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Un Congrès pour agir ensemble face aux enjeux du vieillissement

Vendredi 07.06.2019

La deuxième édition du Congrès intercantonal consacré aux enjeux du vieillissement a attiré 750 personnes le 6 juin 2019 à Lausanne. Un succès qui prouve l’importance de ce questionnement sociétal.


Compte rendu par Marylou Rey, rédactrice en chef de REISO

La population vieillit et se trouve globalement en bonne santé. Le système de santé vieillit aussi, mais se trouve en mauvaise santé. Si nous ne le changeons pas profondément, nous allons droit dans le mur ont déclaré la majorité des conférenciers et des conférencières. Les professionnel·le·s du domaine de la santé et du social, des personnalités politiques et des leaders d’opinion ont échangé leurs expériences et leurs idées pour envisager l’avenir.

Dès l’ouverture du Congrès, Jacques Chapuis, directeur de l’Institut et Haute Ecole de la santé La Source, a mis en garde contre les fausses solutions, celle qui consiste par exemple à penser résoudre la pénurie d’infirmières en engageant des personnes moins formées. A ses yeux et en fonction des enseignements du passé, cette tendance au «downgrading» ou déclassement observée dans plusieurs cantons est une grave erreur.

Erreur aussi, selon Nuria Gorrite, présidente du gouvernement vaudois, de considérer le vieillissement comme un problème. C’est au contraire une grande richesse. Encore faut-il que les politiques publiques deviennent réellement transversales, estime-t-elle, afin de repenser les soins certes, mais aussi le logement, les transports publics ou les commerces en fonction des caractéristiques de cette population.

Ce sont justement les caractéristiques démographiques qui ont été passées au crible par Michel Oris, professeur à l’Université de Genève (lire «Un regard démographique sur le vieillissement», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 4 juillet 2019). Graphiques à l’appui, il a montré que les représentations négatives du vieillissement ne correspondent pas à la réalité. La vieillesse a été une période de vie à haut risque de pauvreté par le passé, elle l’est beaucoup moins aujourd’hui. Le niveau de formation de la population est un facteur important dans cette amélioration.

Une vision optimiste de la vieillesse que partage Christophe Bula, chef du Service de gériatrie du CHUV. Il n’a pas fait de «gérontolisme», un nouveau néologisme pour qualifier l’attitude de celles et ceux qui insistent trop sur les aspects positifs du vieillissement. Il a simplement présenté les chiffres des compétences des personnes âgées sur les activités de la vie quotidienne, ou «AVQ», utilisées dans les enquêtes de santé. Sur vingt ans, l’amélioration est spectaculaire.

Si la bonne santé de la population permet l’optimisme, le financement de la santé oblige au pessimisme, selon l’économiste Carlo De Pietro, professeur à la HES du Tessin (lire «Comment financer les services de santé des aînés?», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 27 avril 2020). En vingt-cinq ans, les dépenses de santé par habitant·e ont passé de 350 francs à 800 francs par mois. Les frais de santé augmentent légèrement avec les années et ils explosent durant les quatre derniers mois de vie. Face aux coûts, la solidarité «obligée» entre jeunes et vieux va devenir difficile à supporter pour les premiers et le pays n’échappera donc pas à un double questionnement qui s’annonce vif : combien voulons-nous payer et qui doit payer ?

Le casse-tête des ressources a également été soulevé par Fred Paccaud, professeur de santé publique et chercheur au CHUV (lire «Vieillissement et santé: plusieurs pistes d’action» REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 16 décembre 2019). Pour conserver le bon état de santé de la population, il voit un levier d’action primordial dans la prévention et le diagnostic précoce des maladies chroniques. Pour lui, il faut agir sur les maladies que l’on peut prévenir sans quoi nous manquerons de ressources pour les maladies qu’on ne peut prévenir. Il conseille également d’ouvrir le débat sur le rationnement des soins au plus vite afin qu’il soit mené dans la sérénité plutôt que dans l’urgence.

Maintenir le bon état de santé de la population est aussi la préoccupation de Stéfanie Monod, directrice à la Direction générale de la santé du canton de Vaud. Cet objectif ne sera pas réalisable si le système actuel n’est pas profondément repensé. Elle considère qu’il fonctionne à l’image d’une «industrie» au lieu de suivre la logique d’un service où les acteurs et actrices se coordonnent et agissent ensemble.

Cette coordination entre les aides à domicile, les séjours de courte ou de longue durée et toutes les prestations sociales et sanitaires pour les personnes âgées a été largement commentée dans les ateliers, par exemple par Philippe Schaller et Stéphane Moiroux avec l'expérience de Cité Générations à Onex (lire Philippe Schaller et Stéphane Moiroux, «Pour les aînés, un parcours de santé revisité», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 2 septembre 2019), ou par Camille-Angelo Aglione avec la nouvelle approche adoptée par HEVIVA qui vise à réduire l’hébergement en institution et à favoriser de nouvelles formes d’habitat et d’aide à domicile.

Les personnes concernées ont participé aux échanges. La première intervention de ce Congrès et la dernière allocution ont été assurées par des retraités actifs : Roland Grunder, coprésident du Conseil suisse des aînés, et Pascal Couchepin, que l’on ne présente plus. Quant au bon déroulé de l’événement, il a été assuré par plusieurs bénévoles retraités.

Durant cette journée où ont été partagés les savoirs pratiques et théoriques, les expériences et les chiffres, une place a été faite à la poésie et à la philosophie. Proposé par Pia Coppex, cheville ouvrière du Congrès, et Bernard Schumacher, professeur à l’Université de Fribourg, ce dialogue a vanté le consentement face à nos vulnérabilités. Evitons de nous confronter ou de nous soumettre à notre finitude et essayons au contraire d’y consentir, ont-ils conseillé. Pour le philosophe, les personnes âgées sont comme un musée où sont rassemblées des choses importantes. Elles n’ont pas de prix, elles sont à la fois hors du temps et situées dans le temps, elles vivent résolument dans le présent et nous invitent à en faire de même.

Organisé par l’Institut et Haute École de la Santé La Source, l’événement a bénéficié du soutien de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’État de Vaud, la Ville de Lausanne, la Revue médicale suisse, la Fondation Leenaards, esprit nomade, Age Stiftung et la Ligue suisse contre le cancer. Tous les documents des présentations sont disponibles sur cette page.

Lire aussi: Hans Peter Graf, «Alternatives politiques face au vieillissement», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 6 juin 2019

 

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