Consultation grossesse et santé psychosociale
Les centres de consultation en matière de grossesse contribuent à la santé psychosociale des femmes, des hommes et des couples. Financées par les cantons, les prestations sont gratuites pour les personnes concernées !
Par Gilberte Voide Crettenand, SANTÉ SEXUELLE Suisse, Lausanne
En 2017, la Suisse a connu 87'381 naissances et 10'015 interruptions de grossesse . Plus de 12’000 femmes [1] concernées par une grossesse, voulue ou non, se sont adressées à un centre de consultation en matière de grossesse pour obtenir conseil et soutien.
Mme H., 34 ans, mère célibataire de deux enfants adolescents reçoit un résultat positif à son test de grossesse. La situation est inattendue. La première surprise passée, de nombreuses questions affluent : que signifie cette grossesse pour moi ? Faut-il l’annoncer à mon partenaire ? Que va-t-il en penser? Est-ce que je souhaite la poursuivre ou l’interrompre ? Quelles sont les aides envisageables si je la garde ? Et si je décide de l’interrompre ? Comment prendre une décision ? Dans quels délais ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné avec ma contraception ? Et mon gynécologue qu’en pense-t-il ? Pourquoi moi ? À qui parler de cette situation et de tout ce qui se bouscule dans ma tête ?
Des centres mandatés pour informer et conseiller
L’annonce d’une grossesse est un moment particulièrement sensible dans la vie d’une femme, d’un homme, d’un couple. Elle peut provoquer de nombreuses émotions et autant de questions qui touchent à la vie relationnelle, au projet de vie personnel ou de couple, à l’organisation du quotidien, à des questions juridiques, économiques et sociales ou encore à la santé sexuelle.
En Suisse, 75 centres de consultation offrent des prestations gratuites et confidentielles pour les femmes et les couples concernés par une grossesse. Leurs activités découlent de la Loi fédérale de 1981 [2] qui stipule qu’en cas de grossesse, les personnes directement intéressées ont droit à des consultations gratuites et à une aide. Elles seront informées de l’assistance privée et publique sur laquelle elles peuvent compter pour mener la grossesse à terme, sur les conséquences médicales d’une interruption et sur la prévention de la grossesse.
Dans les faits, la plupart des cantons suisses ont mandaté les centres de santé sexuelle et planning familial [3] pour développer les prestations requises par la loi. Ces centres, présents sur l’ensemble du territoire suisse, sont à disposition de l’ensemble de la population pour des informations et du conseil sur la sexualité ainsi que sur la santé sexuelle et reproductive. Dans la plupart d’entre eux, il est possible d’obtenir une contraception ou une contraception d’urgence ainsi que d’effectuer des tests VIH et IST de manière confidentielle et à des tarifs préférentiels. Ils proposent aussi des prestations d’éducation sexuelle en milieu scolaire ou pour les collectivités.
La consultation en matière de grossesse est une prestation spécifique des centres de santé sexuelle et planning familial. Elle s’adresse à toute personne concernée par une grossesse et est généralement assurée par des spécialistes en santé sexuelle titulaires d’un titre professionnel délivré par SANTÉ SEXUELLE Suisse. Leur approche est basée sur les droits [4] et assure un accompagnement neutre, gratuit et confidentiel. Selon l’organisation du centre et les besoins des personnes en consultation, des spécialistes des questions périnatales (assistantes sociales ou assistants sociaux spécialisés dans les questions de grossesse, sages-femmes, etc.) sont également à disposition.
La consultation en matière de grossesse offre durant toute la grossesse et après la naissance de l’enfant un accompagnement psychosocial qui soutient l’expression des émotions et des inquiétudes mais aussi l’identification de ses propres besoins et ressources ainsi que celles du réseau. Elle permet d’aborder de nombreuses questions liées à cette période et propose notamment:
- des informations juridiques et sociales concernant le droit du travail, le congé maternité, le permis de séjour, les structures d’accueil de la petite enfance, la recherche en paternité ou l’interruption de grossesse ;
- du soutien à l’organisation familiale en cas de situations particulières comme des grossesses multiples, des familles monoparentales ou arc-en-ciel ;
- une orientation vers les services spécialisés adéquats et, dans certains cantons, une aide financière pour les situations précaires ;
- du conseil en santé sexuelle, notamment en matière de contraception et de sexualité durant la grossesse et le post-partum ;
- des entretiens psychosociaux en matière de diagnostic prénatal [5];
- un accompagnement en cas d’ambivalence face à une grossesse pour permettre une prise de décision informée et hors de toute pression et, le cas échéant, une orientation et un soutien en cas d’interruption de grossesse ou d’accouchement confidentiel.
Quid des personnes mineures et des hommes ?
