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Le prochain dossier annuel de REISO ambitionne d’interroger les multiples facettes de l’intimité et de questionner leurs implications dans les relations d’aide et de soins. Et si vous y contribuiez ?
« Vous êtes la première personne à qui j’en parle. » Combien de travailleurs et travailleuses sociales, de soignant·e·s, de thérapeutes ou d’autres professionnel·le·s impliqué·e·s dans les relations d’aide à autrui ont-ils et elles déjà entendu cette « phrase-confidence » ?
Dans de tels échanges se joue entre les êtres un moment d’intimité. Parmi les éléments indispensables à l’émergence de ces récits, gardés secrets parfois pendant des années, figure la confiance. Elle rassure, fait tomber les barrières vouées à protéger sa vulnérabilité. Elle aide à libérer les mots pour soigner les maux et à entamer un chemin de guérison, au sens large.
Mais l’intimité se cantonne-t-elle aux relations individuelles ? Y a-t-il des intimités qui concerneraient des collectifs ? Quelles sont les circonstances, les lieux, les situations, les expériences propices à l’intimité ? L’emploi de la notion elle-même peut-elle être réduite à un emploi singulier — l’intimité — excluant le pluriel ? Comment l’expérience de l’intimité se différencie-t-elle selon les genres, les cultures, les âges ? Voilà autant de pistes que REISO ambitionne d’explorer tout au long de 2022, dans son dossier annuel intitulé « Intimité(S) ».
Pour alimenter la réflexion, la revue recherche donc des autrices et des auteurs qui, grâce à leur contribution, questionneront cette thématique et exploreront ce qui relève d’un caractère privé, intérieur, profond. Ces articles donneront l’occasion au lectorat de découvrir des résultats de recherche et des points de vue, de se nourrir d’analyses de contextes et de situations et d’être confronté à des pratiques professionnelles variées. Ce thème suscite-t-il votre envie d’écrire ? Nous nous en réjouissons ! Pour joindre la rédaction, une seule adresse :
A l’entente du mot « intimité », d’aucun·e·s pensent spontanément aux rapports à leur propre corps ou à la sexualité. Ainsi se retrouve-t-on intime avec son, sa ou ses partenaires, dans toutes les situations où l’« on se met à nu », que le compagnon ou la compagne soit un·e conjoint·e, un·e amant·e ou une personne rétribuée. Souvent, cette intimité est associée à l’amour, à l’affection, à des situations de bien-être. Elle favorise alors le développement personnel et l’intégration sociale. Mais il arrive aussi que l’expérience de l’intimité soit empreinte de violences et de perversions, desquelles on ne peut s’extirper sans aide extérieure.
Cette intimité liée au corps et à la sexualité se découvre, s’apprend lorsque l’on est enfant, grâce à ses pair·e·s, à ses parents ou aux conseiller·e·s en santé sexuelle. Comment l’éducation sexuelle parvient-elle à concilier la diversité de rapports à son propre corps, d’interdits et de positions éthiques présentes chez les élèves d’une même classe ? L’environnement collectif d’une école est-il réellement propice à évoquer ce sujet ? Comment casser les tabous tout en respectant la notion d’intimité, pour permettre à l’enfant, puis à l’adolescent·e et à l’adulte qu’il·elle deviendra, un sain développement en matière de santé sexuelle ?
Se mettre à nu, dans sa traduction physique, concerne aussi l’expérience de l’ensemble de celles et ceux qui ne peuvent pas ou plus effectuer leurs propres soins corporels. Comment les personnes concernées par le handicap ou la vieillesse vivent-elles l’intrusion dans leur intimité ? Qu’en est-il du côté des soignant·e·s et des accompagnant·e·s, notamment des proches aidant·e·s qui se retrouvent aussi, parfois, dans des situations où l’intimité d’un parent est brisée ?
Tant certaines maladies que la grossesse bouleversent aussi le rapport que chacun·e entretient avec sa « zone » d’intimité. Se retrouver dévêtu sous le regard de médecins, devoir subir des examens médicaux réguliers par différent·e·s professionnel·le·s ou encore se plier à des contrôles gynécologiques sont autant de gestes pouvant être ressentis comme invasifs.
