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Rapport de synthèse du PNR 60 « Egalité entre hommes et femmes »
Edité par le Comité de direction du PNR 60, mai 2014, 68 pages.
En Suisse, l’égalité entre hommes et femmes existe dans la Constitution, mais pas dans la réalité. Or, elle aboutirait non seulement à plus de justice, mais aussi à des avantages économiques. La réalisation de l’égalité ne peut cependant pas être prescrite par en haut : elle doit être soutenue par tous les membres de la société. Telle est la conclusion à laquelle parvient le Programme national de recherche "Egalité entre hommes et femmes" (PNR 60) et ses 21 projets de recherche.
Le rapport de synthèse couvre les quatre champs :
1. Formation : les stéréotypes dominent
Dans les crèches et les écoles, on continue à appliquer des pratiques et à utiliser des moyens didactiques qui transmettent aux enfants des idées stéréotypées de ce que sont les comportements "féminins" ou "masculins". Les enseignants, les directions des écoles et les services d’orientation professionnelle soutiennent insuffisamment les orientations "atypiques" des jeunes gens et des jeunes filles. Au quotidien, l’école accorde trop peu d’importance à l’égalité, puisque tout le monde pense qu’elle est déjà réalisée.
Les tendances et les intérêts des jeunes sont pilotés par des images normalisées de la "féminité" et de la "masculinité". Les jeunes hommes anticipent leur futur rôle de soutien de famille au moment de décider de leur profession, tandis que les jeunes femmes choisissent des métiers qui peuvent être exercés à temps partiel ou malgré une pause consacrée à la famille. Cela consolide l’inégalité entre professions "typiquement masculines" et "typiquement féminines" tout comme le déséquilibre dans la répartition du travail rémunéré et non rémunéré entre hommes et femmes – au détriment de ces dernières.
2. Marché du travail : dès le début, les femmes touchent un salaire moins élevé
Lorsqu’elles entrent dans la vie professionnelle, les jeunes femmes touchent un salaire moins élevé pour un travail de même valeur. Cette inégalité est contraire au principe d’égalité, mais influence aussi le rapport entre hommes et femmes, puisqu’elle détermine qui, dans un couple et dans une famille, va assumer le travail familial non rémunéré. Les entreprises et le secteur public supposent a priori que les femmes vont s’occuper des tâches liées à la famille et les hommes consacrer leur vie exclusivement à l’exercice de leur métier. Les stéréotypes relatifs aux carrières dans des emplois rémunérés, à la disponibilité sur le lieu de travail ou aux compétences prévalent, surtout dans les branches dominées par les hommes.
Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail touche aussi bien les hommes que les femmes ; près d’une personne sur deux est confrontée à un comportement susceptible de constituer du harcèlement. Mais les femmes se sentent subjectivement bien plus concernées, parce qu’elles perçoivent ce comportement comme étant plus menaçant que les hommes, en raison de la répartition traditionnelle du pouvoir ainsi que des rapports de force physiques. Une culture d’entreprise marquée par le respect mutuel et par des principes éthiques a un effet préventif à cet égard.
3. Conciliation de la famille, de la formation et de l’emploi : trop peu de possibilités d’accueil extra-familial
Les impôts, les transferts sociaux et les frais de garde des enfants influencent également la décision des parents de savoir qui va aller travailler et qui va assumer les tâches domestiques non rémunérées. En matière d’offre d’accueil extra-familial, la Suisse est à la traîne en comparaison internationale. Une offre d’accueil abordable permet aux couples de revoir la répartition des tâches au sein de la famille et de réaliser plutôt en partenariat des modèles d’activité lucrative et de prise en charge des enfants.
Lorsque les entreprises s’occupent de la conciliation entre vie professionnelle et vie de famille, elles se concentrent sur les femmes jeunes et sur la fondation d’une famille. Les femmes et les hommes qui se trouvent dans la seconde moitié de leur carrière professionnelle ne sont pas pris en compte et sont exclus des mesures de formation continue.
4. Sécurité sociale : les femmes âgées sont insuffisamment protégées contre les situations de rigueur
Le travail à temps partiel, dans la plage des bas salaires et dans le domaine du care a fortement progressé ces dernières décennies. Ces formes de travail souvent précaires représentent pour beaucoup d’individus une base existentielle peu sûre, mais qui touche deux fois plus les femmes que les hommes. En raison de la connexion entre les cotisations d’assurances sociales et un parcours professionnel continu et à temps plein, les femmes de plus de 50 ans sont souvent défavorisées ou ne sont pas suffisamment protégées lorsqu’elles subissent une situation de rigueur et sont alors tributaires de l’aide sociale ou des prestations complémentaires de l’AVS/AI : à l’âge de la retraite, elles reçoivent une rente jusqu’à trois fois moins élevée que celle des hommes qui – dé-chargés du travail familial non rémunéré – travaillent souvent à temps plein et sans interruption et peuvent ainsi se protéger.
En Suisse, le moyen le plus important pour couvrir ses besoins vitaux est la formation : l’absence de formation après la scolarité obligatoire est le risque de pauvreté numéro un. Les femmes d’âge mûr sans travail n’ont pratiquement pas eu l’occasion de terminer une formation professionnelle dans leur jeunesse, et sont également trop peu stimulées par la suite.
Malgré des progrès réels, beaucoup reste à faire
Le comité de direction du PNR 60 parvient à la conclusion que les parents comme les éducateurs devraient être conscients de la grande influence qu’ils exercent sur le choix des études et de la profession des jeunes. Les employeurs doivent veiller à ce que tous les employées et employés puissent fournir, parallèlement à leur activité professionnelle, un travail de care non rémunéré, sans être défavorisés pour autant. La conciliation de la famille, de la formation et de l’emploi exige des offres d’accueil bon marché pour les enfants ainsi que pour les adultes ayant besoin de soins.
Pour qu’il vaille la peine d’exercer un travail rémunéré, il faut que le revenu, les impôts, les transferts sociaux et les frais de garde soient coordonnés les uns avec les autres de manière à ce qu’un salaire plus élevé entraîne un revenu disponible plus élevé. Une offensive de formation pourrait aider les personnes non qualifiées au chômage, qui sont plus souvent des femmes que des hommes, à achever une formation professionnelle complète. De façon générale, les instruments de la sécurité sociale (assurances sociales et aide sociale) devraient tenir compte de la diversité des modèles familiaux. Ce n’est que lorsqu’ils bénéficieront d’une protection sociale et d’une prévoyance appropriées, même en travaillant à temps partiel, que les hommes et les femmes auront les mêmes chances de couvrir leurs besoins vitaux de façon autonome.
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Vidéos des interviews de Prof. Brigitte Liebig et Prof. René Levy sur cette page du site du FNS
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