Méditer, outil au bien-être mental des seniors

Par Laura Camodeca, médecin adjointe, Fondation de Nant, Vevey

L’avancée en âge peut être vécue comme un bouleversement extrême en matière d’équilibre psychique. Le temps qui passe, la page de la retraite, la fin de vie qui approche peut s’accompagner de différentes épreuves à affronter, parfois simultanément : veuvage, problème de santé physique, perte d’autonomie, isolement social, perte d’un rôle et de reconnaissance dans la société. Tous ces événements peuvent mettre à mal les capacités d’adaptation d’une personne.

Au niveau psychiatrique, cette population présente une prévalence importante de troubles ou de symptômes psychiatriques, notamment de type dépression, avec une prévalence de symptômes psychiatriques comprise entre 8.6 et 14.1% ^[1]. La prévention en santé mentale s’inscrit donc comme un levier majeur pour promouvoir le bien-vieillir.

Action de prévention

La santé mentale des sujets âgés représente ainsi un enjeu de santé publique majeure. En Suisse, la population âgée va continuer de croître, notamment en lien avec l’augmentation de l’espérance de vie. Il s’agit donc de trouver des outils et de les proposer aux seniors, tant par prévention que dans un but thérapeutique.

Dans de multiples domaines de prévention et de traitement en santé mentale, aussi bien dans les champs de la gestion du stress, de la prévention de la rechute dépressive ou encore de la prise en charge des addictions, la méditation de pleine conscience ou Mindfulness s’est beaucoup développée au cours des deux dernières décennies. Cette technique a toute sa place, en complément des actions sur la promotion d’une alimentation équilibrée, l’activité physique, la socialisation ou la diminution de la consommation de tabac et d’alcool.

L’objectif d’un programme de pleine conscience est de proposer une action de prévention permettant aux participant·es de trouver des outils internes et une meilleure connaissance de leur fonctionnement psychique. Ces compétences soutiennent leur adaptation aux potentielles épreuves du vieillissement, l’amélioration de leur bien-être et de leur santé mentale, et favorisent l’estime de soi. Un tel programme contribue à l’acquisition d’outils en vue de retrouver une liberté et une autonomie psychique.

Selon Jon Kabat-Zin, professeur de médecine et fondateur du Centre pour la pleine conscience en médecine ^[2], la pleine conscience se définit comme la conscience qui émerge lorsque l’on porte son attention sans jugement sur l’instant présent.

Meilleure gestion du stress

Dans le cadre de la politique « Vieillir 2030 », une collaboration entre la Fondation de Nant et la Fondation Beau-Séjour a permis de proposer un programme de huit séances de pleine conscience — dérivé du programme MBCAS : Mindfulness-Based Cognitive Approach for Seniors ^[3] — à des seniors fréquentant le CAT du Panorama à Vevey. Le MBCAS s’appuie sur trois piliers : les pratiques méditatives, les exercices expérientiels et les pratiques de mouvements conscients. Par rapport à un processus de pleine conscience pour adulte, les programmes proposés aux seniors sont étalés sur une durée plus longue, ainsi qu’une adaptation des mouvements en pleine conscience. Ces derniers favorisent en effet les mouvements du haut du corps, ainsi qu’une réduction des temps de méditation. La durée de chaque séance est également raccourcie.

La participation à cette proposition était volontaire et gratuite. Chaque participant·e a bénéficié d’un entretien avant et après le programme afin de recueillir son avis sur cette expérience. Ainsi, dix-huit personnes, âgées de 65 à 96 ans (âge moyen 80 ans), réparties en deux groupes, y ont participé, entre janvier et juillet 2024, à raison d’une séance d’une heure et demie toutes les deux semaines. Entre chaque séance, les seniors étaient invité·es à intégrer des exercices de pleine conscience dans leur quotidien et à méditer grâce à des enregistrements de méditations guidées fournis.

Les participant·es ont tou·tes suivi le programme dans son entier, sans abandon. Les séances manquées ont été excusées : maladie, autres activités, rendez-vous médicaux, voyage, chaleur, pour un total de 81% de séances honorées. Les bénéfices ressentis par les seniors se sont révélés variés. Il a en effet été rapporté une amélioration dans la gestion du stress et une meilleure adaptation aux situations imprévues, une meilleure acceptation des douleurs chroniques, ou une amélioration au niveau du sommeil — avec pour certain·es une diminution de la prise d’hypnotiques et une baisse des ruminations anxieuses.

Les compétences de pleine conscience acquises contribuent à une meilleure prise de conscience du corps, ainsi qu’à une propension à se centrer sur sa respiration et à contempler l’environnement et la nature. Du point de vue de l’autonomie et de la liberté, des participant·es ont rapporté une impression de mieux se connaitre, un renforcement de la confiance en soi, de la sociabilité et des prises de décision plus sereines. Enfin, une amélioration du bien-être a été décrite, avec une augmentation de la bienveillance envers autrui et envers soi-même, une capacité à prendre du recul par rapport à ses propres difficultés, mais également vis-à-vis des difficultés des autres et du monde en général. À l’exception d’une seule personne, l'ensemble des bénéficiaires conseilleraient à leurs proches de suivre ce programme de méditation de pleine conscience à l’issue de cette expérience.

Bénéfices immédiats et à long terme

Cette pratique a ainsi pu démontrer la faisabilité et la pertinence de proposer aux seniors de participer à un programme de méditation de pleine conscience adapté, dans leur lieu d’activité habituel. Les participant·es qui ont adhéré au programme en ont tiré des bénéfices immédiats pour leur bien-être. Les outils acquis dans ce cadre favoriseront également, par la suite, une meilleure adaptation et acceptation des potentiels défis du vieillissement.

À la lumière de cette expérience, il paraît pertinent de proposer ce type de programme dans les CAT et centre de loisirs pour seniors, au même titre que les autres activités artistiques, sportives ou culturelles. Un développement dans les EMS gériatriques pourrait également être envisagé, dans l’optique d’accompagner les résident·es à plus grande échelle et de leur permettre de développer et de potentialiser leur capacité à s’adapter aux aléas de la vie.

^[1]Copeland, John RM, Aartjan TF Beekman, Arjan W Braam, Michael E Dewey, Philippe Delespaul, Rebecca Fuhrer, Christopher Hooijer, et al. « Depression among older people in Europe: the EURODEP studies ». World Psychiatry 3, nᵒ 1 (février 2004): 45‑49.

^[2] https://www.lespraticiens.fr/intervenant/jon-kabat-zinn-professeur-de-medecine/

^[3] Keller-Zellner, Maskens, Attala "Pleine conscience pour les séniors, programme en 8 mois, approche cognitive. » DeBoeck.

Lire également :

• Anne-Violette Bruyneel et Gaël Brulé, «Art et culture au service d’une santé durable», REISO, Revue d'information sociale, publié le 10 octobre 2024