Repenser les environnements favorables à la santé
Les facteurs environnementaux ont une grande influence sur l’état de santé de la population. Il est temps d’en élargir la définition et de collaborer avec tous les acteurs concernés, dont les communes et les quartiers.
Par Florian Ruf, chargé du projet « Environnements favorables à la santé » chez Promotion Santé Vaud
Aujourd’hui encore, l’association des termes « environnement et santé » fait souvent référence aux effets pathologiques d’agents chimiques, physiques et biologiques tels que la pollution de l’air ou la qualité de l’eau[1]. Pourtant, les déterminants environnementaux de la santé incluent également les milieux de vie, les systèmes d’éducation, de santé et d’aménagement du territoire, ainsi que le contexte économique et politique, parmi d’autres[2].
Nous présentons dans cet article une définition élargie des environnements favorables à la santé, ainsi que quelques enseignements et pistes d’action issus du projet éponyme actuellement mis en œuvre par Promotion Santé Vaud. Nous concentrons nos propos sur la mise en œuvre d’un environnement favorable à la pratique de l’activité physique.
Les catégories d’environnements
Dans une publication dédiée à la thématique[3], le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec identifie quatre catégories d’environnement qui ont un impact sur une saine alimentation, un mode de vie physiquement actif et la prévention des problèmes reliés au poids : les environnements physique, politique, économique et socioculturel.
Une distinction est opérée entre les milieux de vie, ou microenvironnements, qui sont les lieux où les gens vivent et se rencontrent pour des besoins particuliers, et les environnements de vie, ou macroenvironnements, qui concernent l’ensemble de la population et s’apparentent plus à des politiques publiques. En d’autres termes, les milieux de vie (comme l’école ou le quartier) peuvent être considérés comme des cibles d’intervention qui sont influencées par les environnements physique, politique, économique et socioculturel existants.
Lancé par Promotion Santé Vaud en 2016, le projet « Environnements favorables à la santé » a pour objectif de recenser et de promouvoir les mesures structurelles de promotion de la santé, qui permettent de créer des environnements favorables à la santé[4]. Le projet se concentre sur les environnements qui agissent sur quatre facteurs d’influence des maladies non transmissibles[5] : la pratique d’une activité physique et une alimentation équilibrée (facteurs de protection) et la consommation de tabac et d’alcool (facteurs de risque).
Dans le cadre de ce projet, nous avons reformulé la définition québécoise, comme suit : « Un environnement favorable à la santé est un environnement qui exerce une influence positive sur l’état de santé des individus, en facilitant les choix bénéfiques à la santé ». Cette définition élargie a l’avantage de couvrir tout le spectre des facteurs environnementaux.
La base documentaire en ligne[6] détaille une cinquantaine de mesures qui ont été rédigées en collaboration avec le programme cantonal « ça marche ! », le CIPRET-Vaud (aujourd’hui tous deux intégrés à Promotion Santé Vaud) et la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme, ainsi qu’avec le soutien d’une trentaine d’experts de différents domaines. La première phase du projet, qui consistait dans la mise en ligne de la base documentaire, est quasiment terminée. A ce stade, nous identifions deux enseignements majeurs, ainsi que deux lignes directrices pour la suite.
L’approche multisectorielle
La santé de la population est influencée par une multitude de facteurs environnementaux qui ne sont pas du ressort décisionnel des autorités de santé publique. La mise en œuvre d’environnements favorables nécessite donc une action multisectorielle entre les différentes politiques publiques. La création de cheminements attractifs et sécurisé pour les enfants, qui leur permettent de se déplacer à pied, à vélo ou à trottinette, est par exemple un excellent moyen de contribuer à satisfaire les recommandations en matière d’activité physique pour les enfants (au minimum une heure par jour). Cependant, la mise en œuvre de ces cheminements n’est pas du ressort de la santé publique, mais d’une constellation d’autres acteurs : autorités scolaires, police, urbanistes et spécialistes de la mobilité (sans compter les enfants et leurs parents). Dans la pratique, il conviendra donc de s’accorder sur une mesure qui soit positive du point de vue de la santé publique et, dans le même temps, convaincante pour les différents corps de métier concernés.
L’implication des communes
De plus, s’il n’existe pas de « Direction de la santé » dans les communes suisses (tout au plus un service de santé scolaire), c’est parce que, institutionnellement, ce sont la Confédération et les cantons qui sont en charge du système de santé suisse. En matière de promotion de la santé et d’environnements favorables en particulier, les communes ont pourtant un rôle déterminant à jouer. C’est particulièrement le cas des mesures qui favorisent la pratique de l’activité physique, car les aménagements urbanistiques sont essentiellement de compétence communale. Ainsi, la création d’un réseau cyclable, de places de jeux, d’espaces verts et de cheminements piétons sont autant de mesures de compétence communale. Dans la pratique, il faudra d’abord sensibiliser les communes au rôle qu’elles peuvent jouer, puis les accompagner dans la création des environnements favorables, comme nous l’expliquons ci-dessous.
