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Trois questions à Olivier Graf, éducateur spécialisé à la Fondation Le Relais, à Morges et auteur d’un livre sur ses échanges épistolaires avec des personnes en souffrance.
(REISO) « Du bleu dans la vie » [1] est un recueil de lettres inspirées par les échanges que vous avez eus avec des personnes que vous suiviez dans le cadre du Relais [2], à Morges. En quoi l’écrit est-il utile dans la relation d’aide ?
(Olivier Graf) Les échanges épistolaires peuvent être un outil complémentaire aux entretiens individuels. J’ai eu l’opportunité de le mettre en œuvre avec quelques personnes que j’aide au Relais, en tant qu’éducateur. Cette nouvelle pratique s’est imposée à moi lors du suivi socio-éducatif d’une femme enceinte régulièrement alcoolisée et toxico-dépendante. Cette personne s’était barricadée à l’hôtel. Je me rendais tous les jours devant sa chambre, mais elle ne m’ouvrait pas. J’ai alors eu l’idée de glisser une lettre sous sa porte. Quelques jours plus tard, elle m’a ouvert et j’ai découvert mon courrier scotché sur l’armoire de sa chambre. Il avait visiblement eu de l’importance à ses yeux. «Personne n’avait jamais pris le temps de m’écrire pour prendre de mes nouvelles », m’a-t-elle confié. J’ai alors réalisé que les lettres pourraient être un support de travail intéressant et qu’elles permettraient certainement d’aider d’autres individus.
Dans votre ouvrage, vous présentez vos échanges épistolaires avec sept personnes aux parcours différents et néanmoins difficiles. Ces situations sont-elles réelles ou romancées ?
Mon livre est basé sur des situations réelles et les lettres sont une retranscription, non exhaustive, des conversations que nous avons eues, parfois sur des mois voire des années. Les échanges que les lecteurs et lectrices découvriront sont inspirés de la vie de personnes rencontrées tout au long de ma carrière. Le but de mon ouvrage n’est pas de reporter mot pour mot ce qui m’a été confié, mais d’illustrer l’intérêt que revêt la pratique de l’écrit dans la relation d’aide. Ce qui est écrit ne peut pas, par exemple, être atténué par la suite, comme cela pourrait se faire dans le cadre d’une conversation. L’écrit offre la possibilité de se distancier, puis de revenir sur certains propos, de les rediscuter, de les approfondir même lorsqu’ils sont difficiles. De plus, échanger des lettres, par courrier postal, impose également une petite contrainte qui souligne tant mon engagement que celui du·de la destinataire.
Les échanges de lettres pourraient-ils remplacer les entretiens en personne?
Je pense que les deux manières de faire sont complémentaires et je trouverais dommage qu’un outil supplante l’autre. Cela dit, franchir la porte d’une structure d’aide est très compliqué et toutes les personnes en souffrance ne font pas forcément une telle démarche. J’aimerais proposer un suivi par écrit à un plus large public que celui qui fréquente les institutions. Cela permettrait d’atteindre celles et ceux qui ont besoin d’aide, mais qui n’oseront peut-être jamais franchir le bon seuil. L’écriture, en tant que médium, pourrait alors se révéler efficace.
[1] Du bleu dans la vie, Olivier Graf, Ed. Socialinfo, 2021, 348 pages
[2] La Fondation Le Relais œuvre pour l’insertion professionnelle et sociale d’adultes en difficulté