La Maison des Générations à St-Martin
La commune de St-Martin, en Valais, a inauguré en août 2017 sa Maison des Générations. Les architectes racontent l’histoire de sa construction et les bénéfices qu’elle apporte au village et à ses habitant·e·s.
Par Emanuel Amaral, architecte, Cheseauxrey Architectes, Grimisuat
En 2011, la Commune de St-Martin cherchait à rassembler les générations sous un même toit [1]. Les écoles étaient vétustes et le besoin d’appartements pour les personnes âgées et jeunes couples se faisait sentir. De nouvelles infrastructures étaient nécessaires pour stopper la décroissance démographique de la commune.
L’idée d’implanter la Maison des Générations au centre du village où l’on trouve déjà toutes les commodités, telles que poste, magasin, banques, boulangerie ou salle de gymnastique, semblait logique. La maison pourrait ainsi profiter du tissu économique et social du site, tout en renforçant les synergies et dynamiques propres à un centre villageois. Parallèlement, la localisation et le programme prévu visaient à redynamiser la rue ainsi que le centre du village.
Un cadre naturel et des commodités
Depuis 2017, la nouvelle construction s’implante sur une parcelle en contrebas de la route principale, en prolongement d’un bâtiment construit dans les années 1990. Le site jouit d’un dégagement privilégié sur la vallée de la Borgne. Il permet ainsi au nouveau bâtiment de bénéficier à la fois d’un cadre naturel de qualité tout en profitant des commodités offertes par le centre villageois.
Le programme est diversifié: quatre salles de classe, salle d’activités créatrices manuelles, salle d’appui, crèche, dix appartements (dont huit 2.5 pièces et deux 3.5 pièces), abri de protection civile, caves et locaux annexes. Si la forte déclivité du terrain a engendré des travaux spéciaux importants afin de maintenir en place la route cantonale ainsi que les constructions situées en amont, elle permet en contrepartie d’offrir une vue et un dégagement parfois surprenants sur l’ensemble des six niveaux du bâtiment.
Sous une toiture à deux pans brisés, le bâtiment se veut comme une grande maison. Ses façades sont travaillées avec des facettes afin de diminuer la perception subjective des longueurs et surfaces. Il est habillé d’une tôle structurée qui, de par sa forme, sa couleur et suivant la lumière, dessine une forte variation de teintes allant du doré au brun très foncé. Ces couleurs peuvent rappeler le bois vieilli des maisons et des greniers du village. Par son volume et sa matérialité, le bâtiment cherche un rapport fort avec le village, tout en assumant son caractère exceptionnel et symbolique.
Un espace dessine une place d’entrée et de cour d’école, commune à l’ensemble des utilisateurs du bâtiment. Les trois entrées couvertes donnent sur cet espace. A l’intérieur du bâtiment, une relation visuelle entre les « générations » est créée au travers de vitrages qui permettent également d’amener de la lumière naturelle au cœur du bâtiment.
La crèche se trouve au rez-de-chaussée avec un espace extérieur sécurisé. Les appartements prennent place sur les trois niveaux supérieurs, chaque appartement s’organisant autour d’une terrasse couverte, creusée dans le volume. L’école se situe aux niveaux inférieurs, avec toutes les classes orientées sur la vallée de la Borgne.
L’intergénérationnel et ses complexités
Ces dernières années, Chesauxrey architectes a travaillé sur plusieurs mandats traitant de thématiques sociales. Ces mandats, tels que la crèche UAPE de Grimisuat, Saillon, Miège, et Grône, l’EMS de Leytron et Grimisuat ou les appartements pour la Bourgeoisie de Collonges, nous ont été confiés en tant que bureau lauréat lors de concours d’architecture. Pour chacun de ces objets, chaque thème a été traité d’une manière distincte et autonome.