Les prestations des centres de consultation en matière de grossesse s’adressent aussi aux personnes mineures. En Suisse, en cas de grossesse, le libre choix de la poursuivre ou non est garanti à toute femme dans les 12 premières semaines, conformément à la loi sur le régime du délai [6] acceptée par le peuple à 72% en 2002. Cependant, pour les femmes enceintes de moins de 16 ans, la loi prévoit un entretien obligatoire et confidentiel dans un centre de consultation spécialisé pour mineur.e.s. Dans la plupart des cantons, ce rôle est rempli par la consultation de grossesse des centres de santé sexuelle et planning familial à qui les médecins généralistes doivent référer les femmes de moins de 16 ans avant toute décision concernant la suite de la grossesse ou une interruption de grossesse.
L’arrivée d’une grossesse concerne aussi le partenaire et, qu’il s’agisse d'une grossesse voulue ou ambivalente, les hommes ont leur place dans les consultations en matière de grossesse. L’importance de leur proposer un espace d’expression de leurs questionnements et de leurs émotions est essentielle, même si lors d'une ambivalence la décision finale revient à la femme [7].
Une étude publiée en 2013 par la section santé de la Haute école spécialisée bernoise [8] sur la place des hommes dans les centres de santé sexuelle et planning familial met en évidence le souci de ces derniers d’être de bons partenaires et pères et leur besoin de soutien en la matière. Ils souhaitent notamment des lieux pour échanger et partager leurs préoccupations. L'étude met aussi en évidence que les centres de santé sexuelle ne sont pas suffisamment perçus comme des ressources par les hommes, notamment par manque de connaissance des prestations qui leur sont destinées.
Ces dernières années, plusieurs mesures ont été prises par les centres de santé sexuelle et les services de consultations en matière de grossesse pour transformer leur image et devenir des centres de référence aussi pour le public masculin. La plupart des centres ont changé leur nom de planning familial en centre de santé sexuelle, développé l’offre de dépistage du VIH et des IST et élargi l’offre de prestations des consultations en matière de grossesse au domaine de la parentalité [9]. Dans certains cantons, comme par exemple dans le canton de Vaud, des offres spécifiques pour les hommes et les futurs pères voient le jour en collaboration avec le projet Mencare Suisse romande [10].
L’accessibilité et la faculté d’adaptation
Un des enjeux toujours actuels pour les centres de consultation en matière de grossesse reste celui de l’accès aux prestations pour tous les publics : femmes concernées mais aussi partenaires hommes ou femmes, pères ou futurs pères. Garantir cet accès nécessite de prendre en compte le double impératif d’assurer le libre choix de la femme et une approche inclusive de l’ensemble des personnes concernées par la grossesse.
Les offres des centres de consultation en matière de grossesse sont de réelles mesures de santé psychosociale. Pour rester au plus près des besoins de la population, elles doivent continuellement s’adapter à l’évolution des modes de vie et à la diversité des situations familiales mais aussi aux exigences d’accès. Dans ce domaine certains éléments sont centraux : l’importance de la gratuité et de la confidentialité du conseil pour les bénéficiaires, la possibilité de recourir à des interprètes culturels et le travail de communication auprès de la population générale et des réseaux professionnels de la santé et du social pour faire connaitre l’existence de ces offres.
[1] Office fédéral de la statistique, 2018, et Monitoring 2017 de la santé sexuelle en Suisse, SANTÉ SEXUELLE Suisse, en ligne (colonne de droite).
[2] Loi fédérale sur les centres de consultation en matière de grossesse (1981).
[3] Répertoire des centres en ligne
[4] Droits sexuels de l’IPPF (2008), en ligne
[5] Selon Art.24 de la Loi fédérale sur l’analyse génétique humaine (LAGH) révisée en 2018 (Art. 17 de LAGH)
[6] Au-delà de la 12ème semaine, une interruption de grossesse reste possible si la santé physique et/ou mentale de la femme enceinte est en danger. Dans ce cas, la situation doit être évaluée par un.e médecin. Voir aussi : Loi suisse sur le régime du délai, 2002 Art. 118-120 du Code Pénal Suisse
[7] Une femme sur six est accompagnée de son partenaire lors de la consultation dans un centre de grossesse. Source : Monitoring 2017, op. cit.
[8] Haute école spécialisée bernoise, section santé: Groupe cible „Hommes“, 2013, Dr. Leila Sadeghi, Dr. Ans Luyben
[9] Les hommes contactent les centre de consultation en matière de grossesse pour des questions liées à leurs droits et devoirs en matière de paternité (droit lié au nom de l’enfant, au droit de visite ou à la pension alimentaire). Ils s’informent aussi régulièrement au sujet de la contraception. Source : Monitoring 2017, op. cit.
Cet article appartient au dossier Le prix de la santé
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Gilberte Voide Crettenand, «Consultation grossesse et santé psychosociale», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 29 juillet 2019, https://www.reiso.org/document/4722