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Promenade de santé – Chronique d’une jeune généraliste
Fluorette (auteure), Editions Grasset, Paris, 2014, 335 pages.
Recension par Jean Martin
Ce livre est issu pour une bonne part du blog de Fluorette, 35 ans environ. Après avoir vécu et suivi ses études pas loin de la mer, elle s’est installée en cabinet de groupe en Alsace. Les quelques 80 vignettes qui constituent l’ouvrage sont de le même veine que « Juste après dresseuse d’ours », de Jaddo (Fleuve noir, 2011. Présentation sur REISO). On pense aussi au livre « Le Chœur des femmes » de Martin Winckler (Gallimard, 2011. Présentation sur REISO), dont l’héroïne-narratrice décrit son activité dans un centre de soins de premier recours. Le dynamisme, l’intérêt pour le métier, les difficultés, les moments de déprime, sont de la même nature, mais aussi les satisfactions et les joies, de fréquence variable.
« J’écris, dit Fluorette, pour tenter de décharger mes épaules du poids de mes journées et soigner mes insomnies. Pour avoir des avis sur certaines situations et exorciser mes angoisses (…) A l’hôpital, je n’appréciais pas la façon dont on traitait parfois les patients, sans respect pour leur pudeur, en s’indignant parfois qu’il puissent avoir un avis sur leur propre cas. »
Ses courts récits sont pour l’essentiel des descriptions de moments de l’activité quotidienne, en cabinet ou lors de visites à domicile (qui semblent encore nombreuses). Fluorette insiste sur une pratique fondée sur les preuves scientifiques, aussi en médecine de premier recours, mais elle ne néglige en rien l’accent mis sur la qualité de la relation et sur l’écoute. Toujours respectueuse du patient et du temps qu’elle lui consacre, elle illustre une pratique généraliste moderne, scientifique et relationnelle.
Elle est particulièrement attentive à limiter la polymédication, trop fréquente. « J’aime tenter d’arrêter des catastrophes médicamenteuses ancestrales. » Elle refuse les renouvellements de prescription sur un coin de bureau et insiste sur les règles de bonne pratique, notamment sur le fait que les antibiotiques ne sont pas « automatiquement » délivrés. L’auteure ne transige pas sur les principes d’une activité médicale à la fois de qualité et économique, dans le sens où elle condamne les artifices permettant d’élever indûment son revenu.
Ouvrage tonique et crédible, bien écrit, plein d’humanité et de sérieux, d’une professionnelle qui a choisi la médecine, et particulièrement la médecine générale, parce qu’elle aime les gens. Elle ne cache pas comment elle a été surprise, parfois secouée, par les lenteurs et complications répétées des relations avec les administrations, notamment celle de l’assurance-maladie.
Malgré les beautés du métier, Fluorette met en évidence les frustrations qui sont les siennes et celles de beaucoup de généralistes qui ont l’impression d’être considérés comme des confrères de seconde zone, géographiquement, professionnellement, sociétalement.
On espère que cet ouvrage n’échappera pas, en haut lieu, à la diligente attention des enseignants des facultés, des responsables des associations professionnelles, des planificateurs et autres conseillers techniques.
Jean Martin, médecin de santé publique
Consulter le Blog de Fluorette