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Quand l’architecte habite sur le site

Jeudi 29.11.2018
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Une nouvelle manière d’exercer le métier d’architecte consiste à vivre in situ. Cette immersion favorise une réhabilitation adaptée au contexte social des habitants et des usagers. Le projet est conçu et réalisé avec eux.

Par Sophie Ricard, architecte en immersion, Hôtel Pasteur, Rennes

Un projet auquel j’ai participé dans une ruelle à Boulogne-sur-Mer montre concrètement la démarche de l’architecte en «immersion», parfois appelé «architecte social» ou «architecte en résidence» [1]. Les soixante petites maisons de cette rue, construites dans les années 60 face à la mer, avaient été délaissées par les propriétaires. Abandonné aussi peu à peu par les services sociaux, la police, puis les éboueurs et leurs camions-poubelles, sans plus d’éclairage public, ce quartier était devenu une zone de non-droit. Les maisons étaient occupées dans une grande liberté par des gens du voyage sédentarisés et d’anciens marins-pêcheurs retraités qui vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. La première idée des autorités nationales [2] avait été de tout démolir et de reconstruire une belle réserve foncière avec vue sur mer. Le maire a résisté et est allé chercher Patrick Bouchain, architecte atypique. Je venais tout juste de passer mon diplôme et avais effectué un stage dans cette agence auparavant, et je me suis installée sur les lieux.

L’action d’habiter sur place a d’emblée démontré que l’«inhabitable» n’était pas si inhabitable que ça. En passant d’architecte à voisine, la relation s’est construite sur les besoins réels du quotidien. Une telle expérimentation se vit sur le temps long et je suis restée trois ans sur place. Au début, il faut montrer que nous ne sommes pas là pour dénoncer des pratiques à la police. Il y avait en effet du commerce parallèle, des ferrailleurs, des « chouraveurs » de matériaux divers et des arrangements plus ou moins illicites, mais avec une notion de contrepartie. Il faut aussi se faire adopter et tisser des liens petit à petit au gré des rencontres. Quand ma voiture a été en panne, j’ai pu faire appel à un voisin qui s’y connaissait en mécanique. Pour aménager un peu mon logement, j’avais quelques compétences, mais j’ai surtout bénéficié des services de plusieurs artisans du coin. Lorsque j’ai planté un petit jardin, j’ai fait la connaissance d’enfants et établi des liens avec leurs parents. Ces échanges et ces rencontres avec les habitants sont en fait une façon artisanale de pratiquer le métier d’architecte.

Du logement social sur mesure

Dans le logement social en France, l’habitat se révèle normé et uniformisé avec cinq typologies de familles (qui n’existent plus) et dupliqués presque à l’identique dans tout le pays. A Boulogne-sur-Mer, c’est exactement le contraire qui s’est mis en place : 60 projets différents pour 60 foyers différents. Sur l’impulsion du maire, la ville a dégagé 2.3 millions d’euros pour le projet global, c’est-à-dire 38’000 euros par maison. Dans une opération menée par les services spécialisés du gouvernement français, ce montant aurait à peine suffi à payer la démolition.

Les travaux ont commencé par le plus urgent : le chauffage avec des poêles multicombustibles, l’isolation des fenêtres et des toits. Tout a été fait à petite échelle, avec des micros appels d’offres auprès de petites entreprises, d’artisans et de menuisiers, sur la base d’un diagnostic technique établi pour chaque maison avec leurs habitants. Les chantiers ont permis la mise sur pied de parcours de formation et de mesures d’intégration sociale. Une coopération s’est engagée avec des assistants sociaux pour mener à bien ces démarches, avec notamment des moments de rédaction de CV, car certaines personnes ne savaient ni lire ni écrire. Cette période de travail collectif a beaucoup contribué à recréer du lien entre les habitants.

L’aventure de l’Hôtel Pasteur

Après cette expérience à Boulogne-sur-Mer, d’autres projets d’«appropriation du logement social» ont été menés par Patrick Bouchain. Retraité, il souhaitait transmettre son approche par une «université foraine», appelée aussi «école des situations» ou «école des possibles», et c’est à Rennes que ce projet novateur a pris forme. Centenaire, l’ancienne Faculté des sciences, le bâtiment Pasteur, 3000 mètres carrés en plein centre ville, avait vu ses étages tomber en désaffectation. Comme la mairie avait déjà investi dans un réseau d’équipement culturel, sanitaire et social, elle a décidé de transformer ce bâtiment historique en expérimentant quelque chose de nouveau. Plutôt que de mettre 50 millions pour en faire un musée, elle a demandé à l’«université foraine» de venir à Rennes et de voir quels projets pourraient prendre place dans le vieux bâtiment.

Au début, l’«école des situations» organise des rencontres publiques sur diverses thématiques : comment soigner autrement, comment s’entraider, comment manger sainement, etc. Pendant six mois, encore le temps long de l’architecture, ces débats font sortir les chercheurs des universités, les fonctionnaires de leurs institutions, le monde associatif de ses endroits habituels. Différentes formes de savoir commencent à s’échanger: des savoirs savants et des savoir-faire.

