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Prévenir le non-recours aux prestations sociales

Jeudi 02.06.2022
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Comprendre les facteurs de non-sollicitation des prestations sociales est essentiel pour agir sur ce phénomène. Une recherche montre notamment que celui-ci est lié aux rapports que les individus entretiennent avec les institutions sociales.

Par Barbara Lucas, professeure ordinaire, Haute école de travail social (HES-SO), Genève

Cette contribution [1] est basée sur les résultats d'une recherche récente portant sur le non-recours des familles aux prestations sociales financières dans le canton de Genève (Lucas et al.  2019 ; Lucas & Maggi 2019). Pour la première fois en Suisse, des entretiens approfondis ont été menés avec des personnes directement concernées, n’ayant pas sollicité d’aide, ou très tardivement, malgré leur situation financière difficile.

Ces récits informent de façon privilégiée sur la façon dont les individus en situation de précarité perçoivent les services et les professionnel·le·s du social. En montrant comment le non-recours peut être lié aux rapports que les citoyen·ne·s entretiennent avec les institutions sociales, ces résultats fournissent des pistes pour améliorer au quotidien l'accès aux droits sociaux.

Le terme de « non-recours » renvoie aux personnes qui ne bénéficient pas d'une offre de droit ou de service à laquelle elles pourraient prétendre (Warin 2010). Dans le domaine social, les premiers travaux sont publiés dans les pays anglo-saxons dès les années 1970. La recherche se diffuse ensuite en Europe continentale à partir des années 1980, révélant l'existence d'un phénomène de grande ampleur. Les taux de non-recours aux prestations sociales en Europe varient entre 40 et 60% (Eurofund 2015). En Suisse, ce sujet fait l'objet d'une attention croissante (Lucas, Bonvin, Hümbelin 2021). À ce jour, les données manquent encore, mais on estime à 26,3% le taux de non-recours à l'aide sociale à Berne (Humbelin 2019) et à 29% celui de non-recours aux prestations complémentaires AVS à Bâle-Ville (Hümbelin 2021).

Normes sociales et système de prestations

Les entretiens menés à Genève font apparaître différents motifs de non-recours aux prestations sociales financières, souvent entremêlés. Les normes sociales comme les caratéristiques du système social cantonal font partie de l’équation.

En premier lieu, la non-sollicitation d’une aide s’inscrit dans les normes sociales dominantes, valorisant la responsabilité individuelle et l’indépendance financière. Dans un système de type assurantiel comme celui de la Suisse, dans lequel les cotisations sociales justifient l’ouverture de nombreux droits, un « lourd fardeau d’autojustification » [2] pèse sur les personnes au bénéfice de prestations sous conditions de ressource. Le fait même de devoir demander une aide suscite ainsi des sentiments de « honte », un terme utilisé de façon récurrente dans les entretiens.

Un fort stigmate est d’ailleurs associé au statut de bénéficiaire d’aides financières publiques. C’est particulièrement le cas des individus qui touchent des prestations d’aide sociale (Lucas 2020). Ces derniers sont perçus par les personnes interviewées comme des êtres « faibles », « fainéants », parfois « fraudeurs ». Ne pas solliciter les services sociaux dans ce contexte, c'est refuser de s'assimiler à une catégorie socialement dévalorisée (les « assistés ») ou tenter d’éviter le regard disqualifiant d’autrui. Pour autant, ce non-recours peut aussi être affirmé de façon positive, comme un choix qui permet d’incarner des valeurs, souvent présentées comme un héritage familial, telles que la force ou l’autonomie. Ne pas solliciter les aides sociales devient alors associé à la fierté de ne pas dépendre d’aides publiques pour s'en sortir.

Un autre motif important de non-recours a trait aux difficultés à se renseigner et s'orienter au sein du dispositif de protection sociale cantonal. Dans le canton de Genève, celui-ci est développé et relativement généreux. Revers de la médaille, il se révèle particulièrement complexe, mêlant une pluralité d’institutions, de prestations et de conditions. La quantité d’informations, la difficulté à rapporter les prestations identifiées à son cas particulier, les problèmes d'orientation dans le réseau peuvent générer un sentiment de désarroi. La quête d’informations sur ses droits est décrite comme « éprouvante », plus particulièrement pour les personnes allophones, isolées, ayant un bas niveau de formation ou de littératie. En l'absence de soutien, certain·e·s abandonnent.

Rôle des institutions sociales

Par ailleurs, les entretiens montrent que la non-sollicitation d’une aide financière peut aussi être directement liée aux relations que les citoyen·ne·s entretiennent avec les institutions sociales elles-mêmes et les professionnel·le·s qui y travaillent. Ainsi, une part du non-recours relève d'une forme d’exclusion administrative (Brodkin, Majmundar 2010), au sens où ce sont les procédures formelles et informelles déployées dans diverses administrations qui peuvent entraver l'accès aux droits.

Un premier motif d'exclusion prend sa source dans la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI). De nombreux individus de nationalité étrangère (titulaires d'un permis B pour la plupart) expliquent avoir renoncé à l'aide sociale lorsqu'ils ou elles ont appris que leur permis de séjour pourrait être remis en cause par le fait de recevoir ces prestations. Qui plus est, alors que les institutions sociales semblent bénéficier d'un relativement haut niveau de confiance, on constate que de mauvaises expériences, en tant que bénéficiaires au sein d'un service ou lors d'un premier contact au guichet, peuvent générer du non-recours.

