Solidaires grâce aux liens préexistants
Sur la Côte, la précarisation engendrée par le Covid-19 a été fortement visible. Pour la Pastorale sociale et de rue (PSR), cette expérience a montré l’importance du lien social au sens large. Renforcer ce lien favorise une mise en place cohérente et rapide des initiatives de solidarité.
Par Chiara Mari et Françoise Gariazzo, aumônières, PSR, Eglise catholique dans le canton de Vaud
Le contexte du Covid-19 a eu comme conséquence une réelle précarisation d’une partie de la population de la région de La Côte. Fort de cela, la distribution alimentaire à La Halte, à Morges, a enregistré une nette augmentation qui s’est accentuée tout au long du confinement. De nombreuses personnes seules, mais aussi des familles, suisses ou étrangères, ont eu recours à des sacs de nourriture pour couvrir leurs besoins de base. Les personnes touchées ont souvent un emploi précaire, sont sans emploi ou sans permis de séjour. La crise les a ainsi fait sortir de l’ombre.
Des parents solos surchargés
La précarisation s’est aussi incarnée dans la surcharge des familles, surtout monoparentales, qui ont dû assumer l’école à la maison. Des mères seules avec plusieurs enfants, en temps normal soutenues par des éducateur·trice·s du Service de protection de la jeunesse, au bénéfice de soutien scolaire, psychologue, logopédiste, se sont retrouvées démunies et épuisées. Dans certaines situations, l’école et les suivis à distance ont été rendus plus compliqués en raison d’un manque de maîtrise des outils informatiques. Il est ainsi apparu que la mise à disposition de matériel informatique a pris tout son sens lorsque ces personnes disposaient des ressources pour les utiliser. Les ami∙e∙s, le réseau social et les liens de parrainage et de marrainage [1], quand ils existaient, ont représenté une ressource très importante.
L’isolement lié aux mesures destinées à contrer la diffusion du virus a eu pour effet d’affaiblir les liens sociaux des personnes qui fréquentent nos lieux d’accueil, l’Espace Rond-Point à Morges et la Permanence accueil à Nyon. L’arrêt des cours, des rendez-vous, des rencontres et de toute activité sociale a eu d’importantes et de multiples retombées, individuelles ou collectives, aux niveaux tant de l’intégration ou de l’apprentissage que du sentiment de confiance.
Les conséquences en matière de solitude et de fragilisation de la santé mentale sont encore visibles aujourd’hui, notamment sous la forme d’un sentiment diffus de peur. L’enjeu sociétal est important : comment rester en lien en période de crise ? De quels types de lien l’individu a-t-il besoin dans ces circonstances ?
Et les personnes les plus isolées ?
Au niveau de l’équipe de la pastorale, les liens ont été maintenus par le biais du téléphone, de Zoom et de rencontres, en respectant la distance. Nous avons trouvé d’autres manières créatives d’être en lien, de partager ce qui aide chacun et chacune à tenir debout ainsi que ses stratégies de rebondissement.
A partir de ces constats, une question nous a habité pendant tout le confinement : comment atteindre les personnes les plus isolées, par exemple celles qui trouvent dans les lieux d’accueil et de rencontre des ressources, personnelles et sociales, essentielles pour vivre ? Finalement, c’est ce maintien du lien avec les plus isolé·e·s qui garantit la cohésion sociale, indispensable à notre pays.
Les animatrices pastorales que nous sommes ont également ressenti le besoin de rester en contact avec les institutions sociales faisant partie du réseau local ou cantonal, ainsi qu’avec les collègues et ressources internes à l’Eglise. Là encore, il a fallu trouver des stratégies. Ces liens ont été très utiles pour repérer les besoins émergents, connaître les réponses qui se mettaient en place, renforcer la collaboration et mettre en commun les nouvelles initiatives de solidarité, par exemple les récoltes alimentaires organisées en paroisse et destinées à une distribution locale par un quartier.
Les liens sociaux et la collaboration
Pour conclure, cette crise a visiblement démontré que les actions et liens de solidarité ont pu se déployer grâce aux liens préexistants, tant avec les personnes en précarité qu’avec les acteurs du réseau de soutien. L’expérience ainsi acquise nous amène à plaider pour un renforcement de ces liens au sens large afin de permettre que d’autres initiatives de solidarité puissent plus facilement se mettre en place à l’avenir, y compris si une nouvelle crise devait surgir.
L’autre axe à développer est d’écouter comment les personnes en difficultés ont réellement vécu ce temps, les associer à ces bilans et réflexions afin de construire, à l’avenir, la solidarité collaborativement avec elles.
Cet article appartient au dossier spécial «Travail social et Covid-19» coordonné par la Haute école de travail social Fribourg et REISO.
[1] L’Action parrainage, importante ressource sur le territoire, en lien des suisses et des migrant-e-s, voir www.plateforme-asile.ch.
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Chiara Mari et Françoise Gariazzo, «Solidaires grâce aux liens préexistants», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 26 octobre 2020, https://www.reiso.org/document/6547