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Sociologie, anthropologie et soins – Formation aux métiers du soin et de la santé
Textes rassemblés par François Sicot, Catherine Mercadier et Marcel Drulhe, Paris : Editions Seli Arslan, 2014, 254 pages.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
Traitant de sociologie de la médecine, des soins et des relations soigné-soignant, il s’agit d’une collection d’articles rassemblés par deux sociologues universitaires et une directrice des soins de centre hospitalier. La sélection compte 44 textes, connus ou moins connus, publiés au cours des 40 dernières années. Ils sont présentés en cinq chapitres :
Chaque chapitre a sa propre introduction et se termine par une série de questions transversales - utiles dans un cadre de formation, qu’on soit en institution ou qu’il s’agisse d’étude personnelle. Pas d’index, car on se souviendra qu’il ne s’agit pas d’un traité, mais d’un recueil visant à introduire les étudiants aux dimensions sociales, cas échéant familiales, et culturelles des carrières qu’ils embrassent. Le lecteur trouvera parfois une langue sociologique différente de celles des études de médecine ou de soins, maîtrisable sans difficultés toutefois.
Même si certains peuvent le regretter, « la question de la contractualisation des rapports sociaux est à l’ordre du jour. Au cours des trente dernières années, les sciences sociales en ont fait une figure centrale de l’évolution. La régulation contractuelle est partout, comme une réalité et comme une aspiration » (B. Bastard).
A noter deux textes sur la fin de vie et la mort, thème majeur aujourd’hui : « La mort et la conception de la personne », de Maurice Bloch, et « Mourir à l’heure du médecin – Décisions de fin de vie en réanimation », de Nancy Kentish-Barnes. Extrait : « Dans ces services, deux types de mort prévalent. La première, naturelle, évolution ultime du processus pathologique. La seconde, produite et construite, est le fruit d’une décision de limitation ou d’arrêt des thérapeutiques ». Et de rappeler que plus de 70% des décès en France surviennent en hôpital et que 50 % de ces morts hospitalières ont lieu dans les services de réanimation (services où les deux tiers des décès font suite à une décision de nature médicale). Est cité D. Sudnow « Death is a decisional matter ». Il convient d’avoir ces chiffres à l’esprit dans certains débats sur l’idée qu’il faudrait laisser « la nature suivre son cours ». Ces discours oublient parfois que pour l’essentiel la médecine a pour but de contrecarrer et si possible éliminer les processus naturels - liés à des bactéries, virus, évolutions pathologiques etc. - qui menacent la santé et la vie. Tout en forçant le trait, Kentish-Barnes présente les portraits-robots de deux types de services de réanimation : l’un hiérarchique, sous des médecins très directifs, mettant à l’écart infirmières et familles, où l’idée d’une réflexion éthique poussée ne fait pas partie de l’appareil conceptuel de l’équipe médicale ; l’autre où la collégialité et la réflexion éthique sont au cœur du processus décisionnel et fonctionnent comme critères de bon déroulement. Quelques textes discutent l’irruption croissante des moyens électroniques dans la relation de soins.
En une période où l’accent est mis sur l’importance des sciences humaines et sociales (« Medical Humanities ») dans les études, un tel recueil est utile et bienvenu. On pourrait souhaiter que l’éventail de l’ouvrage s’étende au-delà de l’Europe occidentale, avec ses minorités culturelles toutefois, mais il s’agirait alors d’une autre entreprise, qui s’en irait vers des anthropologies exotiques, l’ethnomédecine voire l’ethnopsychiatrie. Pour la formation de base des professionnels, l’ouvrage dirigé par F. Sicot et coll. remplit son objectif.
Jean Martin