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Pour un parent dévouant sa vie à son enfant handicapé, la perspective de mourir est source d’inquiétude. Un documentaire émouvant dévoile le quotidien d’une institution qui offre l’opportunité d’une fin de vie rassurante.
C’est un film touchant, entraînant le public entre éclats de rires et grosses larmes que livre le réalisateur Martin Blanchard. Diffusé sur Arte et accessible en rediffusion, Mon enfant après moi plonge dans le quotidien de couples « parent âgé-enfant adulte en situation de handicap » qui vivent ensemble à la Maison d’accueil familial du Boistissandeau, en France.
Le documentaire débute dans l’appartement d’Annie. À 74 ans, cette dynamique retraitée s’occupe seule de Marie-Madeleine, 33 ans, atteinte de trisomie 21. La jeune femme, adoptée à trois mois, ne parvient pas à se libérer du « stress » conséquent à son agression, subie dans l’institution où elle résidait auparavant. Inquiète à l’idée de laisser sa fille seule et désemparée à son décès, Annie cherche longuement une solution d’hébergement pour elles deux. À la découverte de l’existence du Boistissandeau, c’est sans tergiverser qu’elle propose à Marie-Madeleine de déménager en Vendée.
Dans cette structure unique en son genre, ouverte en 2007, chacun·e dispose d’une chambre individuelle et des espaces communs. Anne, 84 ans, et son fils Arnaud, 50 ans, resté lourdement handicapé après l’opération d’une tumeur cérébrale à 4 ans, y habitent aux côtés de Pascal, 63 ans, et de sa maman Odette, 103 ans. Après avoir retrouvé la joie de vivre et passé du bon temps auprès des autres résident·e·s, cette truculente centenaire, bien que « peinée de laisser son enfant », décède en paix grâce à ce contexte rassurant. « Je suis soulagée de le savoir bien encadré », témoigne-t-elle peu avant de s’endormir.
Comme d’autres binômes, mère et fils avaient rejoint le Boistissandeau pour casser la solitude pesante de longues journées, passées sans croiser âme qui vive : « c’était plus possible pour nous de rester où on était », rapporte Pascal. Il précise : « Un jour, on voulait ouvrir le gaz. On voulait mettre fin à nos jours, ma mère et moi. Car y’a pas pire que la solitude ». Pour les parents, savoir leur enfant entre de bonnes mains et avoir pu l’accompagner à se sentir bien dans un lieu où il·elle poursuivra seul·e son chemin représente un soulagement qui vaut le sacrifice de l’indépendance. « J’ai eu beaucoup d’énergie et j’en ai encore, témoigne pudiquement Anne. Mais je ne me vois pas séparée de mon fils, même si cela suppose de vivre en collectivité, avec beaucoup d’autres personnes handicapées ».
Je ne me vois pas séparée de mon fils, même si cela suppose de vivre en collectivité, avec beaucoup d’autres personnes handicapées.
Avec sensibilité et finesse, le réalisateur montre le soulagement de parents ayant consacré leur vie à s’occuper de leur enfant. Il sublime les contacts humains retrouvés, l’esprit autorisé à se décharger petit à petit d’une responsabilité assumée si longtemps seul·e. Porté·e par des images cadrées à juste distance, on ressent le chagrin, l’angoisse, l’isolement mais aussi l’espoir, la joie d’être ensemble, ainsi que l’immense bienveillance des professionnel·le·s de la structure. Et l'on perçoit l’amour infini de ces duos singuliers : « On est tous les deux, on va s’en sortir », promet Michèle, 78 ans, à sa fille Armelle, 56 ans, rejetée par le reste de sa famille en raison de son handicap mental et effrayée à l’idée de perdre sa mère.
Au-delà d’être si touchant, Mon enfant après moi questionne. Ce documentaire ouvre des perspectives et des réflexions à entreprendre quant aux formes d’habitat offertes aux personnes en situation de handicap accompagnées durant toute leur vie par leur(s) parent(s). Pour permettre aux un·e·s et aux autres de vivre ensemble jusqu’au bout, et aux aîné·e·s de partir l’esprit serein.
(Céline Rochat)
Dix-sept documentaires sur les mutations de la société
Pour la quatrième année, Arte prend le temps de se pencher sur des histoires singulières à la portée universelle qui racontent les mutations profondes en jeu dans nos sociétés modernes. Dans un monde où tout s’accélère, où du chaos de l’actualité découlent des images tournées hâtivement, la collection documentaire La vie en face s’intéresse à des enjeux intimes, en prenant le temps. Le temps d’être au plus près d’hommes et de femmes, de leur donner la parole là où rarement on la leur laisse, de les laisser vivre devant la caméra.
Cette collection accessible en rediffusion raconte sans fard ces existences, une poignée de vies face à de grands défis contemporains, qu’il s’agisse de sexualité ou de son absence, de la souffrance des mondes paysan et maritime, des aidant·e·s et des emplois précaires et sous-payés, de la violence ou de ses repentis, du désir d’enfant en passant par la complexité de se construire entre deux cultures ou de trouver des solutions pérennes pour son enfant handicapé.
(Arte.tv)