Une plateforme pour les politiques de la famille
Les politiques publiques et les prestations associatives pour soutenir les enfants et les familles se développent. A l’échelon vaudois, une démarche originale réunit les élu·e·s des communes et les acteurs et actrices du terrain.
Par Raphaelle Deshayes, responsable d’a:primo pour la Suisse romande, et Michèle Theytaz Grandjean, secrétaire générale de Pro Familia Vaud, Lausanne
Fruit d’un étroit partenariat entre Pro Familia Vaud et a:primo, le projet d’une plateforme d’échanges à l’échelle du canton sur la thématique des politiques de l’enfance et de la famille a vu le jour au cours de l’année 2019. Basées dans une structure de bureaux partagés, ces deux associations ont mis en commun leurs compétences, leurs expériences et leur expertise des réseaux vaudois et nationaux actifs auprès des enfants et des familles.
Les soutiens actuels aux familles
Dans le canton en 2016, les familles avec enfants représentaient un peu plus du tiers des ménages. Leur rôle central dans la société, par leur large contribution aux tâches éducatives, domestiques et de soins ainsi qu’au marché du travail, est partiellement reconnu par les politiques publiques en leur faveur. Ces mesures compensent certaines charges (allocations familiales, déductions fiscales, etc.) et facilitent la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (accueil de jour des enfants).
Dans certaines circonstances spécifiques, les familles ont besoin d’être soutenues avec des mesures particulières, ce à quoi tente de répondre le dispositif de mesures complémentaires mis en place par l’État (Revenu d’insertion, PC Familles, subsides LAMal, aide individuelle au logement, bourses d’études, etc.)
Finalement, certaines étapes communes à toutes les familles (naissance, socialisation, scolarité, maladie, accident, etc.) nécessitent un soutien ponctuel et pratique que diverses organisations prodiguent par des offres taillées au plus près des besoins observés sur le terrain.
Des passerelles entre les offres
Soulignons d’emblée la richesse et la pluralité des offres en matière de soutien à la parentalité, à l’enfance et à la jeunesse dans le canton. Récemment encore, la thématique de l’encouragement précoce a suscité l’émergence de nouvelles offres. Cette variété complexifie la lisibilité du dispositif.
Les acteurs et actrices travaillant auprès des enfants et des familles ont un besoin crucial de créer des passerelles entre eux, afin de porter la politique de l'enfance et de la famille au-delà du cercle professionnel. Il leur est toutefois difficile de faire connaître leurs prestations auprès des communes, quand bien même elles sont reconnues, voire financées, par des départements cantonaux et/ou des fonds privés.
La marge de manœuvre communale
La révision de la Loi sur l'accueil de jour des enfants (LAJE) a amené les communes vaudoises à concentrer leurs efforts sur la création de places d’accueil. Si ces prestations sont soumises à un cadre législatif cantonal, les communes conservent néanmoins une marge de manœuvre importante pour toutes les autres offres destinées aux familles.
Les communes, interlocutrices privilégiées des familles, sont en première ligne pour développer des réponses pertinentes et de proximité. Il est donc primordial qu’elles soient conscientes de l’impact à moyen et à long terme des politiques qu’elles décident de mener en faveur des enfants, des jeunes et des familles, et qu’elles connaissent les prestations disponibles dont elles pourraient faire bénéficier les familles domiciliées sur leur territoire.
C’est sur la base de ces constats qu’est né le projet de plateforme vaudoise. Il est conçu en trois phases.
- Phase 1: un travail de renforcement du réseau avec les acteurs et actrices des prestations en faveur des enfants (0-16 ans) et des familles.
- Phase 2: l’organisation d’un événement destiné aux autorités exécutives des communes, répondant de manière très concrète à leurs besoins et préoccupations.
- Phase 3: l’évaluation et la modélisation de ce projet, de manière à ce qu’il puisse être reconduit soit dans le canton de Vaud, soit dans d’autres cantons.
Afin de vérifier la pertinence de cette plateforme et d’élargir les partenariats, différents acteurs cantonaux et romands ont été consultés. Ils ont clairement exprimé leur intérêt pour cette démarche. Notons que des financements ont été obtenus par la Commission de coordination pour une politique de l’enfance et de la jeunesse (PEJ) et par la Fondation Jacobs, à travers l’initiative Ready.
