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Le 6 mars s’est déroulée la journée de la logopédie. A cette occasion, l’Association romande des logopédistes diplômé·e·s a lancé une campagne d’information illustrée auprès du grand public. Interview
(REISO) Vous avez placé votre journée annuelle sous le thème de « La logopédie tout au long de la vie ». Quel était votre objectif avec ce choix ?
(Association romande des logopédistes diplômé·e·s) [1] En plaçant cette journée de la logopédie 2022 sous ce thème, nous souhaitons mettre en avant la portée de cette discipline, mais aussi combler le manque d'information disponible à ce sujet pour que chacun·e, tout au long de la vie, puisse avoir un accès équitable aux prestations de logopédie.
Le choix de ce thème est-il parti d’un constat que la logopédie n’est pas suffisamment utilisée auprès de certains publics ?
La logopédie est surtout connue comme traitant des troubles d'apprentissage et est donc associée plus généralement aux enfants et adolescent·e·s. Néanmoins, cette discipline traite de nombreux troubles qui peuvent survenir tout au long de la vie, qu'ils viennent de séquelles de troubles du développement du langage ou qu'ils soient acquis à la suite d’affections médicales, comme l’aphasie. Les logopédistes interviennent donc aussi bien chez le nourrisson, que chez l’enfant ou l’adulte : toute personne qui présente des difficultés du langage entraînant des difficultés d'insertion ou d’adaptation dans son milieu familial, scolaire, professionnel ou social, peut bénéficier d’un suivi logopédique.
Il est connu que la logopédie est une discipline paramédicale destinée à traiter les troubles du langage. Est-elle utilisée à d’autres fins ?
La logopédie est en effet destinée à traiter les troubles cognitifs du langage oral et écrit, mais également les troubles de la parole, les troubles de la communication au sens large, les troubles du calcul, les troubles cognitifs associés aux troubles du langage (par exemple les troubles de la mémoire sémantique, les troubles de la mémoire de travail verbale), et les troubles de la déglutition.
La logopédie travaille-t-elle régulièrement en réseau, notamment dans un accompagnement systémique de bénéficiaires ?
Que ce soit un travail en institution ou en indépendant, la logopédie s’inscrit toujours dans un réseau autour du ou de la patient·e. Selon les cas et les âges, ce peut par exemple être des médecins, des enseignant·e·s ou des ergothérapeutes.
Comment expliquez-vous le manque de visibilité de votre discipline ?
La logopédie/orthophonie reste une discipline relativement nouvelle qui s’inscrit dans une approche spécifique au carrefour de diverses disciplines : linguistique, psychologie, neurosciences, médecine ou encore sociologie et pédagogie. Plus simplement, un·e logopédiste peut être amené à traiter de troubles très variés et beaucoup d’adultes ne savent pas que la logopédie peut aussi être bénéfique pour elles et eux, car elles et ils l'associent avec les domaines de l'éducation et les enfants. La logopédie, une profession qui reste majoritairement féminine, peut donc parfois se retrouver éclipsée par d'autres domaines. C'est finalement son manque de visibilité qui crée son incompréhension qui à son tour renforce ce manque de visibilité. Nos projets, notamment dans le cadre de cette journée de la logopédie, ont pour objectifs de casser ce cercle vicieux et tenter d'expliquer au mieux cette profession.
Les moyens pour la recherche sont-ils suffisants ?
Malgré le manque de visibilité de la logopédie, la recherche dans le domaine est très active, et a connu un essor au cours des dernières décennies. En effet, les découvertes des neurosciences ont grandement amélioré notre compréhension des fonctions du langage tant au cours du développement que lors de lésions cérébrales. Ces avancées de la recherche améliorent la compréhension des troubles en logopédie et leur prise en charge, mais reste inconnue du grand public. C'est cette pluridisciplinarité, et peut-être cette complexité, qui pourraient expliquer le manque de visibilité de la logopédie.
Pouvez-vous préciser en quoi la logopédie « est vitale pour la santé mentale et la santé physique des personnes souffrant d’un trouble », comme vous l’écrivez ?
On peut distinguer deux facettes à cette discipline : dans le cadre d'un·e patient·e souffrant d'un problème mécanique, par exemple une dysphagie qui l'empêcherait de déglutir ou de s'alimenter, la logopédie à un rôle essentiel pour s'assurer que le·a patient·e puisse trouver de bonnes stratégies pour continuer à s'alimenter correctement. De son côté, le langage, qu'il soit verbal ou non verbal, est essentiel pour évoluer dans notre société, tant d'un point de vue personnel que professionnel. Sans cet outil de communication — trop souvent considéré comme acquis par tou·te·s —, la santé mentale des personnes peut se dégrader : isolement, gène ou même dépression peuvent s'installer. Dans le cadre d'un·e patient·e qui souffrirait d'un trouble d'apprentissage et/ou du langage, la logopédie permet donc d'améliorer ou rétablir l'expression, la compréhension, et plus largement, les capacités de communication de l'individu.
(Propos recueillis par Céline Rochat)
[1] Anaïs Favre, présidente de l’Association, Marie Di Pietro et Karim Khouw Zegwaart, chargé de communication, ont répondu à REISO de manière collective.