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Compte rendu par Jean Martin
Serge Thorimbert est un ingénieur romand de 59 ans, père de famille et chef d’entreprise dans le domaine électrique et électronique. Dans ce livre, il réfléchit en humaniste sur l’avenir de nos rapports avec les développements technologiques.
Une notion qu’il met en évidence est l’interfaçage entre l’humain et la nature. Depuis des millénaires, la progression de l’homme s’est faite en établissant et en interposant des artefacts, des dispositifs entre lui et l’environnement, depuis la peau de bête pour se vêtir jusqu’aux moyens sophistiqués en nombre croissant, smartphone, prothèses etc. Aujourd’hui, «les équilibres de la vie sur Terre sont rompus ; or les équilibres de la biosphère sont indissociables de l’équilibre psychique collectif de nos sociétés. »
La nouvelle divinité. « C’est un siphonnage permanent de nos cerveaux, de notre mémoire et de notre savoir-faire, qui s’opère par transfert vers le Cloud. Tout semble concourir pour casser l’être humain (maillon faible et coûteux de la chaîne) en le remplaçant par des systèmes informatisés, voire par des robots. […] « Nous sommes devenus démiurges en instaurant malgré nous une nouvelle ‘divinité’: omnisciente (accès à toutes les connaissances, Big Data, le Cloud), omniprésente (internet) et omnipotente (les moyens autonomes de calcul, de commande et de pilotage), dont les facultés nous dépassent. »
Penser le futur. Ce qui caractérise les années récentes, c’est la prise de conscience qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Toutefois, « comment penser le futur alors que les composantes intriquées de notre présent sont illisibles ? Et que ceux que nous créditons comme aptes à le faire ne s’expriment que de manière sectorielle, en experts au jargon pas pleinement appréhendable. » L’auteur évoque les risques qui menacent la solidarité telle que nous la connaissons (assurances sociales et maladie notamment) ; ceci par les moyens qui permettent de prédire qui deviendra vieux ou pas, qui sera plus ou moins malade que son voisin. « La joie de vivre sera-t-elle au rendez-vous dans cette vie d’hommes qui marchent à la hâte sur l’étrange (et vain) chemin de l’élimination de tous les dangers et périls ?»
Une éthique des machines ? « Il n’est pas inconcevable que les machines, dépourvues d’empathie mais aussi de cupidité et de goût du pouvoir, puissent accéder à une forme de ‘conscience mathématique’, froide mais déterminée à la préservation des équilibres de la vie sur la Terre. » Mécanisme qui nous protégerait de notre pulsion prométhéenne, de l’arrogance et de la mégalomanie que nous ne sommes pas en mesure de réfréner ?! « La forme que prendrait l’action ‘éthique’ des machines est difficile à concevoir. Mais elles pourraient, mues par une forme de ‘réflexe’, couper les vivres de l’industrie de l’armement, de la production agrochimique, inhiber le fonctionnement de structures boursières et commerciales ».
La Pentecôte des robots présente une mise en perspective bien informée de la situation à laquelle nous faisons face, discutant les dimensions qui caractérisent la (post-)modernité. Pour l’auteur, « il est important de considérer notre talent à accomplir des choses qui ne servent à rien. C’est un attribut humain que les robots n’auront jamais. C’est en étant capables de faire de l’inutile que nous sommes véritablement devenus des êtres humains. » Mais « on l’a tous compris, notre avenir passe par en donner un à la Terre. Et pour lui donner un avenir, point d’autre choix que d’inverser le cours d’un certain nombre de choses. » A ce stade, pas évident que nous ayons tous et toutes saisi cet enjeu.
En guise de conclusion, cette citation de William Carlos Williams, poète et médecin américain (1883-1963) : « L’homme a survécu jusqu’ici parce qu’il était trop ignorant pour réaliser ses désirs. Maintenant qu’il le peut, il doit les changer, ou périr. »