Une quinzaine d’organisations actives auprès d’enfants âgés de 0 à 16 ans et de leurs parents ont été mises en réseau. Elles ont participé à quatre réunions entre mai 2019 et janvier 2020. Dans le but de favoriser la visibilité de leurs prestations et de mettre en évidence leurs complémentarités, ces séances ont alterné des moments de transmission d’informations, de discussions en petits groupes, d’échanges collectifs et de partages informels. Du temps a également été laissé aux participant·e·s pour partager leurs réussites et leurs défis dans les contacts avec les autorités communales et pour se préparer à la rencontre avec les représentant·e·s politiques.
Une invitation aux communes vaudoises
Le 27 novembre 2019, les conseillères et conseillers municipaux, ainsi que les responsables des communes, ont été invités à un après-midi intitulé «Communes vaudoises : place aux familles !». La diffusion de l’événement a été facilitée par des partenariats avec des organisations faîtières des communes.
Pensé pour répondre de manière très concrète aux besoins des élu·e·s des communes, cet événement a posé les enjeux de l’encouragement précoce, de la politique de l’enfance et de la famille, tout en favorisant la réflexion et l’ébauche de pistes de travail. Démarrant avec trois mini-conférences sur les impacts des politiques communales destinées aux enfants et aux familles et sur l’encouragement précoce, il s’est poursuivi avec un speed-meeting lors duquel les quinze prestations ont été présentées aux représentant·e·s des municipalités. Les échanges se sont poursuivis autour de l’apéro qui a clôturé l’après-midi.
Pour compléter cet événement, une brochure et un site internet [1] ont été réalisés afin d’améliorer la lisibilité des différentes prestations disponibles pour les familles.
Dans l’idée de rééditer cette démarche et de partager les bonnes pratiques avec d’autres régions, une évaluation à la fois qualitative et quantitative a été menée. Ainsi, l'événement du 27 novembre a réuni 40 communes vaudoises sur 309, représentant plus de 316'000 habitants. Près de 70% des communes présentes comptent moins de 5'000 habitants.
Du côté des prestations, il ressort que ce projet a permis aux acteurs et actrices de mieux comprendre les détails du dispositif et de créer de nouvelles synergies et des collaborations. Ceci contribuera sans aucun doute à fluidifier la circulation des informations et à y faciliter l’accès pour les familles, notamment celles vivant une situation de vulnérabilité sociale. Les intervenant·e·s du terrain ont aussi relevé l’avantage de se préparer et de se présenter ensemble aux communes.
Les représentant·e·s des communes et les responsables des associations ont été satisfait·e·s des contenus et ont dit leur souhait de voir une réédition de ce type d'événement.
Vers une pérennisation de la démarche
La plateforme vaudoise s’inscrit dans la réalisation à terme de l’accueil et de l’éducation inclusive inscrits dans l’objectif de développement durable 4 de l’Unesco, ainsi que dans les lois sur l’accueil de jour des enfants et sur l’école obligatoire du canton.
Afin de consolider les synergies et les collaborations qui ont émergé dans le cadre de ce projet et de bénéficier de la dynamique engendrée, Pro Familia Vaud et a:primo travaillent à l’organisation de rencontres annuelles avec les quinze prestataires déjà impliqués ainsi qu’avec d’autres organisations actives dans ce champ. De plus, un nouvel événement destiné aux communes pourrait être réédité au début de la prochaine législature, puis tous les deux ans.
Une modélisation de ce projet est en cours de manière à partager les bonnes pratiques avec d’autres régions, dont certaines ont déjà fait part de leur intérêt. Ainsi, la démarche se poursuit pour que des organisations mises en réseau et des politiques communales ciblées favorisent une meilleure reconnaissance des familles et des réponses adéquates à leurs besoins.
[1] Site internet Place aux familles
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Comment citer cet article ?
Raphaelle Deshayes et Michèle Theytaz Grandjean, «Une plateforme pour les politiques de la famille», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 6 juillet 2020, https://www.reiso.org/document/6126