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Recension par Jean Martin
Astrophysicien, Aurélien Barrau possède aussi un doctorat en philosophie et s’occupe de culture et de poésie. Dans cet ouvrage, il explique pourquoi, données chiffrées à l’appui, il importe de changer urgemment de modèle.
« Je souhaite simplement que notre violence extrême envers la vie [par le modèle économique actuel] fasse maintenant partie de ce qui n’est plus autorisé. » L'auteur souhaite aussi « réenchanter un rapport au réel qui s’extraie de la fuite en avant consumériste et matérialiste, en s’éloignant de la logique de prédation. […] Autrement dit: tenter l’expérience d’un être-à-la-vie coopératif, symbiotique et commensaliste, comme le sont la grande majorité des relations dans la nature. »
L’individualisme. Un paradoxe est que le dernier siècle a vu des progrès qui devraient permettre de combattre efficacement la faim et la maladie, si nous étions une société du partage comme celle qu’appelle de ses vœux Aurélien Barrau. Mais il sera bien difficile d’y arriver au vu de notre addiction au maintien voire à l’expansion d’un individualisme forcené négligeant le droits et intérêts des autres – et au vu de la vanité des nations et de leurs leaders.
Les énergies. Dans son chapitre sur les évolutions urgentes indispensables, souvent assez simples quant au principe, l’auteur présente une liste comparable à celles qu’on trouve dans d’autres documents : en plus de la promotion des énergies renouvelables et de la nécessité de laisser les combustibles fossiles « là où il sont, sous terre » : diminuer l’utilisation de l’avion, mieux isoler les bâtiments, modérer les chauffages et la climatisation, produire et consommer localement nos aliments, diminuer en particulier la consommation carnée, ce qui est aussi une bonne chose du point de vue de la santé de chacun. Introduire de manière substantielle l’écologie dans les programmes scolaires. Et abandonner toute politique nataliste !
De nouvelles lois. Barrau ne cache pas qu’il faudra envisager des mesures impopulaires voire coercitives. Toutefois : « il n’est pas question d’instaurer une dictature verte ! Il s’agit de se donner les moyens d’éviter le pire, de considérer que la vie a une valeur supérieure à l’argent et qu’elle mérite d’être protégée. Pourquoi sommes-nous libres de détruire le monde et de décider que nos enfants ne pourront pas y vivre ? […] Nos biens sont protégés par la loi, est-il acceptable que la vie ne le soit pas ? » Et de préciser : « Les humains sont faibles - même par rapport à leurs propres critères – et ont tendance à abuser des possibles. Nous n’avons pas la force de nous restreindre mais nous avons celle d’accepter voire de demander une loi qui nous restreigne. […] Une évolution législative plus contraignante à l’endroit de comportements ‘contraires à la vie’ tendrait finalement vers une liberté accrue. »
La dimension sociale. A la lumière du mouvement des gilets jaunes,’auteur aborde les dimensions sociales de cette démarche. « Tout changement des habitudes de vie exige des efforts. Ils doivent être pris en charge par la collectivité et pas par ceux qui sont déjà en difficulté. Lorsque l’écologie s’oppose au social, elle se suicide. » Et à propos de transports, de tourisme, de production alimentaire, l’auteur précise : « Il n’est plus possible de tout sacrifier aux seuls impératifs économiques ou au seul hédonisme irresponsable de ceux qui en ont les moyens. L’impératif de changement qui s’impose est une chance d’explorer un nouveau rapport au réel. »
La poésie. Et un surprenant mot de conclusion : « Si le poète est celui qui sait entrevoir ce qui n’avait pas encore été imaginé, l’avenir sera poétique ou ne sera pas. »
«Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité. Face à la catastrophe écologique et sociale», Aurélien Barrau, Paris : Michel Lafon, 2019, 144 pages