Pour une part, ce sont les exigences formelles multiples, la confrontation avec les innombrables « papiers », ainsi qu’un langage administratif abscons, qui découragent des ayant droits de poursuivre leur démarche. Mais les récits laissent aussi percevoir l'existence d'un malentendu sur les attentes, qui se cristalliserait dès l'accueil. Contrairement à ce qui est souvent supposé en effet, la première demande n’est pas toujours financière (voir aussi Neuenschwander et al. 2012). Lorsqu'une personne pousse la porte d'un service comme on appelle à l'aide, une réponse technocratique formatée sur la seule prestation financière est perçue comme une fin de non-recevoir.

Une attitude adaptée favorise l’accès aux droits

Dans ce contexte, il importe de souligner le rôle clé que peuvent jouer les professionnel·le·s du social du point de vue de l'accès aux droits sociaux. Les récits recueillis sur ce thème sont fortement ambivalents, combinant critiques virulentes et infinie reconnaissance. Les attentes sont fortes en effet vis-à-vis des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux. Et si la confiance est donnée d'emblée, elle peut aussi se perdre. L’expérience de préjugés notamment – être confronté par exemple à des paroles perçues comme l’expression d’un mépris de classe - peut conduire certaines personnes à renoncer définitivement à solliciter une institution.

Par ailleurs, dans un contexte d’interaction asymétrique, où les bénéficiaires potentiel·le·s sont parfaitement conscient·e·s de leur position de faiblesse et de la marge discrétionnaire des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux, tout ce qui peut être interprété comme un jeu de pouvoir suscite en retour un rejet violent de la part de l’usager·e.

A l'inverse, les récits montrent donc également que les professionnel·le·s jouent un rôle actif et essentiel pour encourager les démarches de demandes de prestations. Par leur écoute (sans jugement), leur attention personnalisée, leur expertise et aide concrète, ainsi que par leur capacité à renforcer le sentiment de légitimité des ayants droit (le droit d'avoir des droits), ils et elles préviennent le non-recours. Mieux, ils et elles transforment les destins : les récits de raccrochage aux droits sont tous des récits de rencontres décisives, bénissant la personne qui, dans une association ou un service social communal ou cantonal, a su se montrer présente et attentive au bon moment.

On le constate, le non-recours est un phénomène complexe, qui se comprend à l'articulation de plusieurs types de motifs. Si les normes sociales et l'orientation au sein du réseau en sont des déterminants importants, notre enquête montre aussi l'importance de ce qui se joue dès l’accueil dans les administrations, ainsi que le rôle clé des professionnel·le·s dans la prévention du non-recours. Ainsi, malgré la force des mécanismes qui s'ancrent dans un contexte structurel, il existe une possibilité d'agir à l'échelle de l'institution, des services ou des pratiques professionnelles, afin que le raccrochage aux droits ne relève plus seulement d'un heureux hasard.

Références

  • Brodkin, E. Z., & Majmundar, M. (2010). "Administrative Exclusion: Organizations and the Hidden Costs of Welfare Claiming". Journal of Public Administration Research and Theory, 20: 827-848.
  • Eurofound. (2015). Access to social benefits: reducing non-take-up. Luxembourg: Publications Office of the European Commission.
  • Hümbelin, O; Richard, T.; Schuwey, C.; Luchsinger, L.; Fluder, R. (2021). Nichtbezug von bedarfsabhängigen Sozialleistungen im Kanton Basel-Stadt – Ausmass und Beweggründe Bern: Bericht im Auftrag des Amtes für Sozialbeiträge des Kantons Basel-Stadt
  • Hümbelin, O. (2019). Non-Take-Up of Social Assistance: Regional Differences and the Role of Social Norms, 45(1): 7–33.
  • Lucas, B; Bonvin, J.-M.; Hümbelin, O. (2021) "The non-take-up of health and social benefits: What implications for social citizenship?". Revue Suisse de Sociologie Vol 47 (2) :161-180.
  • Lucas, B. (2020). "Pauvreté cachée. Les raisons du non-recours à l’aide sociale." Almanach Social 2020. Quand l’aide sociale évoluera. Lucerne, Ed. Caritas : 113-128.
  • Lucas, B. & J. Maggi (2019)."Mettre à l’agenda la question du non-recours. Le cas du canton de Genève" dans Warin P. (ed.) Agir sur le non-recours. Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble : 37-59.
  • Lucas, B. ; Ludwig, C. ; Chapuis, J. ; Maggi J. et Crettaz, E. (2019). Le non-recours aux prestations sociales à Genève. Quelles adaptations de la protection sociale aux attentes des familles en situations de précarité ? Genève, Haute école de travail social, HES-SO.
  • Neuenschwander, P., Hümbelin, O., Kalbermatter, M., & Ruder, R. (2012). Der schwere Gang zum Sozialdienst. Zürich, Suisse: Seismo.

[1] Une conférence sur ce sujet a été donnée dans le cadre d’une journée organisée par l’Artias, sous le titre : « Hors dispositifs, hors radars : coup de projecteur sur le non-recours aux prestations sociales ». Son contenu a été publié dans les Actes de la journée d’automne 2021.

[2] Pour reprendre l'expression de Nancy Fraser et Linda Gordon.

Comment citer cet article ?

Barbara Lucas, «Prévenir le non-recours aux prestations sociales», REISO, Revue d'information sociale, publié le 2 juin 2022, https://www.reiso.org/document/9123

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