurs mois, par rapport à l’acharnement, dans des études randomisées. Aux Etats-Unis, pourtant très sensibles à l’autonomie du malade, les médecins continuent souvent à refuser de dire au patient que le pronostic est mauvais et qu’il va mourir.
J’y pensais en lisant l’autobiographie (1) de notre compatriote Elisabeth Kübler-Ross (1926-2004), mondialement connue pour s’être battue avec courage et persévérance pour une approche de la mort plus ouverte et plus humaine. Elle a décrit cinq stades chez la personne en fin de vie : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. Emigrée aux Etats-Unis, devenue psychiatre un peu par hasard, elle pratique son métier en mettant un accent déterminant sur le contact, l’écoute, l’empathie. Elle travaille avec des mourants et mène avec eux des séminaires à succès – suscitant des critiques de la part de confrères qui prétendent qu’elle « exploite » les patients. S’intéresse ensuite beaucoup aux expériences de mort imminente et, lors de l’émergence du sida au début des années 1980, travaille avec ces malades irrémédiablement condamnés à l’époque. Ces pratiques avec des médiums sortent du cadre médical usuel et l’ont rendue « suspecte ». Tout en n’ayant pas la moindre compétence dans ce domaine, je suis certain que cela n’autorise pas à la discréditer ; elle a été une pionnière remarquable. Quelques citations :
On sait que la grandeur des pionniers, dans tous les domaines, ne leur est souvent accordée qu’à titre posthume. Aujourd’hui pourtant, de nombreux professionnels ont encore trop de difficultés à « accepter la défaite » et à oeuvrer avec le patient pour que sa fin soit la plus libre de douleur, sereine et riche de relations.
1. Kübler-Ross E. The Wheel of Life – a Memoir of Living and Dying (ce qui fait écho au titre de son livre le plus fameux “On Death and Dying” de 1969). New York : Touchstone, 1997.
Le document de l’ASSM en format pdf