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Médecine durable / Le commentaire de Jean Martin

Vendredi 16.11.2012

« Médecine durable »

Feuille de route de l’ASSM, 34 pages, novembre 2012.

CouvertureL’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) a élaboré cette feuille de route pour présenter les préoccupations actuelles autour du système de santé. En particulier :
- Les ressources en professionnels de la santé ne sont pas garanties. Comment assurer un « grade-skill-mix » pertinent ?
- Les attentes envers les prestations du système de santé sont en constante augmentation. Comment établir des lignes de conduite pour éviter les attentes irréalistes ?
- Le système de santé fixe souvent des incitations fausses. Comment imaginer un nouveau système de financement ?

Cette feuille de route fait partie du projet « Système de santé durable » lancé par les Académies suisses des sciences début 2011.


Le commentaire du Dr Jean Martin, membre de la Commission nationale d’éthique

La « Feuille de route » de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) ne fera pas plaisir à tout le monde. En particulier quand elle affirme : « Le bénéfice des interventions médicales est souvent surestimé », ou « le système fixe des incitations fausses ». Ou encore, quand elle évoque des « acquis corporatifs anachroniques ». N’est-ce pas de l’auto-flagellation ?

Mais le mérite de cette feuille de route est sa perspective de santé publique. Elle met en effet résolument la santé dans le contexte de la société.

Car aussi compétents et perspicaces que soient les médecins, il est clair qu’ils ne sauraient à eux seuls effectuer les changements requis. Un grand mot fait actuellement florès dans les soins : le « partenariat », ou « implication active du malade ». Le patient a effectivement des rôles à jouer : collaborer à l’optimisation du succès thérapeutique (pour diminuer les prestations inefficaces, ne pas les demander !), participer au débat politique pour un système sans incitations contre-productives et pour une planification sanitaire raisonnable. Cela veut dire éducation tant à la citoyenneté qu’au bon usage du système de santé, dès l’école. Cela veut dire aussi prise de conscience des enjeux à moyen et long terme.

Dans une optique de médecine durable, il faut aussi prendre la mesure des risques de discrimination sociale. Afin que « les générations futures bénéficient de prestations satisfaisantes », il faut de plus examiner d’un œil critique certaines perspectives liées à ce qu’on appelle enhancement (amélioration de l’homme). Soyons clairs : la durabilité implique le remplacement et le renouveau - pas la fixation sur l’existant - y compris pour l’espèce humaine ! En fait, la médecine durable ne peut être qu’une facette (importante) d’une société durable. Et pour y arriver, il n’est tout simplement plus possible de s’en tenir encore et toujours au mantra de la croissance.

La feuille de route liste de nombreuses mesures utiles. Beaux défis ! Cela étant, une constante, au cabinet du médecin comme dans la vie de la res publica, c’est que les gens n’aiment pas les nouvelles désagréables. Alors quand l’Académie évoque l’idée de limites et de frugalité, par qui sera-t-elle écoutée ?

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