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Contributeur régulier de REISO avec des recensions d’ouvrages, l’ancien médecin cantonal vaudois Jean Martin a fait l’objet d’un film Plans-Fixes. Vernissage le 19 septembre à la Cinémathèque suisse à Lausanne.
Homme aux facettes multiples, Jean Martin est passé de « serviteur de l’État » à personnalité engagée dans la désobéissance civile. « Je crois que la situation actuelle montre que nous sommes à un tournant qui n’est pas comparable à ce que nous avons connu dans le passé. (...) Nécessité fait loi », explique-t-il ainsi dans les premières minutes du film « Plans-Fixes » qui lui est consacré. Cette réalisation sera dévoilée le mardi 19 septembre 2023 à la Cinémathèque suisse, au Casino de Montbenon [1], puis disponible en libre accès sur le site de l’Association [2].
Médecin cantonal vaudois de 1986 à 2003, après avoir été l'adjoint de son prédécesseur dès 1976, Jean Martin s'est engagé dans des dossiers clés durant sa carrière au service de la santé publique : port obligatoire de la ceinture de sécurité, abaissement de l’alcoolémie au volant à 0,5 pour mille, arrivée du sida, crise de la listériose, prise de position sur les politiques liées à la toxicomanie. Le professionnel de la santé a également soutenu le développement de la santé sexuelle et du planning familial, ainsi que l'évolution de la santé en milieu scolaire. En outre, il a siégé, sur nomination du Conseil fédéral, à la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine.
Auteur prolifique, l’ancien membre du Parti radical-démocratique et membre de l’Assemblée constituante vaudoise évoque, tout au long des 50 minutes du film en noir et blanc, les grands sujets de sa vie. Il se remémore ainsi son enfance, liée à la nature et aux saisons, passée au cœur du domaine vigneron familial, à Echandens. De ces jeunes années, il se souvient d’une éducation « marquée par une bonne tolérance » et fortement ancrée dans la culture religieuse. « Un milieu chaleureux, d’où je tire des valeurs fortes », précise-t-il.
Médecine, écologie, religion, politique,... Outre ces grands sujets marquants de son existence, Jean Martin se souvient aussi de ses études, se confie sur la rencontre avec sa future épouse, Laurence Monod, lorsqu’il était moniteur pour de jeunes Parisien·ne·s venu·e·s en camp de ski, et se rappelle ses missions professionnelles à l’étranger, comme ces deux années passées dans un hôpital péruvien, dans la forêt vierge amazonienne.
Désormais fortement engagé en faveur d’un tournant écologique, notamment à travers le mouvement des Grands-parents pour le climat, il revient sur le sujet en fin de film. « On voit bien que le système libéral est en bout de course, c’est une glissade vers le chaos », estime-t-il. « Il faut que le monde change, on ne s’en sortira pas si on ne réinjecte pas beaucoup plus, dans le fonctionnement de la société, une attention à l’autre, un intérêt pour l’autre et pour son bien-être. » Et de ne pas mâcher ses mots : « Une de mes souffrances, j’ose un grand mot, c’est de voir comment, depuis le début de ma carrière, les inégalités n’ont cessé de croître. » Lui qui pensait, à son arrivée au service de la santé publique, que les inégalités allaient être gommées rapidement a dû, avec peine, se rendre à l’évidence : « Notre système ne permet pas de les résoudre, à l’intérieur des pays et entre les pays. »
(Céline Rochat)
[1] « J’aime ce monde, il faut le changer », Plans-Fixes avec Jean Martin, Casino de Montbenon, Lausanne, mardi 19 septembre 2023, 18 h, en présence de Jean Martin. Entrée libre.
[2] Depuis 1977, l’Association Films Plans-Fixes part à la rencontre de personnalités suisses, qui sont interviewées dans des films tournés en cinq plans fixes et en noir et blanc, en un seul lieu et sans que le ou la journaliste ne soit visible. Voir le site de l’Association