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Livre / « L’annonce au malade », de M. Dumont, recensé par Jean Martin

Lundi 19.10.2015

L’annonce au malade

Martin DUMONT, Editions PUF (Presses universitaires de France), Paris, 2015, 103 pages.

Recension par Dr Jean Martin, médecin de santé publique

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« L’annonce d’une maladie grave est une situation intense : pour le patient bouleversé par la nouvelle, pour le médecin et pour l’entourage qui l’apprendra. Elle est scandaleuse car les mots, qui s’opposent habituellement à la violence, ici la portent ». Ce petit ouvrage rédigé par Martin Dumont, agrégé de philosophie, est susceptible d’intéresser vivement les médecins praticiens et les autres professionnels du domaine de la santé et du social. L’ambition du livre est de mieux procéder à ces annonces « non pas en simplifiant par magie mais en refusant d’en rester à l’idée que ‘de toute façon, il n’y a pas de bonne façon de faire’. » L’auteur analyse trois éventualités : l’annonce brutale (qui est une maltraitance), l’annonce escamotée, l’annonce ratée. Il rappelle Aristote affirmant que « le véritable courage ne doit céder ni à la témérité, qui mène à des risques déraisonnables, ni à l’excès de prudence qui fait sombrer dans la lâcheté ».

Du point de vue du patient. Se souvenir qu’une dimension du traumatisme de l’annonce réside dans le sentiment d’injustice qui s’éveille chez le patient, « auquel il faut s’efforcer d’apporter une réponse, ne serait-ce qu’en reconnaissant qu’il y a bien dans la maladie une forme d’injustice. » D’où, parmi d’autres raisons, l’importance de l’attention au patient, à la dimension d’empathie. Avec cette phrase de Simone Weil : « Les malheureux n’ont pas besoin d’autre chose en ce monde que d’êtres humains capables de faire attention à eux. Cette capacité est chose très rare, très difficile ; c’est presque un miracle. »

Et qu’en est-il de l’information par le malade à ses proches ? L’auteur rappelle que « les patients peuvent subir une stigmatisation du fait de leur maladie, ce qui les rend prudents, alors même que l’annonce à l’entourage permettrait de trouver du soutien, ou d’expliquer des symptômes socialement embarrassants. Les personnes avec un Alzheimer débutant sont parfois, une fois qu’elles en ont parlé, décrédibilisées aux yeux de l’entourage. » Il y a là, il est important de le noter, une problématique de type « coming out », qui ne se pose pas seulement dans des situations VIH/sida.

Le mensonge est une faute médicale. Martin Dumont fait une remarquable démonstration (la plus forte que je connaisse en français) du caractère inacceptable et injustifiable du mensonge dans la relation de soin (sous réserve de rares situations où il peut être admissible d’introduire un court délai dans une optique de préparation ou d’information par étapes). Ceux à qui on ment s’en rendent compte, sans oser le dire, et sont alors laissés à leurs incertitudes et à leur désarroi. Le médecin a une obligation de vérité. « Mentir consiste inéluctablement à amputer autrui d’une part de sa liberté. »

Après l’annonce. « S’efforcer que le patient retrouve, malgré l’annonce funeste, un rapport apaisé, aussi satisfaisant que possible, au temps qu’il vit. […] Il s’agit de renouer avec les autres, avec l’insertion de nos vies dans le cours immuable des saisons. » « Suite aux paroles difficiles de l’annonce, aux paroles consolatrices qui ont pu être prononcées, vient [aussi] le temps plus silencieux et plus objectif du soin. »

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