Des messages ciblés pour les divers publics
Il nous apparaît nécessaire que les acteurs de la santé publique, et de la promotion de la santé en particulier, réfléchissent à la création d’un cadre référentiel commun, qui définisse formellement ces différents « environnements » et leur articulation. Certaines thématiques étant de compétence fédérale, cantonale ou communale, il est logique que la mise en œuvre d’environnements favorables à la santé soit portée par différents partenaires. Pourtant, il apparaît nécessaire de disposer d’un vocabulaire commun, qui serve de base à une action compréhensible et efficace auprès des partenaires d’autres politiques publiques.
Sur la base d’un message clair, les professionnels de différents métiers qui ont un impact sur l’environnement de vie de la population, ainsi que les autorités politiques, doivent être sensibilisés à la thématique. Au vu de la grande diversité des publics-cibles concernés, il apparaît nécessaire de communiquer de façon segmentée en construisant des argumentaires autour d’une thématique ciblée. Par exemple : « comment l’urbanisme peut-il favoriser l’activité physique ? » ou « comment créer des environnements scolaires favorables à l’activité physique ? » Ajoutons que la sensibilisation des publics-cibles permettra d’identifier des acteurs particulièrement intéressés par la thématique, qu’ils pourront valoriser auprès de leurs collègues.
Trois exemples de collaborations
Tout en sensibilisant les acteurs des autres politiques publiques à la thématique, il convient d’agir concrètement pour créer des environnements favorables. En ce qui concerne la collaboration avec les communes, qui disposent de beaucoup de leviers pour créer un environnement favorable à la pratique de l’activité physique, nous exemplifions notre propos par trois réalisations.
Le Groupe Accessibilité Piétonne (GAP) de la Ville de Lausanne[7] sert de relais entre les autorités communales et les associations représentant les usagers piétons. Les aménagements piétons, ainsi que d’autres aménagements susceptibles d’avoir une incidence sur les piétons, sont abordés huit fois par année dans ce groupe, sous l’égide du Délégué aux piétons de la ville. Depuis avril 2017, le soussigné y représente Promotion Santé Vaud, pour s’assurer que les aménagements discutés favorisent autant que possible la promotion de l’activité physique.
Toujours en ville de Lausanne, le projet Métasanté[8], initié par la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU), vise à intégrer la promotion du mouvement et de la santé dans le programme urbanistique lausannois Métamorphose, et dans le futur quartier des Plaines-du-Loup en particulier. Piloté par un groupe multidisciplinaire, dans lequel siègent entre autres des professionnels de la santé et de l’urbanisme, le projet a permis de formuler un certain nombre de recommandations à destination de la Municipalité et des investisseurs qui construiront le futur quartier, comme la création de parcours de marche balisés et adaptés à différents publics, en tirant profit de l’étendue du quartier et de ses pôles d’attraction.
A l’échelle du canton de Vaud, le partenariat « Sport Santé »[9] noué entre le Service de la santé publique et le Service de l’éducation physique et du sport permet notamment d’apporter une aide financière aux communes qui souhaitent construire des places de sport. Si elles en font la demande, les communes se voient octroyer des subventions allant jusqu’à 15 ou 25% de la construction d’un terrain multisports ou de pistes finlandaises, par exemple.
Ces exemples, qui pourraient être complétés par d’autres, constituent la première étape de collaborations multisectorielles qui visent à valoriser la thématique des environnements favorables. Pour que cette thématique soit systématiquement mise à l’agenda des autres politiques publiques, il conviendrait qu’une stratégie coordonnée soit mise en place par les autorités fédérales, cantonales et communales, ainsi que par les acteurs publics, parapublics, associatifs et privés.
[1] Preventing disease through healthy environments : a global assessment of the burden of disease from environmental risks. OMS, 2016. En ligne
[2] La santé et ses déterminants : mieux comprendre pour mieux agir. Québec : Ministère de la santé et des services sociaux, Direction des communications, 2012. En ligne
[3] Pour une vision commune des environnements favorables à la saine alimentation, à un mode de vie physiquement actif et à la prévention des problèmes reliés au poids. Québec : Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2012. En ligne
[4] Nous postulons que les mesures structurelles de promotion de la santé sont synonymes des environnements favorables à la santé. Voir la base documentaire ci-dessous pour plus de détails.
[5] Les maladies non transmissibles sont responsables en Suisse de 64% des décès et de 40 à 80% des coûts du système de santé selon les maladies retenues. Source : Stratégie nationale Prévention des maladies non transmissibles 2017–2024. OFSP, 2016.
Cet article appartient au dossier Habiter ensemble
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Florian Ruf, «Repenser les environnements favorables à la santé», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 5 novembre 2018, https://www.reiso.org/document/3681