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Privés de travail et d’aide sociale, les exclus de l’asile vivent avec 250 francs par mois. Dans toute la Suisse, les requérants déboutés ont vu leur statut se précariser brutalement avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile. Le journaliste d’origine congolaise Kilosho Barthélémy, lui aussi requérant, raconte.
Voilà Mohamed, un ancien requérant d’asile somalien, installé en Suisse depuis six ans. Il y a peu, il participait encore à un programme d’insertion organisé par la Ville de Spiez (BE). En ramassant des bois flottants le long du lac, il touchait 240 francs mensuels, en plus de l’assistance sociale de 390 francs. Mais en mars, son chef d’équipe lui a expliqué qu’il n’aurait plus le droit de travailler. Le coup a été rude. Depuis début 2008, la loi sur l’asile prive d’aide sociale tous les requérants déboutés. Mohamed a dû changer de logement. Il ne touche plus que le strict minimum, soit 250 francs par mois.
Pourtant, il estime s’être parfaitement intégré. Il parle bien l’allemand, en plus du français. D’ailleurs, il sert régulièrement d’interprète au service social de Spiez. Sa vie s’est durcie à tous les niveaux. Il a coupé les ponts avec plusieurs amis, car il ne peut plus se permettre de payer un ticket de train pour leur rendre visite, ni même, chaque dimanche, d’aller à l’Eglise. La nuit, il fait des cauchemars. Il craint une descente de la police : qu’on le reconduise de force dans son pays.
Deux « négatifs » ? Pas d’aide sociale
Abu vient de la Côte d’Ivoire. Lui, n’a même pas eu la chance de participer à un programme d’insertion sociale, comme celui de la Ville de Berne par exemple, où des requérants nettoient les bus. Il a rapidement reçu ses deux « négatifs », ce qui signifie dans le jargon, une demande d’asile refusée deux fois. Ou plutôt, un recours qui échoue. Abu vit donc avec le strict minimum, soit 133 francs toutes les deux semaines, qui lui permettent de manger.
Ange est originaire du Cameroun. Cette dame d’une cinquantaine d’années disposait l’an passé d’un studio confortable, avant qu’elle ne soit obligée de le quitter pour retourner dans un centre d’accueil. Elle partage une chambre avec une fille de trente années sa cadette et elle est devenue un objet de moquerie de la part de cette demoiselle, qui lui demande toujours si elle n’a pas honte, à son âge, de se retrouver dans l’asile… Son ancien « revenu » s’élevait à 600 francs. ll ne lui reste plus que 250 mensuels. Tous les coups de fil qu’elle reçoit sur son téléphone portable lui donnent la chair de poule. Elle pense toujours que c’est la police qui la cherche et veut la forcer à retourner dans son pays.
Ashim, un ressortissant pakistanais, installé en Suisse depuis cinq ans, fait aussi partie de la liste des déboutés victimes du durcissemnet de la loi sur l’asile. Il reste désomais 24h sur 24 dans sa chambre. Ses voisins d’immeuble entendent regulièrement des bruits étranges à l’intérieur venant de sa chambre. Il semblerait qu’il ait des hallucinations : il a raconté à un voisin qu’il pourchassait des rats.
Un retour (presque) sans contrainte…
Koffi, ressortissant du Togo, a pour sa part fait le choix d’éviter le cauchemar d’Ashim. Après six années passées en Suisse, Koffi n’a pas attendu que le service social lui coupe les aides et lui interdise l’accès aux programmes sociaux : il a décidé de rentrer dans son pays, seul, sans menottes, ni forces de police.
Le mois dernier, il racontait à ses amis qu’après deux "négatifs", il ne voulait pas se faire d’illusions. Malgré son passage au Programme d’intégration TAS, initié par Berne, qui lui a permis de se former aux métiers de la restauration et de servir comme formateur-volontaire pendant un an, son avocat lui avait annoncé que ses recours resteraient sans suite. Pour ne pas sombrer dans la dépression, il est retourné au Togo mercredi dernier, sans contrainte.