Ces événements de la vie peuvent avoir des conséquences à long terme sur le corps, qui en ressort quelquefois marqué, voire amputé. Une femme qui perd un sein doit parcourir un long chemin pour parvenir à apprivoiser un corps différent et composer avec une sexualité affectée par les opérations et les traitements. Comment l’aider à renouer avec sa nouvelle intimité ? Quelles sont les ressources dont disposent les soignant·e·s et acteurs·trices sociaux et sociales pour accompagner ce travail d’acceptation ?
Ce caractère d’intériorité se retrouve également dans l’environnement des individus, dans qui touche à leur habitat. Ouvrir sa porte, c’est en effet ouvrir un pan de son intimité. Accepter de laisser entrer un·e inconnu·e dans son intérieur ne s’avère pas forcément aisé. Pourtant, les individus ayant besoin de soins n’ont guère le choix. Comment les intervenant·e·s à domicile concilient-ils·elles soins à donner et respect de l’espace intime du ou de la patiente ?
Qu’en est-il alors lorsque les circonstances de la vie obligent à quitter sa maison ou son appartement ? La personne concernée perd l’environnement qui lui garantissait son intimité et doit se la recréer dans un nouveau lieu collectif, qu’il s’agisse d’un établissement médico-social, une institution éducative ou une prison. Quel rôle joue le personnel dans ce lien avec son for intérieur ?
Précarité et intimité se révèlent aussi marqués par des caractéristiques distinctes. A quoi ressemble l’intimité, lorsqu’on ne dispose d’aucun domicile ? Comment faire confiance à un·e professionnel·le lorsque le quotidien est marqué par la méfiance ? Quelle intimité peut-on avoir lorsque le quotidien se vit dans des espaces publics ?
De même, pour les personnes recourant à l’aide sociale, l’obligation de « se mettre à nu » administrativement parlant peut s’avérer violent. Livrer ses relevés bancaires, c’est dévoiler les moindres détails de sa vie : choix alimentaires, loisirs pratiqués, dettes culpabilisantes, petits plaisirs interdits, tout devient consigné dans un dossier. Quel sens prend la notion d’intimité lorsqu’une situation de besoin implique de devoir renoncer aux secrets de sa vie privée ?
Évidemment, la nécessité de « se mettre à nu » touche aussi à la réflexion, à la spiritualité et à la santé mentale. Les psychologues et les thérapeutes interviennent au cœur de ce monde intérieur. Livrer ses pensées et ses émotions d’un côté, « entrer » dans les pensées d’un·e patient·e de l’autre, sont deux faces liées par l’intimité. Quant à celles et ceux qui accompagnent des personnes concernées par leur propre mort, ou par le deuil d’un proche, n’accompagnent-elles et ils pas des individus en plein bouleversement intime ?
On peut trouver de l’intimité dans chaque lien et dans chaque situation de vie. Travailleurs et travailleuses sociales, personnel soignant ou médical, thérapeutes, acteurs et actrices de l’aide à domicile : toutes et tous rencontrent quotidiennement l’intimité d’autrui, souvent secrète et inconsciente, et doivent veiller à la respecter.
En proposant un dossier annuel qui vise à explorer les diverses facettes de l’intimité, REISO se réjouit ainsi de contribuer à la réflexion autour d’une notion à la fois personnelle et liée l’évolution des mœurs, des valeurs et des attentes de la société.
(Céline Rochat, rédactrice en chef)
Les articles du dossier annuel de REISO « Intimité(S) » seront publiés de janvier à décembre 2022. Les textes peuvent prendre diverses formes, que ce soit une synthèse de recherche, une réflexion, une présentation d’action sur le terrain ou un partage d’expérience. Les articles comptent 10'000 signes (espaces compris) au maximum. Les modalités de contribution, la ligne éditoriale et les recommandations rédactionnelles se trouvent sur cette page. La rédaction sera ravie de recevoir vos propositions d’article à .
Le lectorat de REISO se compose de personnes intéressées par les enjeux actuels de la vie en société dans sa dimension sociale, de santé publique et de citoyenneté. Elles suivent ce qui se pense et se pratique dans la formation, la recherche et l'action, dans les institutions et sur le terrain.