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Thomas Hammarberg et la burqa
Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe
Ou comment Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, se moque benoîtement des Droits de la femme. Par Marie-Pierre Dupont.
Burqa, tchadri, niqab, hidjab, ces appellations variées, selon le pays d’origine [1], désignent une même prison de chiffon. Une précision toutefois : c’est surtout le noir niqab cher au wahabisme saoudien qui est arboré ça et là en Europe. D’aucuns, plus diplomates, préfèrent parler de voile intégral, ce qui donnerait presque de l’élégance à ce machin qui transforme les femmes en catafalque ambulant. Monsieur Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, semble ne voir là qu’une façon un peu particulière de se vêtir. « Par principe, l’Etat devrait éviter de légiférer sur la façon dont les gens s’habillent » lâche-t-il à l’intention de ceux qui s’interrogent sur une éventuelle interdiction du voile intégral. Les femmes n’étant guère nombreuses à s’encapuchonner ainsi dans nos contrées, la mesure paraît en effet inutile. Mais ce n’est pas peut-être pas l’argument à servir à des citoyens suisses que quatre minarets ont effrayés… Ni à d’autres Européens d’ailleurs, si l’on en croit les sondages sur la question. Sachant bien que ce n’est pas affaire de nombre mais de principes, M. Hammarberg a, dans un récent article [2], fait part des siens.
Plis et replis
Mélange de pragmatisme, de juridisme étroit, ponctué d’actes de foi (et de mauvaise foi), le raisonnement de notre commissaire est aussi vague qu’une femme sous un tchadri. Le message est néanmoins péremptoire : pas question de proscrire le voile intégral. Parce que, juridiquement, cela revient à bafouer les articles 8 et 9 de la Convention européenne (droit au respect de la vie privée et droit de manifester sa religion par le culte, l’enseignement, les pratiques, etc.). Parce que, en pratique, une interdiction, même limitée aux établissements publics, ne ferait que dissuader les femmes intégralement voilées d’y entrer. Dans le cas d’hôpitaux, vous imaginez les conséquences… Parce que, enfin, les adversaires du niqab témoignent parfois d’un penchant à l’islamophobie qui ne facilite guère le dialogue. On acquiescerait presque, si M. Hammarberg, dans un preste retournement, ne déclarait pas aussitôt que, en raison de ce prurit islamophobe, « le port de vêtements dissimulant tout le corps est devenu un moyen de protester contre l’intolérance dans nos sociétés. » Ainsi, s’ensevelir sous un niqab serait une manière d’afficher son désir de liberté ! De mesurer l’attachement réel des pays démocratiques aux valeurs qu’ils proclament ! On croyait ce type d’argument réservé aux salafistes pures et dures, invitées parfois sur les plateaux télé, fantômes de femmes glapissant que leur liberté vaut bien la nôtre. Que soustraire aux regards jusqu’à la moindre parcelle de leur peau est un choix. Et un droit… quasiment reconnu par M. Hammarberg tant il met de précautions à ne pas le contester. Préférant rappeler sur le mode incantatoire les « valeurs européennes essentielles » que sont « la diversité et le multiculturalisme »… Mais oubliant de parler des valeurs tout aussi essentielles qui concernent les femmes.
Tangage
Hésiter à interdire une pratique aussi minoritaire n’empêche pas de réaffirmer clairement son refus du voile intégral. Qui – et c’est plus grave que de contrevenir à quelque article juridique – insulte à la simple dignité des femmes. A leur liberté première : marcher la tête haute, dans la lumière, dans le partage des regards, dans l’échange.
Quel homme, dans quelque pays, sous quelque régime ou religion que ce soit, accepterait de se flanquer sous un niqab pour signaler qu’il est la propriété de son épouse, de sa mère ou de sa sœur ? La burqa n’est pas seulement un symbole de soumission, mais la marque d’une infériorité fondamentale, naturelle. Ce qui la rend d’autant plus inacceptable. Il faut le dire, le répéter, ne serait-ce qu’à l’égard de toutes les musulmanes qui se battent contre un radicalisme menaçant des libertés à peine conquises. M. Hammarberg semble en effet tout ignorer des luttes d’un mouvement comme « Ni putes ni soumises »…
A ceux qui prétendent que toute forme d’interdiction serait contreproductive – les femmes ne sortiraient plus de chez elles – on a envie de répondre « Chiche » ! Qu’elles restent à la maison, à l’abri de tout regard, et que leur maître et mari se charge de toutes les tâches extérieures, faire les courses, amener les mômes à l’école, au parc, chez le dentiste, etc. Bien que de nature supérieure, le mâle risque de fatiguer assez vite.
Il risque cependant de trouver d’autres justifications au voile intégral. Ainsi la dissolution des mœurs occidentales, susceptible de contaminer vite fait leurs filles et femmes. Supposition insultante elle aussi… Il est vrai que dans un Occident prompt à donner des leçons, la permanente et outrancière marchandisation du corps féminin a aussi quelque chose d’offensant. Dès lors, le respect de nos « valeurs » ne nous oblige-t-il pas à regarder voile intégral et nudité comme une même obscénité ?
Marie-Pierre Dupont