A St-Martin par contre, le défi consistait à réunir toutes les expériences et compétences acquises pour traiter ces différents thèmes sous le même toit ! L’exercice ne se limitait pas à comprendre et traiter le fonctionnement d’une école, d’une crèche ou d’appartements en tant que structures indépendantes. Il s’agissait de comprendre dans quelle mesure ces diverses fonctions pourraient cohabiter et si possible interagir sous un même toit, tout en assurant l’autonomie de chacune de ces structures. Il ne serait en effet pas viable que les usagères et usagers des appartements aient la sensation de vivre dans une crèche ou une école et vice-versa. Il était essentiel que chacun puisse vivre et sentir le confort d’un chez-soi, à défaut de quoi la cohabitation et les interactions intergénérationnelles ne pourraient pas opérer. En somme, être bien avec soi-même pour pouvoir être bien avec les autres.
Nous avons par conséquent jugé essentiel d’organiser plusieurs rencontres afin de présenter ce projet intergénérationnel et nos visions de cette mixité sous le même toit. Quelles sont les attentes d’une éducatrice de la petite enfance ? De leur côté, le futur corps enseignant avait son lot de questions et d’incertitudes, tout comme le service social. De plus, comment gérer les nuisances d’une école, d’une crèche par rapport au calme nécessaire pour les appartements protégés prévus pour des personnes âgées ou des jeunes couples ? Dans la mesure du possible, nous avons tenu compte des nombreuses remarques positives et négatives, des interrogations et des questionnements.
Aujourd’hui à St-Martin, les dix appartements proposés ont été conçus pour recevoir des jeunes, des couples ou des aînés afin de créer un nouveau dynamisme économique et social, d’inverser la courbe démographique actuellement en baisse. Les appartements sont tous dimensionnés pour des personnes à mobilité réduite. Ils sont lumineux, sobres et confortables. Les vues, les terrasses type loggia captent le paysage et la lumière pour créer un espace de vie paisible à la montagne.
Donner aux enfants l’envie de vivre à St-Martin, donner aux jeunes l’envie de venir s’y établir, c’est miser sur la jeunesse et le dynamisme. La crèche UAPE et l’école ont été créées de manière à stimuler cette envie d’apprendre dans de bonnes conditions.
L’équilibre entre cohabitation et indépendance
La réussite de cette « maison commune » se joue inévitablement autour d’un équilibre précis entre ces deux aspects : la cohabitation associée à un potentiel de relations intergénérationnelles versus l’autonomie et l’indépendance à garantir à chaque structure et utilisateur du bâtiment.
L’organisation du bâtiment en couches vers le haut et vers le bas depuis l’entrée principale a permis très rapidement d’éliminer les soucis des futurs utilisateurs, notamment en matière de sécurité, de gestion de flux des personnes et de gestion des nuisances. A l’intérieur du bâtiment, les zones de rencontres intergénérationnelles sont uniquement visuelles et confinées aux circulations verticales. Une fois la porte franchie, un nouveau « monde » cohabite avec les autres utilisateurs, le monde de l’enfance, le monde de l’adulte, le monde des seniors, le monde du couple. Chacun peut ainsi vivre dans son élément, en heureuse compagnie.
La force et la réussite de la Maison des Générations sont le fruit de nombreux dialogues, échanges entre architectes, politiques, population, utilisateurs. La durée du projet de 2011 à 2017 en constitue un bel exemple. En effet, entre le concours organisé en 2011 et l’inauguration du bâtiment au mois d’août 2017, le projet a pris le temps d’évoluer, de se consolider et de se construire. Ce parcours a été suivi par l’enthousiasme et l’esprit constructif de trois présidents de commune différents et de la population locale.
[1] Cet article a paru dans ActualitéSociale N°73, Mars-Avril 2018, la revue spécialisée d’Avenirsocial.
Cet article appartient au dossier Habiter ensemble
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Emanuel Amaral, «La Maison des Générations à St-Martin», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 28 mai 2018, https://www.reiso.org/document/3108