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Mort par sédation. Une nouvelle éthique du « bien mourir » ?
Emmanuel Hirsch, Editions érès, Toulouse, 2016, 209 pages.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bioéthicien
Emmanuel Hirsch est un intervenant marquant en bioéthique francophone. Il a écrit ou dirigé de nombreux ouvrages. Son dernier livre est une publication qu’on peut dire militante, dans la mesure où elle présente en détail ses réserves, en fait son opposition, aux modifications apportées le 2 février 2016 à la loi français dite Leonetti (de 2005) créant de nouveaux droits en faveur des personnes en fin de vie. Sa crainte est que, avec la sédation terminale ainsi incluse au cadre légal, on s’achemine vers l’acceptation de l’euthanasie, comme au Benelux, ou vers le suicide médicalement assisté, comme en Suisse (auxquels certains semblent prêts à retirer la qualité de pays civilisés).
La formule « Laisser mourir, oui, faire mourir jamais » est théoriquement parfaite mais en pratique de plus en plus souvent inopérante et une insistance dogmatique sur ce point peut certainement aller à l’encontre de l’accompagnement le plus approprié. Hirsch en est d’ailleurs conscient quand il relève que « les techniques de réanimation ont rendu parfois indistincte la frontière entre vie et survie artificielle ». En fait, ce n’est pas « parfois », c’est la réalité fréquente aujourd’hui d’une médecine qui dans des situations irréversibles peut maintenir indéfiniment l’existence. Mettre l’accent sur le caractère déterminant de l’intentionnalité d’une mesure n’est pas plus aidant, et risque de ne servir qu’à stigmatiser (alors que la notion du « double effet » potentiel est admise par tous, y compris l’Eglise catholique).
Pour l’auteur, c’est abandonner le patient que de permettre la sédation terminale ; dans la pratique, on rencontre aussi des malades qui jugent qu’on les abandonne en les laissant souffrir jusqu’à la dernière extrémité. Et qui serions-nous pour les disqualifier ?
Par moments, on se demande pourquoi l’auteur a tenu à écrire cet ouvrage à propos d’une lutte qu’il dit lui-même perdue. « Pour que demeurent les traces d’un engagement dont je constate aujourd’hui l’inanité », écrit-il. Complètement respectable bien sûr mais une autre modalité aurait été de participer, de manière critique mais constructive, à la définition de ce qui vaudra demain. En 4e page de couverture est posée la question : « N’aurait-il pas été alors plus sage et courageux de créer les conditions effectives d’un choix possible entre un accompagnement humain jusqu’au terme de la vie et une euthanasie par compassion ? » Il est vraisemblable que l’avenir se dirige dans ce sens. A ceci près qu’il n’y a pas lieu de choisir l’un ou l’autre mais qu’il est tout à fait possible d’avoir un accompagnement digne, d’une part, et d’autre part, quand les circonstances précisément le rendent humain et compréhensible, d’ouvrir la possibilité d’une assistance médicale au suicide ou d’une euthanasie. Sur la demande instante et répétée du patient capable de discernement.