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«Justice pour le climat» et mobilisations citoyennes

Lundi 30.03.2020

Recension par Jean Martin

Judith Rochfeld est professeure de droit privé à l’Ecole de droit de la Sorbonne, à Paris. Elle publie un livre passionnant sur les dimensions juridiques majeures que la problématique climat et biodiversité soulève.

Judith Rochfeld

Cet ouvrage est très bien renseigné sur les procès et autres démarches judiciaires lancées ces dernières décennies, d’abord contre des corporations pollueuses et pathogènes, notamment multinationales, plus récemment à l’endroit de gouvernements qui ne prennent pas de mesures adéquates contre le dérèglement climatique (on note la mention, pour la Suisse, des « Aînées pour la protection du climat »). Il décortique aussi de manière remarquable les défis d’un point de vue juridique et les principales actions en justice entreprises, dont certaines ont connu le succès (la cause Urgenda aux Pays-Bas par exemple).

« L’humain souhaiterait pouvoir continuer à vivre comme avant. A la place, il affronte une véritable révolution copernicienne : il redécouvre qu’il dépend d’entités naturelles autres, qu’il doit composer avec un monde qui évolue à l’inverse de la vision anthropocène à laquelle il s’était habitué. »

La place des « communs ». Suit une très intéressante réflexion sur les biens communs, ces dimensions de la biosphère qui devraient rester librement, également et gratuitement accessibles à tous : air, eau nature, etc. Sur ces points, il faut vivement conscientiser société et autorités, et formaliser - souvent inventer - des concepts et règles pour protéger ces communsm avec des mécanismes et des institutions correspondants.

Les entités naturelles. Sont discutées les inscriptions constitutionnelles novatrices, dans plusieurs pays récemment (Equateur, Bolivie Nouvelle-Zélande, Inde), instituant des droits pour des sites et autres éléments naturels : des « prérogatives » qui en font un nouveau type de personnes, à côté des personnes physiques et morales classiques.

Les procès climatiques. L’auteur commente une substantielle liste de procès, dans différents pays. Remarque finale : «Les procès climatiques déclenchent la conscientisation des populations, des changements d'agenda des gouvernements ; ils rencontrent parfois la compréhension et la volonté de juges décidés à prendre au sérieux l'urgence de la situation et d'y apporter des réponses entre termes de contraintes et d’exigences ; juges conscients, cependant, de souvent déborder des rives de la séparation des pouvoirs et du cadre classique...» En Suisse romande, on pense au verdict du 13 janvier 2020 du Tribunal de police de Lausanne, acquittant les jeunes militants qui avaient occupé le lobby du Crédit suisse en y tenant une partie de tennis.

Ethique et politique. Il s'agit de «remettre en question cette grande dichotomie fondatrice sur laquelle nous sommes construits, celle de la Nature et/contre les humains ». Et de passer de l’anthropocentrisme au biocentrisme, c’est-à-dire donner la priorité à la vie, à l’ensemble de l’écosystème. Pour cela, aller vers la « reconnaissance d’un principe de priorité des intérêts de préservation des grandes entités ou systèmes naturels ». Rochfeld demande de prendre au sérieux les offres d’instituer une troisième Chambre du Parlement : « Chambre du futur », ou « Assemblée du long terme » (proposition commentée par Jean Martin dans «Comment représenter les générations futures»).

Repenser les marchandises. « Nous vivons la fin des 'choses', au moins de celles qui ne peuvent plus être des marchandises avec ce statut uniforme pensé au soutien de l'essor du capitalisme ». ll importe de reconsidérer le statut et la notion de ce que, de longue date, nous appelons choses – notamment la faune et la flore, la Nature – et cesser de permettre qu’elles soient livrées sans réflexion ni discernement ni égard à l’exploitation, voire à l’anéantissement par l’homme.

«Justice pour le climat. Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne», Judith Rochfeld, Paris : Odile Jacob, 2019, 208 pages.

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