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Implants mammaires / L’éclairage de Jean Martin

Mardi 14.02.2012

De nombreuses questions de santé publique sont soulevées par l’affaire des implants mammaires PIP. REISO relaie cet éclairage de Jean Martin publié dans Le Temps (Genève), rubrique « Débats », 7 février 2012, p. 13.

Implants mammaires : l’autorité sanitaire devrait-elle intervenir ?

Dr Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois, membre de la Commission nationale d’éthique

L’affaire des implants mammaires PIP – dont le fabricant a été inculpé pour avoir employé secrètement des matériaux non autorisés – laisse beaucoup de questions en suspens. Partout les autorités sanitaires nationales s’efforcent de répondre aux craintes des patientes. Toutefois elles le font de manière non uniforme et ne recommandent pas systématiquement le retrait de ces prothèses lorsqu’elles n’occasionnent pas de troubles.

Il est légitime de savoir si ces instances officielles assument véritablement leur mission ou si elles devraient prendre des mesures plus larges et/ou plus fermes. Le directeur de Swissmedic, chargé chez nous de la surveillance des médicaments et des dispositifs médicaux (Le Temps du 28 janvier 2012) dit que son institut a fait son travail au sens des dispositions qu’il a le mandat d’appliquer. Dans le cas particulier et sans sous-estimer les préoccupations compréhensibles des femmes concernées, le fait est que le risque de complications graves est très faible. Ce qu’on sait ne demande pas d’envisager (à part en ce qui concerne le fabricant) les mesures urgentes et contraignantes, à large échelle, que requiert par exemple un danger de pandémie (voir les cas du SRAS et de la grippe H1N1 où le risque potentiel était majeur). En Suisse, on n’aime pas (du tout !) que l’Etat, avec ses gros sabots, donne des ordres qui ne seraient pas fondés sur une base légale claire et des motifs convaincants. Oui, l’autorité sanitaire peut, au motif de la clause d’urgence ou de celle dite générale de police, prendre des mesures non fixées par la législation spécifique. Mais il faut que soit respecté le principe de proportionnalité : la gravité de la mesure doit être en rapport avec le risque évité, respectivement le bénéfice escompté.

Sans poser en soutien ou critique de mes anciens collègues, je m’interroge : quelles actions seraient- elles judicieuses pour mieux répondre aux questions à propos des PIP ? Je pense à l’ouverture d’une « ligne rouge » avec des répondant(e)s compétent(e)s. Ici aussi, tenir compte de la relative modestie du risque (en termes objectifs plutôt que d’échos médiatiques). Plutôt que les Services cantonaux de la santé, voire l’Office fédéral, il serait pertinent, « techniquement » parlant, que les sociétés des disciplines médicales concernées (chirurgie plastique et esthétique, sénologie) mettent en œuvre une telle modalité. Elles pourraient dire que c’est le rôle de l’Etat ; expérience faite toutefois, c’est une des vertus du système suisse (à côté de ses petitesses) que des structures privées collaborent pragmatiquement avec l’autorité en remplissant des tâches d’intérêt général. Du côté du secteur public, on peut penser à des communiqués, avec les difficultés inhérentes à l’exercice mais, dans tous les cas, on n’évite pas les critiques : d’aucuns trouveront qu’on alarme la population pour trois fois rien, les autres au contraire qu’on banalise le danger… On peut imaginer une campagne d’information (à cet égard, la Suisse l’a fait très bien en matière de VIH/sida depuis plus de vingt ans) ; cependant ceux qui disposent des deniers publics doivent toujours se demander si l’impact vraisemblable sera en relation avec les ressources investies.

Il me paraît que ce sont mes confrères médecins praticiens, dans leur activité quotidienne en cabinet privé ou en hôpital, qui peuvent avoir le rôle le plus utile, dans la relation thérapeutique personnelle et de confiance avec leurs patientes. Certaines connaissances sont établies : les implants PIP étaient de qualité insuffisante et se rompent parfois ; l’évaluation de la situation selon les sources disponibles ne justifie pas à mon sens qu’on incite toutes ces femmes, en urgence, à demander le retrait des prothèses (NB : toute intervention chirurgicale entraîne en soi des risques, qui peuvent être aussi notables que ceux du maintien de l’implant). En particulier, les données actuelles ne font pas suspecter un risque de cancer ultérieur.

Il reste à savoir si le contrôle même des dispositifs en cause doit être renforcé, rendu plus détaillé. On peut toujours faire plus, mais est-ce toujours mieux ? Notre société est déjà très prudente, imposant de multiples preuves et contrôles dans le domaine médical notamment, dont on peut penser qu’ils retardent parfois la mise en œuvre de progrès - et le risque zéro n’existe pas. Du reste, le problème dans le cas PIP n’est pas issu d’une erreur dans la supervision mais d’un mensonge du fabricant, donc d’un acte qui sera pénalement puni.

Un mot sur les caisses-maladie : dans le cadre légal en vigueur et dans un Etat de droit libéral, l’autorité publique ne peut pas, me semble-t-il, imposer à ces assurances (qui mettent en œuvre la LAMal, mission d’intérêt public, mais qui sont privées) de prendre en charge les retraits de prothèse pratiqués préventivement, simplement pour tranquilliser la patiente (sous réserve donc d’une pathologie claire ou si des arguments scientifiques venaient demander un tel retrait dans tous les cas). Rappelons aussi que la grande majorité de ces prothèses sont posées pour des raisons esthétiques, elles ne sont donc pas remboursées par la LAMal. Par contre, cela reste la liberté des assurances complémentaires, œuvrant sur une base légale autre, d’envisager à bien plaire d’accepter lesdits frais.

Source : Le Temps, 7 février 2012

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