Pour installer l’école des possibles, huit lieux de Rennes sont visités avant que l’ancienne Faculté des sciences elle-même soit choisie. En effet, au rez-de-chaussée, elle abrite un centre hospitalier de soins dentaires et sa vocation de service public est donc déjà inscrite dans les murs et identifiée par les Rennais. Les étages sont vides, pas sécurisés et pas chauffés, mais c’est sur place qu’il faut tester les fonctions possibles de ce bâtiment. De nombreux citoyens rejoignent le projet et testent leurs envies. Ils viennent d’horizons professionnels différents mais ont souvent un point commun : ils ont fait un «pas de côté» de leur institution. Il y a un éducateur sportif qui a pratiqué des bivouacs pour un public en grande précarité dans la nature et qui installe un court de tennis dans le bâtiment (avec des règles de jeu adaptées puisque le court n’est pas aux normes). Il y a des artistes. Il y a aussi un médecin psychiatre qui pense que, si on ne soigne pas l’hôpital, on ne pourra plus soigner la folie ; il souhaite pratiquer certaines thérapies de façon démédicalisée dans des lieux de vie. Il y a des travailleurs sociaux qui débattent des restaurants sociaux et désirent tester de nouvelles façons d’agir.

La mise à l’épreuve par l’usage

Les architectes en immersion ne se substituent pas aux autres professionnel·le·s, ils sont là pour agréger les personnes intéressées afin qu’elles se réapproprient ensemble un lieu vacant, qu’elles y testent des activités et des pratiques. Les rares plans dessinés rapidement et réalisés sont ceux qui remettent les lieux en accord avec quelques normes principales de sécurité. Pendant deux ans, les expériences foisonnent, les utilisateurs mettent le lieu à l’épreuve par l’usage. Ils se réunissent une fois par mois pour évoquer les activités possibles, pour faire du «non-programme» un véritable projet. La notion d’appropriation est ancrée et, contrairement à celle de propriété, elle offre une énorme souplesse pour que chacun·e, à un moment donné, ait la possibilité de tester une nouvelle idée pendant une heure ou pendant trois mois.

Dix activités différentes se succèdent parfois dans le bâtiment durant la même journée : un cours public, un pique-nique, un atelier de couture, un match de tennis, un concert le soir… Les utilisateurs ont joué au jeu des dix règles pour définir la vie dans cet endroit ; la dixième règle affirme qu’il est toujours possible de déroger aux règles précédentes. Les utilisateur·trice·s ont travaillé sur la réversibilité de l’architecture, sur la nécessité de pouvoir accueillir toute personne qui frapperait à la porte avec un nouveau projet. Dans un sens, c’est un espace intérieur qui est devenu un espace public avec un toit. Il faut bien constater que, en général, les espaces sont «sur-assujettis», fonctionnels pour telle activité et rien d’autre, et donc déresponsabilisants.

En pleine campagne municipale, une vive opposition surgit et la convention d’occupation n’est pas renouvelée. Tous ceux qui avaient participé au projet montent au créneau. Ils expliquent que c’est le seul lieu où ils peuvent expérimenter des activités différentes. Des étudiants viennent aussi dire qu’ils ont choisi Rennes parce que, une fois les universités et les écoles fermées le soir et le week-end, il est encore possible dans cette ville de se rencontrer dans un lieu ouvert où il est «permis de faire», d’imaginer, de tester. La nouvelle maire réalise que ce bâtiment n’est pas un lieu culturel au sens purement artistique, ni intello, mais un endroit où des personnes très différentes se sentent bienvenues. Elle lance une commande publique afin de le réhabiliter et précise que le rez-de-chaussée doit être affecté dès 2019 à une nouvelle école maternelle. Le centre de soins dentaires va effectivement déménager sur le site de l’hôpital et l’école maternelle à proximité manque de place. Ce vote municipal a été très utile, car il a maintenu ainsi un service public au rez-de-chaussée, ce qui était un atout dès le départ.

Le collège des hôtes utilisateurs

Un aménageur a été nommé. Il connaissait la démarche collective menée à Pasteur et l’appréciait. Avec son appui, les fidèles du lieu ont pu rester moyennant une structure juridique et un «Collège des hôtes utilisateurs». Les experts ne viennent pas d’en haut, mais de la base : ce sont les citoyens eux-mêmes qui entrent ainsi dans la gouvernance et la gestion avec des rôles tournants. Aujourd’hui, la réhabilitation et son financement sont votés. Le Collège travaille avec un collectif d’architectes et des urbanistes qui partagent cette envie de construire des projets avec le public concerné.

En quatre ans, le lieu a enregistré une plus-value économique, pas convertible en euros certes, mais sa valeur d’usage a fortement augmenté. Cet argument a eu son importance dans certains rapports de forces politiques. Les hôtes qui ont passé au désormais dénommé «Hôtel Pasteur» essaiment dans la ville et reproduisent des expériences. Ils reprennent des commerces vacants du centre-ville et les convertissent en ateliers d’artisans par exemple. Cette participation citoyenne est repérée et reconnue par les élus et les élites. 

La précarité des moyens offre souvent une grande liberté d’action. En demeurant précaire au sens de «espace peu aménagé» pour demeurer permissif, et avec des personnes, des activités et des fonctionnements qui ne sont jamais les mêmes, cet endroit restera en interaction avec les besoins immédiats de société civile. Celle qui, aujourd’hui, désire activement l’innovation sociale.

[1] Ndlr : cet article, écrit avec la collaboration rédactionnelle de Marylou Rey et la documentation de Nicole Berger, reprend de nombreux éléments présentés par l’auteure Sophie Ricard lors de sa conférence au colloque «Va voir dehors si j’y suis» organisé par la Fédération romande de l’animation socio-culturelle en novembre 2017 à Genève. Nombreux documents disponibles sur le site de la Fédération.

[2] Agence pour le renouvellement urbain

Cet article appartient au dossier Habiter ensemble

Comment citer cet article ?

Sophie Ricard, «Quand l’architecte habite sur le site», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 29 novembre 2018, https://www.reiso.org/document/3768

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