Des seniors définissent leur vision du bien-vieillir
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Une étude qualitative vaudoise a donné la parole à un échantillon de trente client·e·s de CMS. L’objectif était que des personnes âgées elles-mêmes puissent se positionner sur les éléments essentiels à un vieillissement épanoui.
Par Nathalie Bacq et Sophie Progin Batalla, consultantes au Service de développement des pratiques professionnelles, Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD), Lausanne
Comme c’est le cas pour de nombreux territoires, le profil démographique du canton de Vaud est en pleine mutation. Selon les projections de Statistiques Vaud, d’ici à 2030, un·e Vaudois·e sur cinq sera âgé·e de plus de 65 ans. Le nombre de personnes de plus de 80 ans va doubler d’ici à 2040 et leur part représentera plus de 30% de l’ensemble des seniors. [1]
Ces changements attendus vont mettre sous tension le système de santé. Il s’agira de répondre à davantage de besoins, mais différemment. Ainsi, une adaptation des pratiques de l’aide et des soins à domicile et le renouvellement des axes de prévention deviennent nécessaires.
Les professionnel·le·s des centres médico-sociaux (CMS) sont au plus près des seniors au quotidien et disposent d’un fort ancrage régional dans les dispositifs sanitaires, sociaux et communautaires. Ils et elles peuvent ainsi sensibiliser les bénéficiaires et mettre en synergie les différentes ressources nécessaires au bien-vieillir.
Une réflexion basée sur les bénéficiaires
Tout comme l'étude sur l'impact de la crise sanitaire sur la santé et le bien-être des seniors [2], cette recherche sur le bien-vieillir a été menée en collaboration avec la chaire de l'UNESCO et le centre collaborateur OMS « Global Health and Education ». Elle s’articule en deux volets, l'un qualitatif, achevé, et l'autre quantitatif. [3]
La réflexion a été centrée sur les bénéficiaires afin d'éviter les écueils d’une vision institutionnelle : écouter plutôt que poser un cadre a priori. L’accent a été mis sur leur compréhension du bien-vieillir, leurs expériences ou encore leurs points de vue. Le volet qualitatif a ainsi permis d'accéder à une connaissance en profondeur des besoins et attentes des aîné·e·s via des focus groups et des entretiens individuels.
Trente bénéficiaires de prestations des CMS ont pris part à l’étude. Le panel a été constitué de manière à représenter la diversité des profils : âgé·e·s de 65 à 79 ans, hommes et femmes, vivant en ville et à la campagne. Leurs témoignages ont été recueillis entre le 11 et le 26 octobre 2021 lors de deux rencontres en groupes de trois à six personnes.
Un besoin d'autonomie avant tout
Les différents échanges ont mis en lumière la diversité des réalités vécues selon le parcours de vie de la personne. Des lignes communes se dégagent cependant clairement sur certaines notions.
Les témoignages récoltés montrent que pour ces seniors il s'agit avant tout de « vivre une vie qui leur convient ». Être en situation de choisir et conduire leur existence de façon autonome apparaissent comme des préoccupations centrales.
Pour les personnes interrogées, il est nécessaire de passer par l'acceptation de la vieillesse et des handicaps qui, souvent, l'accompagnent, avec toutefois l'objectif primordial de rester autonomes le plus longtemps possible. En effet, la santé n’est pas le seul paramètre invoqué : elle n’est pas un objectif en soi, mais une condition du bien-vieillir parmi d’autres. Elle n'est d’ailleurs pas définie comme l’absence de maladie, mais comme le fait de rester actif physiquement ou culturellement (faire du sport, sortir son chien, marcher, jouer de la musique, aller au cinéma ou au théâtre, voyager) et socialement (partager du temps avec sa famille ou des ami·e·s, rencontrer des gens).
Ainsi, le bien-vieillir revêt un caractère multidimensionnel, qui ne se limite pas à une définition biomédicale qui mettrait l’accent sur des caractéristiques cliniques.
Un maintien de la vie sociale
Les conditions importantes pour vieillir en bonne santé soulignées par les participant·e·s concernent notamment la nécessité de disposer de moyens économiques suffisants pour poursuivre leurs activités sociales. Ils et elles ont également qualifié d’essentiel le fait d'être informé·e·s et de s'adapter aux évolutions technologiques en apprenant à utiliser les outils numériques et les différents nouveaux médias.
L’entourage s’avère également une ressource importante. Les interactions sociales avec leur famille, leurs ami·e·s, leurs ancien·ne·s collègues de travail ou encore leurs voisin·e·s participent au bien-être des personnes interrogées.
Un terme qui ressort régulièrement est le mot « maison ». Sa dominance aide à constater que rester chez soi est important pour les bénéficiaires qui se sont exprimé·e·s. Le milieu de vie et l’environnement sont donc des composantes dont il s’agit de se préoccuper, non seulement dans la perspective de la préservation et de l’amélioration de la santé, mais également dans celle du maintien de l’autonomie des individus.
Une aide ciblée sur les attentes
Les aîné·e·s interrogé·e·s ont relevé la qualité et l'importance du service offert par les CMS et se sont exprimé·e·s sur leurs besoins et attentes envers les pouvoirs publics, les institutions et les structures associatives et communautaires. L'étude montre que les modes d'accompagnement attendus sont divers et variés. Ils vont de la simple sortie, pour une promenade ou faire les courses, à un accompagnement pour des démarches administratives, par exemple.
L’étude révèle également qu’il est difficile pour les seniors de connaître les offres de l’ensemble des acteurs et actrices qui existent au niveau local et d’en bénéficier. En ce sens, elle confirme qu'il reste primordial de développer les compétences des personnes âgées en matière non seulement de santé, mais aussi d’utilisation des moyens numériques et médiatiques. La consolidation et l'amélioration des services de proximité doivent encourager la participation sociale des aîné·e·s et le développement de leurs compétences pour bien vieillir.
Pour les participant·e·s, il est un fait que, tôt ou tard, le processus naturel de vieillissement s’accompagne de facteurs de vulnérabilité et d’une perte d’autonomie. Cependant, un vieillissement en santé se prépare tout au long de l’existence, notamment par l’adoption et le maintien de saines habitudes, mais aussi par l’aménagement d’un environnement adapté. Ces éléments contribuent à retarder l’apparition ou le développement des maladies et des incapacités, et ainsi faire en sorte que la qualité de vie soit préservée plus longtemps.
Ainsi, l’étude qualitative démontre comment la perception du bien-vieillir peut être influencée par les habitudes de vie, la situation socio-économique et les environnements dans lesquels les seniors évoluent. Dans ce cadre, les interventions préventives mises en place par les différents acteurs socio-sanitaires se révèlent stratégiques.
[1] Statistiques Vaud, 2017
[2] « Seniors et crise sanitaire : une étude pour comprendre les impacts sur l’état de santé »
[3] Cette deuxième partie quantitative, dont les résultats seront communiqués durant le premier semestre 2022, s’inscrit dans le cadre de la promotion du vieillissement en bonne santé. Elle a été réalisée sur la base des résultats de l’étude qualitative.
Lire également :
- Irina Ionita, «Bien vieillir chez soi: attentes et besoins», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 11 avril 2022
- Caroline Knupfer et Benoît Tabin, «Co-construire une nouvelle politique vieillesse», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 21 mars 2022
- Hans Peter Graf, «Une décennie pour le vieillissement en bonne santé», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 8 octobre 2020
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Nathalie Bacq et Sophie Progin Batalla, «Des seniors définissent leur vision du bien-vieillir», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 5 mai 2022, https://www.reiso.org/document/8967