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Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
Deux enseignants universitaires romands publient un gros ouvrage sur le coaching, principalement en milieu hospitalier. Dans la vie des professionnels de la santé, médecins en particulier mais pas seulement, les difficultés de relations sont en effet courantes. Il s’agit parfois de l’hubris de certains patrons, de compétences insuffisantes de leadership ou de gestion, d’antagonismes ou de jalousies. Parfois aussi, c’est l’histoire d’un·e chef·fe de services récemment arrivé·e qui fait preuve de peu de psychologie à l’égard de ses rivaux malheureux par exemple. Dans d’autres situations, un professionnel est le souffre-douleur d’un supérieur, voire d’une équipe. Tout cela est longtemps resté dans le domaine du non-dit.
Les auteurs de « Coaching des soignants » ont été amenés, à l’issue de belles carrières, à accepter des mandats dans de telles situations et à se former en conséquence. Après quarante ans en réanimation et soins intensifs, le professeur René Chioléro, du CHUV, est ainsi devenu coach certifié, comme Véronique Haynal, psychologue et psychomotricienne à Genève. lls réunissent leur savoir et leur expérience dans ce livre.
Après une présentation de la philosophie et de l’approche du coaching, l’ouvrage présente les fondamentaux pour distinguer le coaching du mentorat ou l’importance de la supervision. Suit l’analyse de la pratique du coaching hospitalier. Ainsi, en matière de culture professionnelle, nous n’en sommes pas toujours conscients, il s’en faut de beaucoup, de l’importance et des conséquences de cette culture, des socialisations et des formatages que nous avons subis et/ou dont nous avons bénéficié. L’ouvrage présente aussi le passage de la demande de coaching au contrat, le coaching exécutif et le leadership, le coaching individuel et le coaching de vie, les conflits et la violence. Quant au coaching pour une santé mentale, les deux coachs précisent les notions de burnout et de sa prévention, l’importance de prendre soin de soi et l’utilité possible de la « pleine conscience ». Sont aussi abordés le domaine des conflits et de la violence à l’hôpital. Dans les deux derniers chapitres, les auteurs décrivent leurs propres parcours et évoquent des perspectives en « croisant les regards ».
Un traité pratique, nourri de tableaux et de multiples vignettes tirées de situations vécues. A noter que R. Chioléro fait preuve de transparence dans plusieurs cas où il a été impliqué comme soignant, avant d’être coach. Ce qui retient l’attention est que, à chaque fois, sont décrits la situation de départ, les contacts avec le coach, le mandat, les différentes étapes. Mais, sauf dans une minorité de cas, le résultat n’est pas précisé (« happy end », issue difficile, insuccès). Cela m’a interpelé. Est-ce lié au fait que l’accent est mis sur les processus ? Par ailleurs, au moment de #MeToo et de la mise en évidence de la fréquence des gestes inappropriés à connotation sexuelle dans tous les domaines (et le système médico-hospitalier ne fait certainement pas exception), on trouve en tout et pour tout une mention de « remarques sexistes » (p. 342) et une de « sexisme » (p. 382). Etonnant, non ? Je m’en suis ouvert au premier auteur qui est lui aussi resté perplexe.
Sans que cet ouvrage soit de ceux que les Anglo-saxons appellent un « page turner », il vaut la peine de s’y plonger. Chioléro et Haynal apportent une contribution importante à une meilleure reconnaissance et une meilleure pratique du coaching en milieu de soins. On leur en dit notre gratitude.