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Le Centre de recherche sociale ainsi que les labos Intermigra et UrbaniTéS de la HETS-Genève invitent à la conférence de Manuel Boucher, professeur en sociologie à l’Université de Perpignan.
Dans la conférence « L’intervention sociale à l’épreuve de la ghettoïsation dans les quartiers populaires ; Entre repli communautaire, « conformismes déviants », clientélismes et changement social », les quartiers populaires évoqués sont des espaces urbains où vivent des personnes et de familles désignées par les représentants des classes dirigeantes et dominantes, dans un rapport Eux/Nous, comme étant des individus et des communautés appartenant à un groupe social et culturel spécifique potentiellement turbulent, fauteur de troubles, voire dangereux pour l’ordre établi. En ce sens, les quartiers populaires font l’objet de multiples processus et dispositifs de contrôle, voire de répression.
Ces territoires « chauds » (fortes interconnaissances) et « froids » (importants rapports de force) à la fois sont aussi fortement impactés par des logiques de ghettoïsation qui supposent une ségrégation forcée et non choisie, imposée et non élective (Lapeyronnie, 2008). En effet, ces quartiers sont des lieux où s’exerce un hyper-contrôle social produit par de multiples acteurs qui cherchent à imposer un ordre social, à instaurer et défendre des normes (civiles, morales, criminelles, etc.) et qui réagissent lorsque celles-ci sont enfreintes (réaction à la déviance). Il existe alors, selon les configurations, des concurrences et des alliances entre ordre social « civil-répressif » (ex : polices et forces de sécurisation), ordre moral « religieux » (ex : militants musulmans), ordre social « communautaire » (ex : familles et communautés immigrées), ordre social criminel (ex : caïds) et ordre clientéliste (ex : politiciens locaux), etc. qui empêchent les habitants des quartiers populaires de se réaliser en tant qu’individus pleinement émancipés.
Dans cet environnement, alors que les professionnel·le·s socio-éducatif·ve·s (ex : éducateurs, animateurs…), en tant qu’acteurs de l’intégration et de l’émancipation, sont fortement impactés par des logiques gestionnaires, politiciennes, communicationnelles et sécuritaires faisant perdre le sens de l’intervention sociale, dans cette communication, à partir, notamment, de travaux récents sur les transformations de la prévention spécialisée, nous interrogerons les moyens dont disposent les travailleurs sociaux pour briser la prophétie auto-réalisatrice du « conformisme déviant » et favoriser la construction d’individus citoyens disposant de leur libre arbitre.
Manuel Boucher est Professeur des universités en sociologie à l’Université de Perpignan Via Domitia (responsable du Master « Pratiques réflexives et émancipatrices de l’intervention sociale »), Vice-président de l’Institut du Développement Social (IDS) – IRTS Normandie et président de l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales (ACOFIS).
Il développe une « sociologie des turbulences » à partir de travaux sur les désordres urbains et leur régulation, les transformations de l'intervention sociale, l'ethnicisation et la racisation des rapports sociaux.
Moment d’échange autour d’une collation à l’issue de la conférence.